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Familles mendiantes dans les rues de Dakar : Attention, danger! (anthropologue)

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Familles mendiantes dans les rues de Dakar : Attention, danger! (anthropologue)

Témoin d’une tentative de viol dans son quartier, Dr Aminata Niang Ndiaye, anthropologue, interpelle les autorités de l’Etat en charge de la protection de l’enfance et surtout de la petite enfance. Dans une lettre ouverte dont copie est parvenue à Seneweb, adressée à Mme la Ministre de la Femme, de la Famille et du Genre, et à Mme la Ministre de laBonne gouvernance et de la Protection de l’enfance, Dr Niang s’exprime en qualité de citoyenne et de mère pour attirer l’attention des autorités de l’Etat sur la recrudescence de la mendicité des familles (mères et filles) dans les rues de Dakar, et leur exposition permanente au danger. Un texte que nous proposons in extenso.

 

Mesdames les Ministres,

 

A travers cette ouverte correspondance, c’est un cri de détresse que je lance en écho à celui de la petite fille que j’ai secourue le mardi 5 juillet 2018, au moment où un pervers essayait de l’abuser sexuellement. Ce jour-là, à 9 h du matin, j’ai entendu des cris d’abord étouffés, puis très stridents provenir de l’entrée de l’immeuble où j’habite. Au départ, j’ai d’abord cru que c’était des jeunes mendiants (talibés) s’adonnant à des jeux très bruyants ! Avec la persistance des cris je décidai de sortir de mon appartement pour m’enquérir de la situation et là je tombe sur une scène terrifiante : une petite fille âgée entre 8 et 9 ans, en sanglots et à moitié nue s’agrippant péniblement à la rampe des escaliers et la silhouette d’un jeune homme qui s’enfuyait. Ma première réaction fut de poursuivre l’agresseur, mais mon instinct de mère, m’intima de m’occuper d’abord de la petite victime qui venait de vivre des moments traumatisants. Après que je l’eu calmée et rhabillée, elle me racontât sa mésaventure et d’où elle venait. Comme chaque matin, elle, sa grande sœur, ses trois petits frères et sa mère viennent à Ouest Foire pour mendier. La maman reste avec les plus petits et ordonne aux plus grandes de se mettre un peu plus loin pour maximiser les chances de rapporter plus de subsides. Ce jour-là, elle était au bord de la route en train de mendier à côté de sa grande sœur qui s’était assoupie sur le trottoir ; ce fut l’occasion par son agresseur de profiter de sa vulnérabilité pour l’éloigner en lui promettant un sachet de mangues. Ce dernier l’amena juste dans notre ruelle qui est très calme à cette heure de la journée et certainement sous la pression de ses pulsions de pédophile décida d’assouvir ses vils désirs sur le champ. Grâce à Dieu, il n’y arriva pas ce jour-là. Je reconduis la fillette auprès de sa mère à qui je fis des reproches quant à sa négligence.

 

Le cas de cette petite fille est juste la partie visible de l’iceberg car d’autres enfants, surtout ceux et celles qui « travaillent » dans la rue pour des adultes, subissent chaque jour, les pires atrocités (meurtres d’enfants, enlèvements suivis de viols et/ou meurtre…) commis par des personnes proches ou étrangères. J’ai pris conscience que nul n’est à l’abri ; ceci peut arriver à toute petite fille ou petit garçon comme à mes propres enfants.

 

Mesdames les Ministres, en tant que femmes et mères d’abord et autorités publiques ensuite, il est temps d’agir face à ce fléau qui est en train de gangréner notre société et qui instaure la psychose aussi bien chez les enfants que chez les parents soucieux de l’intégrité physique et psychologique de leurs enfants. Certes des actions sont en train d’être menées pour endiguer le phénomène de la mendicité des enfants dans la rue dont le fameux projet de retrait des talibés de la rue. Cependant cette initiative est, à mon avis, peu efficace, dans la mesure où elle n’est pas systématiquement appliquée et il n’existe pas en aval des mesures d’accueil, d’accompagnement et de suivi des enfants retirés de la rue. Seul le courage politique d’interdire formellement la mendicité infantile en conformité avec la Loi pourra résoudre ce problème. 

