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Afrique

Liberia : les électeurs se rendent aux urnes pour choisir le successeur d’Ellen Johnson Sirleaf

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Ellen Johnson-Sirleaf, Présidente de la République du Liberia, le 8 mars 2006, à Paris, France.

Ce mardi 10 octobre, des candidats très différents s’affrontent dans les urnes pour succéder à la présidente Ellen Johnson Sirleaf. Outre leur nouveau président, les Libériens renouvellent les 73 sièges de la Chambre des représentants. Les premiers résultats sont attendus dans les 48h. Un test pour la démocratie, quatorze ans après la fin d’un conflit sanglant.

Un célèbre footballeur, un richissime entrepreneur, un ancien mannequin, un avocat réputé, un chef de milice, un vice-président… tous engagés dans une course effrénée pour le pouvoir. Le scénario pourrait être celui de la dernière série télévisée à la mode. Mais, preuve que parfois la réalité est au moins aussi surprenante que la fiction, l’affiche est bien celle de l’élection présidentielle au Liberia, qui se tient le 10 octobre.

De l’aveu même d’Ellen Johnson Sirleaf, le rendez-vous est « historique ». « Pour la première fois depuis soixante-treize ans, le pouvoir politique sera transmis pacifiquement, démocratiquement, d’un président élu à un autre. Cela va montrer la voie à suivre aux futures générations de Libériens », a-t-elle déclaré lors de son dernier discours devant l’Assemblée des Nations unies, le 19 septembre.

Un véritable test pour la démocratie, quatorze ans après la fin de la guerre civile

Douze ans après son arrivée à la tête du pays, la première femme chef d’État d’Afrique s’apprête à rendre les clefs d’Executive Mansion, le palais présidentiel libérien. Une passation qui s’annonce comme un véritable test pour la démocratie, quatorze ans après la fin de la guerre civile.

Crise économique

Pour de nombreux Libériens, la désillusion a peu à peu remplacé l’enthousiasme né de l’arrivée au pouvoir de Johnson Sirleaf. Élue sur les ruines d’un pays ravagé par la guerre civile, elle fait désormais bien plus l’unanimité à l’extérieur qu’à l’intérieur de son pays. Le retour de la paix n’a pas fait oublier les difficultés économiques, aggravées à partir de 2014 par l’épidémie d’Ebola (4 800 morts).

Ces dernières années, la chute des prix du fer et du caoutchouc a été un coup dur, menant le pays à la récession l’année dernière. Pauvreté persistante, chômage très élevé, beaucoup caressent désormais l’espoir d’un changement. Et alors que, conformément à la Constitution, la présidente libérienne ne se représente pas, le scrutin n’a jamais semblé aussi ouvert.

Dans les rues, les sonos crachent des chansons à la gloire des prétendants

Ces dernières semaines, la ferveur s’est peu à peu emparée de Monrovia. La capitale a revêtu les couleurs des différents candidats. Le long des grandes artères, les immenses affiches électorales ont remplacé les traditionnelles publicités. Dans les rues, les sonos crachent des chansons à la gloire des prétendants. Le 19 août, une marée bleue envahit Congo Town, un des quartiers populaires de Monrovia. Danses, prières, incantations… L’heure est à la démonstration de force pour les partisans de « Mister George ».

George Weah, le favori

Star du football, seul Africain à avoir jamais remporté le Ballon d’or, George Weahlance alors sa campagne. « Il est temps que le pouvoir soit au peuple, et non à l’élite », déclare l’enfant prodige face à la foule venue l’acclamer.

Né dans un bidonville de la capitale, formé sur des terrains vagues, celui qui est depuis devenu riche et célèbre fait de sa propre histoire un programme pour faire rêver les électeurs.

Son origine indigène est aussi un avantage dans un pays où la fracture entre les « natifs » et les descendants d’esclaves afro-américains, qui représentent environ 5 % de la population et forment la majorité de l’élite, reste profonde. Alors qu’au Liberia l’appartenance ethnique est au moins aussi importante que le programme politique, Weah est désormais un des favoris du scrutin.

Cela fait des mois que le sportif s’y prépare. À ceux qui lui reprochaient un manque d’éducation et d’entregent, il a répondu en étoffant ses réseaux et en multipliant les tournées.

L’ex-femme de Charles Taylor pour alliée

Après s’être assuré le soutien de plusieurs chefs d’État de la sous-région, dont l’Ivoirien Alassane Ouattara et le Ghanéen Nana Akufo-Addo, il a enchaîné les rencontres à Conakry avec Alpha Condé, à Brazzaville avec Denis Sassou Nguesso, à Ouagadougou avec Roch Marc Christian Kaboré, avant de s’entretenir avec des diplomates à Paris et à Bruxelles.

