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Afrique

Tunisie : Ennahda, à l'épreuve de la «normalisation»

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Siège du parti Ennahda à Tunis, Tunisie.

Le mouvement islamiste tunisien Ennahda a voté dimanche la séparation entre ses activités politiques et religieuses. Ses dirigeants évoquent une « sortie de l’islam politique ». Mais ce n’est pas soulever un certain scepticisme dans le pays, échaudé par les louvoiements passés du parti de Rached Ghannouchi.

De l'avis des dirigeants du mouvement Ennahda, il s’agit d’un changement de capdicté par le pragmatisme. La formation islamiste est devenue un parti de gouvernement, même si sa précédente expérience au sommet de l’Etat, de 2011 à 2014, laissa un goût amer.

Mais cette formation est aujourd'hui le premier parti à l'Assemblée des représentants du peuple (avec 69 sièges) et partage le pouvoir avec la formation présidentielle Nidaa Tounes. Elle a précédemment dû abandonner petit à petit sa fonction tribunitienne, c'est-à-dire son rôle de contestation du pouvoir, rôle qu’elle occupait quasiment depuis sa formation, il y a quarante ans.

Selon le député d'Ennahda, Ferjani Doghmane, membre élu dimanche dernier au conseil consultatif d'Ennahda (le Majliss-al-Choura), le parti n’est « plus dans la contestation, mais dans la participation. [Il] se veut bâtisseur et c’est pour ça que notre expérience précédente [dans le gouvernement de la Troïka, NDLR] nous permet de voir les choses autrement ».

A l’issue de ce congrès « historique », les dirigeants du Conseil consultatif ont voté à plus de 80% pour la séparation de la prédication religieuse et de la politique par Ennahda. Concrètement, cela signifie qu’aucun dirigeant ne devrait être autorisé à exercer des activités de prédication parallèlement à ses activités partisanes. Cette pratique, héritage de l'organisation des Frères musulmans dont Ennahda est issu, est favorisée par un immense réseau d'associations qui gravitent autour du parti. Les organisations de prédication ou de bienfaisance entretenaient une relation ambiguë avec la formation politique. Les dirigeants d’Ennahda disent y avoir mis fin, il a au moins deux ans, pour se conformer à la loi tunisienne sur les associations de 2011.

Des questions autour de ce changement de doctrine

Mais certains doutent de cette séparation véritable. Ainsi, pour Leïla Hamrouni, cette distinction n’a pas « beaucoup de sens ». Pour cette députée démissionnaire du parti Nidaa Tounes (allié d’Ennahda au gouvernement), le parti islamiste affirme se spécialiser dans l’activité politique, mais « alimente l’ambiguïté » en gardant un « référentiel islamique ». Et de citer un exemple : « Dernièrement, nous avons discuté à l’Assemblée de la question de l’égalité en matière d’héritage (en Tunisie, les règles de succession sont définies par le Coran, NDLR), raconte la députée. Des imams sont intervenus pour dire qu’il ne fallait pas légiférer dans le sens de l’égalité homme femme, car c’est contraire à la Charia ». Pour la députée, il n’est donc pas possible de discuter des lois avec un parti qui continue de mettre en avant un « référentiel religieux au lieu de références politiques et civiques ».

Du côté du parti, le changement doctrinaire a été voté à plus de 80% par les congressistes d'Ennahda. Il faut dire que la discipline de vote est généralement respectée dans les rangs de la formation, bien tenue par son président Rached Ghannouchi, à l’initiative de ces évolutions.

Pour autant, cela ne veut pas dire que cette « normalisation » (incarnée par la présence très commentée au congrès du président de la République et chef du parti Nidaa Tounes, Bèji Caïd Essebsi) plaise à tout le monde à Ennahda. Selon Vincent Geisser, chercheur au CNRS, même si Ennahda devait faire ce choix, compte tenu du contexte géopolitique très défavorable aux partis d’obédience islamistes, il y a un « risque de voir une base populaire radicalisée ne plus se reconnaître du tout dans Ennahda (…), n’y voyant plus un parti antisystème, mais un parti du système ».

Vincent Geisser rappelle qu'Ennahda, dans sa volonté affichée de s'ouvrir « à tous les Tunisiens », sous l'autorité incontestée d'un chef, Rached Ghannouchi, s'inscrit dans la lignée des partis uniques qu'a connus la Tunisie depuis Bourguiba. Ses détracteurs se demandent si ce n'est pas là l'ambition inavouée d'Ennahda nouvelle formule.



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