Pour rappel, le Sénégal affirme, dans le préambule de sa Constitution, son adhésion à la Déclaration Universelle des droits de l'Homme et aux instruments internationaux et régionaux adoptés par l'Organisation des Nations Unies (ONU) et l'Union Africaine (UA), respectivement la Convention Internationale relative aux droits de l'Enfant et la Charte Africaine des droits et du bien-être de l'Enfant. En effet, le Sénégal a signé et/ ou  ratifié la quasi- totalité des instruments internationaux relatifs aux droits de l'Homme, sauf le troisième protocole additionnel à la Convention sur les Droits de l'Enfant établissant une procédure de présentation de communications (entré en vigueur le 14 avril 2014). La volonté et l'engagement de l’Etat du Sénégal se sont manifestés par la signature et la ratification des instruments de protection et de promotion des droits humains mais également, par une législation protectrice des droits de l'enfant avec l'adoption du code de la famille de 1972 et la Loi n° 2005-06 du 10 mai 2005 relative à la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées et à la protection des victimes. Il n'en demeure pas moins que la domestication et la mise en œuvre pratique de ces instruments juridiques ne sont pas effectives. Cela porte un préjudice sérieux à la jouissance par les enfants, de leurs droits.

Un objet important de mon interpellation, est aussi d’attirer votre attention sur un nouveau phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur en milieu urbain dakarois : la présence massive de « familles mendiantes » vivant quasiment dans les rues de Dakar (à partir du point du CICES, le long de la VDN jusqu’aux portes du Palais de la République, en passant par les différentes artères du centre-ville). Ces familles, pour la majorité, monoparentales sont composées essentiellement de la mère et des enfants, la figure paternelle étant absente. Ces familles d’origines sénégalaises, guinéennes ou maliennes mangent dans la rue, y font la lessive et autres tâches ménagères. La rue, plus précisément le trottoir, devient ainsi la maison familiale, l’espace de socialisation des enfants de ces familles pauvres. Comment peut-on éduquer un enfant dans la rue qui est un espace ouvert, avec des conditions hygiéniques précaires et une sécurité peu garantie ? Quelles valeurs familiales, culturelles et religieuses lui inculquer ? Ne dit-on pas souvent que c’est la loi de la jungle qui règne dans la rue ? Ces enfants sont confrontés à beaucoup de risques en particulier, les risques d’accidents. On sent une inertie et un silence total des autorités publiques face à ces familles qui vivent de l’aumône quotidienne des citoyens. Nous devenons tous de plus en plus insensibles au sort de ces personnes tant elles font désormais partie du paysage urbain.

 

Que comptent faire la Direction de la Famille et de la protection des groupes vulnérables et la Direction de la Protection de la Petite l’Enfance envers ces familles. Pour rappel, dans l’article premier du décret n°2017-1576 du 13 septembre 2017 relatif aux attributions du Ministre de la Femme, de la Famille et du Genre, il lui est attribué, entre autres, deux missions fondamentales :

-       l’élaboration des politiques de développement social qui contribuent à l’amélioration des conditions de vie de la famille ;

-       l’identification et la mise en en œuvre des mesures requises pour la préservation des valeurs familiales.

Il me semble que l’accent soit plus porté sur des actions plus médiatisées tournant autour des financements d’activités économiques des femmes entrepreneures et des groupements féminins ou de l’allégement des travaux des femmes rurales (ce qui est une bonne chose).

Qu’en est-il du Ministère de la Bonne gouvernance et de la Protection de l’enfance à travers ses Directions de laPromotion des Droits de l’Enfance et de la Protection de la Petite l’Enfance ? En plus de sa mission de conception et de mise en œuvre des politiques visant à renforcer la bonne gouvernance, ce ministère doit effectivement veiller au respect des droits fondamentaux des enfants et à leur protection contre la maltraitance et toutes les formes d’exploitation dont celles liées à la mendicité. Il doit surtout assurer une bonne intégration des jeunes enfants dans la vie familiale et sociale, le tout dans un cadre de vie décent. Qu’en est-il de ces missions ?