Car celui qui a troqué le maillot pour les costumes sait que la politique est un jeu bien plus difficile que le football. Candidat à la présidence en 2005 puis à la vice-présidence en 2011, il a à chaque fois été vaincu.

Cette année, il croit avoir trouvé son atout maître en choisissant comme colistière Jewel Howard-Taylor, l’ex-femme de Charles Taylor. Le nom est sulfureux, mais le pari réfléchi. Depuis l’incarcération de l’ancien président, condamné en 2012 à cinquante ans de prison pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité en Sierra Leone, son électorat est particulièrement convoité.

Paix sous tension

L’ombre de la guerre civile continue de planer sur la politique libérienne. Et ses acteurs restent omniprésents. Point noir du bilan de Johnson Sirleaf, la justice et la réconciliation sont à peine sur les rails. Les conclusions de la Commission Vérité et Réconciliation, rendues en 2009, n’ont jamais été suivies d’effet. L’instance recommandait notamment que les personnalités impliquées dans la guerre ne puissent occuper de poste dans la fonction publique pendant trente ans.

Le personnage emblématique de l’impunité qui sévit au Liberia reste Prince Johnson

Dans cette liste figurait le nom d’Ellen Johnson Sirleaf elle-même, soupçonnée d’avoir financièrement soutenu Charles Taylor au début des années 2000. Autre recommandation : la poursuite de Benoni Urey, soupçonné de crimes économiques.

Accusé d’avoir servi d’intermédiaire entre Taylor et des trafiquants d’armes, il figure néanmoins parmi les candidats à la présidentielle cette année. Dans cette bataille, « Goldfinger », comme il est surnommé pour ses affaires dans les mines d’or, compte sur sa fortune. Il est l’un des hommes les plus riches du pays.

Mais le personnage emblématique de l’impunité qui sévit au Liberia reste Prince Johnson. Sa barbe a tourné poivre et sel, mais il affiche toujours son air suffisant. Lui aussi candidat, cet ancien chef de milice est devenu tristement célèbre le 9 septembre 1990. Ce jour-là, une bière à la main, éventé par une jeune femme, il regarde ses hommes torturer et mutiler l’ancien président Samuel Doe. Un passé qui ne l’a pas empêché d’être facilement élu sénateur, en 2005, dans son comté de Nimba. Il ne devrait cependant pas atteindre le second tour du scrutin.

Défi logistique et sécuritaire

Face à Weah et à son Congrès pour le changement démocratique (CDC), l’ancien avocat de Taylor, Charles Brumskine, du Parti de la liberté (LP), semble être un rival bien plus sérieux. Ce juriste, ancien président du Sénat, était déjà en lice en 2005. Arrivé troisième avec 14 % des voix, il n’avait donné aucune consigne à ses partisans pour le second tour, refusant de choisir entre Weah et Sirleaf. La présidente ne semble pas lui en avoir tenu rigueur.

Selon plusieurs sources, Brumskine aurait sa préférence, même si officiellement son soutien va à Joseph Boakai, son vice-président depuis 2006, bien placé dans cette course à la présidentielle. Choisi par le Parti de l’unité, cet homme du sérail, ministre de l’Agriculture dans les années 1980, incarne la continuité. Le poids et les réseaux du parti au pouvoir sont pour lui un avantage de taille.

 Jamais le Liberia n’avait organisé seul des élections

Weah, Brumskine, Boakai : le prochain président libérien devrait être l’un de ces trois hommes. Peu de chances qu’une femme succède à la première chef d’État africaine : la seule en lice est l’ancien mannequin MacDella Cooper, qui ne fait pas figure de favori.

Le scrutin est donc particulièrement indécis, et les inquiétudes restent fortes. Jamais jusqu’à aujourd’hui le Liberia n’avait organisé seul des élections. En 2005 comme en 2011, le pays avait reçu l’appui logistique et sécuritaire de la mission des Nations unies (Minul). Mais les Casques bleus ont amorcé leur retrait – et auront définitivement quitté le pays en mars 2018 –, et les forces libériennes vont donc devoir assurer la sécurité des électeurs et des urnes.

L’acheminement du matériel de vote en pleine saison des pluies semble déjà compromis dans certains bureaux reculés. Le défi est donc de taille.

Des affrontements entre militants du CDC et du LP, le 20 septembre, à Sanniquellie, dans le nord du pays, ont ravivé les craintes. Tout comme les déclarations de Prince Johnson : « Si George Weah l’emporte, la guerre va s’emparer du pays », a clamé l’ancien milicien. Ce 10 octobre, le Liberia doit se prouver qu’il est définitivement débarrassé des fantômes de son passé.



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