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Syrie : la Ghouta orientale, le verger de Damas qui, depuis six ans, résiste à Assad

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Un bombardement vise la Ghouta orientale, en Syrie, le 27 février 2018.

Autrefois connue pour ses arbres fruitiers, la Ghouta est depuis six ans le théâtre d'une des batailles les plus féroces de Syrie. Ces dernières semaines, Damas pilonne l'enclave, rendant la situation humanitaire "incontrôlable" selon l'ONU.

Située à une vingtaine de kilomètres à l’est de Damas, ciblée par les raids aériens et les bombardements de l’armée syrienne, la Ghouta orientale est le dernier bastion d’envergure des rebelles près de la capitale. Une zone de 100 km2 aux mains de plusieurs groupes islamistes armés qui tiennent tête, depuis 2012, au régime du président syrien Bachar al-Assad.

Ce dernier veut lancer une offensive terrestre pour mettre un terme aux tirs de roquettes qui visent fréquemment la capitale. Assiégée depuis 2013, la Ghouta orientale et ses quelques 400 000 habitants sont pris en étau tandis que leur situation humanitaire dans cette poche exiguë est devenue "incontrôlable", déplore l’ONU.

• La Ghouta, un ancien "paradis terrestre" devenu théâtre de guerre

Un enfer qui tranche avec l’image naguère associée à la Ghouta. Jusqu’au milieu du siècle dernier, la Ghouta était une zone agricole bucolique, plantée au milieu d’une zone aride. "Avant l’extension urbaine de Damas, qui a vu des petits villages d’agriculteurs être recouverts de béton à partir des années 1950 pour faire place à des banlieues informelles, la Ghouta était le verger de la capitale syrienne, une oasis formée par une rivière endoréique, le Barada", explique Fabrice Balanche, directeur de recherche à l'université Lyon-2, spécialiste de la Syrie et chercheur invité à la Hoover Institution-Stanford University, interrogé par France 24.

À la veille du début de la crise syrienne, en 2011, il ne restait plus quelques localités agricoles à l’extrémité est de la Ghouta. "Pourtant la Ghouta était la vision du paradis terrestre pour les envahisseurs arabes, qui, lorsqu’ils sont arrivés dans la région ont été subjugués par ses sources, ses ruisseaux, ses jardins, et ses abricotiers", insiste Fabrice Balanche.

Ses habitants d’origine, des artisans, des agriculteurs, des ouvriers et des commerçants, avaient été rejoint par des citadins de Damas, venus s’installer à moindre coût, près de la capitale, et des Syriens chassés par l’exode rural.

"Coupée en deux, la Ghouta est composée d’une partie orientale, qui est exclusivement arabe sunnite, très conservatrice, voire même intégriste dans certaines localités comme Douma, alors que la Ghouta occidentale, est quant à elle composée de noyaux habités par des druzes et des chrétiens, comme à Jaramana, qui ont également attirés des populations issues des minorités comme les Alaouites, la communauté du président syrien, désireuses de s’installer près de Damas", précise Fabrice Balanche.

• Des groupes rebelles, qualifiés de "terroristes" par Damas et Moscou

Considérés comme terroristes par Damas et Moscou, plusieurs groupes armés sont actifs dans la Ghouta orientale, qui s’est soulevée contre le président Assad en 2012. Le plus important d’entre eux est Jaich al-Islam ("L'armée de l'islam", en arabe). Fondée par Zahran Allouch, tué par une frappe russe en 2015, cette formation salafiste, ouvertement anti-chiite et anti-alaouite, est composée d'environ 6 000 combattants. Selon plusieurs experts, elle est principalement financée par l’Arabie Saoudite. Signe de son influence : ses représentants participent aux rounds des négociations de Genève et d’Astana.