 

Enfin, Mesdames les Ministres, il est important de combiner vos efforts afin de prendre des mesures idoines, en collaboration avec les autres sectoriels concernés (Economie, Intérieur, Justice, Education, Renouveau urbain…) et en proposant des politiques (bien informées) visant à mieux réduire les inégalités sociales et à mieux protéger les droits de l’Enfant. Un pays qui se veut émergent, ne doit pas uniquement réduire son développement à des infrastructures qui émergent du sol (cités ministérielles, hôtels de luxe, autoroutes payantes…), pendant que les valeurs fondamentales (éducation, citoyenneté, patriotisme, solidarité, etc.) restent immergées et que la majorité de ses ressources humaines (jeunes hommes et femmes) ont un accès inégal aux ressources productives ou sont marginalisées.



6 Commentaires

  1. Auteur

    Mastata

    En Juillet, 2018 (17:07 PM)
    Ou sont les parents de ces enfants de la rue ?
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  2. Auteur

    Anonyme

    En Juillet, 2018 (18:07 PM)
    Que c bien dit. où sont les autorités. votre constat est alarmant. on a l impression dans notre pays qu il y a des ministres qui sont payés à ne rien faire. C incroyable .le président de la république doit les virer dans son intérêt et celui du peuple. TROP C TROP.
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    Auteur

    Anonyme

    En Juillet, 2018 (18:56 PM)
    SUIS DÉSOLÉ MAIS L HOMME NOIR AMOUL YEURMANDAI,IL EST DÉSORDONNÉ,INDISCIPLINÉ ... CHACUN DOIT S ASSUMER !!! MAIS NOUS AIMONS TOUS VIVRE DANS LA FACILITÉ EN INVOQUANT TOUJOURS LA RELIGION ... LE PROCHAIN PRÉSIDENT DOIT SAVOIR LA MAJORITÉ DE LA POPULATION AVEC LUI POUR CERTAINES MESURES SURTOUT L ÉRADICATION DE LA MENDICITÉ DES ENFANTS,LA DISCIPLINE SUR LES ROUTES,L ORDRE DANS LES HORAIRES DE TRAVAIL POUR TOUT LE MONDE ET INSTAURER UN SYSTÈME FIABLE QUI PROTEGERA TOUS LES TRAVAILLEURS COMME À L OCCIDENTAL ET MENER UNE GUERRE TOTALE À LA CORRUPTION QUI EST IN LEVIER QUI FREINERA TOUT DÉVELOPPEMENT,LES DÉPENSES INUTILES DANS TOUS LES SERVICES SINON L ÉMERGENCE NE SERA QU UN TRISTE SLOGAN ... MAFI DIARONE !!!
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    Auteur

    Anonyme

    En Juillet, 2018 (20:50 PM)




    Et après ca on ose me parler de "Solidarité Africaine" !!!!



    Genre.... on est tous des frères !!! Mdr !!! mon cul oui !!!



    de l'hypocrisie comme toujours !!!



    ICI comme ailleurs, tu peux crever dans la.rue, personne ne lèvera le petit doigt !!!



     :emoshoot:  :fbhang: 
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    Auteur

    Linda Muje

    En Juillet, 2018 (23:51 PM)
    "Familles mendiantes"! Une nouvelle catégorie sociale, socialement admise..? Un label consolidé au Sénégal? Je tombe des nues.
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    Auteur

    Anonyme

    En Juillet, 2018 (00:09 AM)
    c'est ce qui me fascine chez les familles (peuls) guinéens au senegal. Toujours vivre à la sueur de son front même si c'est pour vendre des cacahuètes. ils font presque 12h à 16h de boulot par jour. impressionnant.
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