Au Sénégal, depuis 2015, le niveau des marchés publics conclus sur la base d'une offre spontanée, ne cesse de monter. Bien que comportant des avantages, ce type d'accord entre le privé et l'État n'est pas sans danger.
Deux ans après son élection, un jour de septembre 2014, Macky Sall se lâche : "Pensez-vous qu'un Président élu pour une durée peut attendre toujours que chaque appel d'offres fasse l'objet de conflits interminables ? Ce n'est pas possible."
Ne se limitant pas à ce coup de gueule contre l'étroit "corset" du Code des marchés publics, le successeur de Wade réforme celui-ci en y introduisant, entre autres dispositions d'assouplissement, les offres spontanées. L'objectif de Macky Sall était clairement affiché, dès son accession au pouvoir en 2012 : obtenir un second mandat en s'appuyant sur un bilan bâti sur des infrastructures visibles, réalisées en un temps record.
Plus de 422 milliards en 3 ans
Les offres spontanées sont encadrées par l'article 81 du Code des marchés publics (Cmp), mais aussi, par l'article 1 de la loi n°2014-09 sur les Contrats de partenariats (Cp). Ce texte les désigne comme une "proposition à l'initiative d'un opérateur privé relative à l'exécution de contrat de partenariat qui n'est pas soumise en réponse à un appel à concurrence publié par l'autorité contractante".
En clair, c'est lorsqu'une entreprise privée propose directement à l'Etat, la construction d'une infrastructure non inscrite dans son budget. Le montant du projet doit obligatoirement être supérieur ou égal à 50 milliards de francs Cfa. Et c'est le privé qui assure l'intégralité du financement.
Vu sous cet angle, l'offre spontanée présente des avantages non négligeables. Elle donne à un Etat confronté à des arbitrages budgétaires serrés, l'opportunité d'obtenir de bonnes infrastructures sans s'exposer à de graves tensions de trésorerie.
Le régime actuel ne s'est pas privé : les offres spontanées commencent à devenir monnaie courante au Sénégal. De 60 milliards de francs Cfa en 2015 puis 95 milliards en 2017 (une seule offre par an), les offres spontanées ont atteint 266 milliards 5 millions rien que pour le premier semestre de 2018 : 129 milliards 2 millions pour les turcs de Summa pour la construction du plateau sportif multifonctionnel Dakar Arena et 137 milliards 3 millions pour le constructeur de ponts français Matière SA.
Au total donc, en trois ans, les offres spontanées ont atteint 422 milliards 3 millions. Le montant peut paraître dérisoire, comparé au niveau global des marchés publics, mais le rythme de progression interpelle.
Couteau à double tranchant
D'autant que les offres spontanées sont un couteau à double tranchant. La Banque mondial l'avait signalé dès leur introduction dans le Code des marchés publics sénégalais. "Comme nous l'avions déjà souligné au sujet de ces offres spontanées, les risques posés par la négociation directe de ces offres (dans le cas d'entente directe) sont élevés tandis que les avantages ne sont pas évidents", mettait en garde Vera Songwe, l'ancienne directrice des opérations de l'institution de Bretton Woods pour le Sénégal, dans une correspondance adressée aux plus hautes autorités du pays en 2014 et publiée par Le Populaire.
Songwe signalait que "les conditions de financement incorporées dans les offres spontanées sont difficilement évaluées avec des coûts typiquement plus chers que les sources de financement classiques". Et elle n'avait pas tort. Car, les offres spontanées sont souvent exécutées sous forme de Partenariat public privé (Ppp) ou de Contrat de partenariat (Cp). Et ces Ppp ont provoqué des turbulences budgétaires dans beaucoup de pays. Même des pays très avancés en matières de transparence et de rigueur budgétaires.
En France, par exemple, la construction de l'hôpital sud-francilien reste un symbole des dangers des Ppp. Avec un coût initial de 340 millions d'euros (plus de 222 milliards de francs Cfa), la structure de santé a été jugé non conforme à la réception. Elle présentait 8000 malfaçons, qui engendreront des surcoûts.
Eiffage, auteur de l'ouvrage, a réclamé 180 millions d'euros (plus de 117 milliards de francs Cfa) supplémentaires pour réparer les malfaçons. Et c'est la même entreprise qui, encore en Ppp (sous forme de délégation de service public), a construit et exploite l'Autoroute à péage avec son lot de récriminations sur les tarifs, l'éclairage et la sécurité.
Au Royaume-Uni, terre de naissance des Ppp, un rapport critique de la National audit office (la Cour des comptes anglaise) signalait qu'avec les Pfi (Ppp anglais) "le coût du financement des investissements publics est plus cher que quand le gouvernement empruntait seul". Face à une telle situation, les britanniques ont remplacé le Pfi par le Pfi 2.
Le Fmi va plus loin à propos des inconvénients des Ppp. Le département Finances publiques du Fond avait signalé qu'ils peuvent entraîner "des risques budgétaires importants", tels que des dépenses hors budget qui échappent désormais aux contrôles, une dette hors bilan, tout en réduisant la flexibilité budgétaire à long terme et menacer la viabilité macroéconomique.
"Rationnaliser le recours aux offres spontanées"
Me Aliou Sawaré est spécialiste sénégalais des Ppp. Les dangers des offres spontanées, il les connait. Pour les éviter, il demande aux autorités de ne pas valider une offre spontanée sans avoir toutes les informations nécessaires. Car, explique-t-il, "si l'entreprise qui formule l'offre spontanée a plus d'expérience que l'Etat, elle a une meilleure connaissance de son projet, et elle peut surfacturer".