L’autre principale formation islamiste est Faylaq al-Rahman ("La légion du Miséricordieux"). Selon Fabrice Balanche, elle compterait près de 6 000 combattants ."Il s’agit, comme dans le cas de Jaich al-Islam, d’islamistes durs, qui ne sont ni des laïcs, ni des démocrates, ajoute-t-il. Ce n’est pas Daech [appellation de l’organisation État islamique, NDLR] non plus, qui est n’est pas présent dans la poche de la Ghouta orientale, mais dans le quartier de Yarmouk, une petite enclave au sud de Damas." Ces groupes ont en plus pris le contrôle de plusieurs bases militaires syriennes situées dans la Ghouta dès 2012, et "ils ont pu mettre la main sur des tanks et du matériels lourd, sans compter l’armement qu’ils fabriquent sur place".

Enfin, un groupe moins puissant, "mais il s’agit du plus résolu", Hay’at Tahrir al-Cham ("Comité pour la libération du Levant"). Ce groupe jihadiste est dominé par des combattants de l’ex-Front al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda. "Des idéologues qui sont plus problématiques pour le régime syrien, car ils sont contre toute négociation."

• "Une économie de tunnels et de contrebande"

Dès l’aggravation du conflit en Syrie, les rebelles de la Ghouta orientale, "ont tout de suite reçu le soutien financier et militaire du Qatar, puis celui de l’Arabie saoudite, explique Fabrice Balanche. Et ce, à partir de la Jordanie, les armes transitaient ensuite par Deraa (sud), puis par le désert syrien à l’est du massid du Djebl druze". Selon lui, les rebelles ont profité de ces flux jusqu’à la fin de 2013, lorsque l’armée syrienne est parvenue à encercler la Ghouta.

"Ensuite, pour certains chefs de guerre, la guerre est vite devenue un business, affirme-t-il. Il existe toute une économie de tunnels et de contrebande qui permet de ravitailler la Ghouta orientale en armes, en munitions, et en nourriture depuis le reste de la Syrie, et ce avec la complicité d’officiers de l’armée et de responsables du régime syrien."

D’après l’expert, auteur d'un livre sur "Le communautarisme dans la guerre en Syrie", publié en ligne par le Washington Institute, certains checkpoints sont connus pour être les points de passage de contrebande moyennant finance. "Le régime syrien joue de cette stratégie pour diviser les rebelles, il favorise certains passages pour traiter avec tel groupe rebelle, qui en profite pour s’enrichir, aux dépens d’une formation rebelle voisine, qui à son tour cherche à s’emparer le check-point. C’est en partie grâce à cela que l’armée syrienne est parvenue à prendre plus des deux tiers de la Ghouta depuis 2013, en profitant des affrontements entre les rebelles."

• "Graves pénuries alimentaires"

Les civils de la Ghouta orientale payent le prix de cette économie et celui du siège imposé par le régime, subissant d’importantes carences. "Pour la population, le choix est réduit, puisque les produits de base, comme des fruits et des légumes, ne sont poussent sur place que pendant le printemps et l’été seulement, car il s’agit d’un climat continental", précise Fabrice Balanche.

"L'espace assiégé est assez réduit, il s’agit de 100 km2 dont les deux tiers sont des zones agricoles, c’est insuffisant pour nourrir de 300 000 à 400 000 personnes, poursuit-il. En plus du siège, les groupes rebelles qui tiennent les tunnels ont le monopole sur l’approvisionnement issu de la contrebande, et la distribuent à leur guise, en priorité à ses membres et à ses obligés. Ceux qui ne font partie ni des uns, ni des autres, payent les denrées au prix fort, qui sont démultipliés."

"MOSCOU AU CENTRE DU JEU EN SYRIE APRÈS LE VOTE DE L'ONU"

Piégés sur place, les civils souffrent, en plus des bombardements de graves pénuries alimentaires et d’une forte hausse des prix alimentaires, selon l’ONU. "La malnutrition est à présent à un niveau record et du fait des bombardements, le nombre de personnes nécessitant une évacuation ne cesse d’augmenter, a récemment déploré Panos Moumtzis, le coordinateur humanitaire régional de l’ONU pour la crise syrienne. Privés de soins et de nourriture, les enfants du pays sont en danger de mort."

Le prix des denrées alimentaires a augmenté de façon exponentielle : en décembre, une miche de pain y coûtait 85 fois plus cher que dans la capitale, Damas, toujours selon l’ONU.



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