Certes, signale l'expert, le Code des marchés érige des garde-fous. Il dit que la Direction centrale des marchés publics (Dcmp) peut s'attacher les services d'un expert pour donner son avis sur le marché. Mais cette disposition comporte une limite objective. "La Dcmp n'est chargée de faire qu'un contrôle a priori, et pourtant l'autorité contractante sera obligée de payer les milliards car elle a signé le contrat", regrette Me Sawaré. Qui appelle les autorités à plus de prudence et les invite à rationaliser les offres spontanées.
"Si on va dans les marchés publics sous forme d'offres spontanées et dans les Ppp sous formes d'offres spontanées, ce sont nos maigres budgets qui vont en pâtir et en subir les conséquences", tranche l'expert.
41 Commentaires
Anonyme
En Septembre, 2018 (10:54 AM)Anonyme
En Septembre, 2018 (10:59 AM)Anonyme
En Septembre, 2018 (11:22 AM)Anonyme
En Septembre, 2018 (11:23 AM)Anonyme
En Septembre, 2018 (11:31 AM)Anonyme
En Septembre, 2018 (11:39 AM)Anonyme
En Septembre, 2018 (11:41 AM)Anonyme
En Septembre, 2018 (11:47 AM)Anonyme
En Septembre, 2018 (11:47 AM)Anonyme
En Septembre, 2018 (11:50 AM)il m'a enseigne les pratiques anticoncurentielles
c'est un jeune docteur qui est egement avocat a la cour
dans cette lettre il reconnait que les ppp ont des avantages l'exemple des spheres ministerielles est la par contre il a pris un exemple en france pour ce qui concerne les risques des ppp l'etat a droit a un regard pour ne pas etre floué
le president macky sall est pragmatique les chantiers font legion ds tout le senegal
Astou Sarr
En Septembre, 2018 (11:52 AM)Anonyme
En Septembre, 2018 (11:56 AM)Peut etre bien aue nous finirons par saisir l'OFNAC.
Anonyme
En Septembre, 2018 (11:57 AM)Anonyme
En Septembre, 2018 (12:01 PM)Anonyme
En Septembre, 2018 (12:11 PM)Ce qui se passe au Senegal est trop grave. Et le silence coupable de tous ceux qui sont dans le systeme naide pas.
Nous en sommes maintenant a un regime proche des methodes de la mafia. en toute lagalite.
Anonyme
En Septembre, 2018 (12:16 PM)Anonyme
En Septembre, 2018 (12:18 PM)Anonyme
En Septembre, 2018 (12:22 PM)Anonyme
En Septembre, 2018 (12:32 PM)C'est d'abord a ce niveau qu'ils en se rendent compte que tout le reste c'est de la formalite.
Si un ministre sait que son president est corrompu, lui meme ne se gene, Si un directeur sait que son ministre est corrompu, lui aussi ne se gene plus pour le faire.
Finalementm toute la chaine des autorites et responsables de ce pays est une chaine de corruption. Peu importe les raisons de chacun. Mais tout le monde devient un membre actif du systeme corrompu.
Ils deviennent tous membres d'une meme famille du secret. C'est exactement cela la mafia.
Anonyme
En Septembre, 2018 (12:42 PM)Anonyme
En Septembre, 2018 (13:05 PM)Anonyme
En Septembre, 2018 (13:10 PM)Anonyme
En Septembre, 2018 (13:15 PM)Anonyme
En Septembre, 2018 (13:19 PM)Anonyme
En Septembre, 2018 (13:22 PM)Anonyme
En Septembre, 2018 (13:31 PM)Anonyme
En Septembre, 2018 (13:50 PM)Que le président instruise a l 'IGE un audit des offres spontanees qu'il a accordees. Il aura un miroir.
Anonyme
En Septembre, 2018 (13:54 PM)Anonyme
En Septembre, 2018 (14:01 PM)Si la banque mondiale n'aide pas les pays africains a combattre la corruption des hauts dirigeants, ses programmes et les appuis du FMI ne serviront a rien. On ne remplit pas d'eau un seau troue. Ce serait plutot du gaspillage. Seules les populations vont en supporter le coût.
Bra
En Septembre, 2018 (14:04 PM)Anonyme
En Septembre, 2018 (14:28 PM)Anonyme
En Septembre, 2018 (14:38 PM)Pour qui esperait qu'un senior comme Niasse aurait pu jouer le rôle d'homme d’état, c'est rate.
Anonyme
En Septembre, 2018 (14:45 PM)Anonyme
En Septembre, 2018 (16:29 PM)Anonyme
En Septembre, 2018 (16:31 PM)On peut critiquer l'action du president c'est un droit en democratie... Mais critiquer le president sur le fait qu'il developpe ce qui est aujourd'hui la base de l'economie mondiale... Faut vraiment etre retarde... Ou membre de l 'opposition au choix
Anonyme
En Septembre, 2018 (16:36 PM)Anonyme
En Septembre, 2018 (17:51 PM)Aidez-moi
Anonyme
En Septembre, 2018 (18:24 PM)Anonyme
En Septembre, 2018 (22:28 PM)Itoc
En Septembre, 2018 (23:04 PM)Par ailleurs, le montant annoncé a été certainement dépassé si on tient compte des projets sous forme d'offres spontanées qui sont dans le pipeline à l'image du projet d'éclairage public par lampadaires solaires avec une entreprise française et qui a fait l'objet d'artciles de presse récemment.
Anonyme
En Septembre, 2018 (01:29 AM)Participer à la Discussion