Abdou Latif Coulibaly, ministre de la Culture, s'est confié à Seneweb sans ambages sur les principaux sujets d'actualité affairant au climat social tendu, aux reproches de l'opposition à Macky Sall, aux écarts de conduite de responsables au sein de la majorité, mais aussi sur polémique au sujet du pétrole et du gaz. Voici l'entretien.
Seneweb : Que vous inspire ce climat social très tendu au Sénégal, à quatre mois de l'élection présidentielle prochaine ?
Abdou Latif Coulibaly : Ce climat social, tendu, selon vous, ne m’inspire pas de commentaires particuliers. Je veux rester dans les faits en m’attachant moins à l’opinion. Ainsi, je constate, comme vous d’ailleurs, qu’à chaque veille d’élection chez nous, on observe que des entités syndicales qui sont par vocation des forces de revendications et subsidiairement de propositions se mettent en ordre de bataille pour gagner des avantages supplémentaires. Personnellement, je ne me permettrai pas de reprocher à un syndicat de réclamer à l’Etat ou à tout autre employeur des avantages supplémentaires pour conforter leur pouvoir d’achat.
C’est dans l’ordre naturel des choses. Sauf qu’on semble parfois oublier que nous sommes un pays sous-développé avec des moyens budgétaires limités qui ne permettent pas toujours de satisfaire toutes les demandes d’augmentation de salaire et d’octroi d’indemnités nouvelles ou d’augmentation de celles-ci. Si on regarde bien l’ensemble des travailleurs du pays réclamant des avantages additionnels, qu’ils proviennent du secteur privé ou de l’Administration publique, ils font moins de 1% de la population globale du pays. Celle-ci étant estimée à un peu moins de 14 millions de personnes.
Admettons le rôle important joué par cette minorité, aux côtés de l’Etat et des partenaires au développement dans la prise en charge des besoins, notamment sociaux des populations. Admettons également que cette minorité croupit sous le poids d’un lourd fardeau que constituent les masses avec lesquelles elle partage leurs revenus, fruit d’un dur labeur. Mais, je voudrais vous renvoyer au dicton attribué à Confucius : « Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour, si tu lui apprends à pêcher, il mangera toujours ». La politique du Gouvernement consiste à travers le Pse et ses projets structurants, à travailler à autonomiser les populations, à leur assurer des sources de revenus afin de réduire de manière considérable leur dépendance vis-à-vis des travailleurs qui expriment leurs revendications qui n’en finissent pas.
Quels enseignements voulez-vous en tirer ?
C’est pourtant simple. Nous devons admettre le fait que notre budget qui regroupe l’ensemble des moyens du pays, à force de vouloir s’en servir pour satisfaire toutes les demandes sous-jacentes à l’ensemble de ces remous sociaux auxquels vous faites allusion dans votre question, on pourrait en arriver à consacrer toutes nos ressources à la satisfaction des besoins d’une minorité. La seule qui est engagée, comme travailleur, dans le secteur formel de l’économie nationale. Ce serait une catastrophe pour les autres : les agriculteurs, les pêcheurs, les artisans, les pasteurs et tous les Sénégalais qui n’ont pas la chance de se retrouver dans le secteur formel. Pourtant, ceux-là n’en sont pas moins des travailleurs et n’en contribuent pas moins aux efforts fournis pour assurer un avenir à cette nation. Il faut alors trouver un juste équilibre dans la répartition de la dépense publique et l’équité dans la façon de redistribuer les ressources de la nation par cette dépense.
On assiste depuis quelques semaines à cette levée de boucliers de l'opposition qui dénonce la signature d'accords par le Président Macky Sall à l'approche de l'élection. Qu'en pensez-vous ?
Je trouve curieuse une telle attitude en démocratie. Quand un peuple a décidé d’élire une personne ou un groupe, cela signifie qu’il lui a souverainement délégué sa signature pour agir à sa place et conclure en sa place tout acte de gouvernance et de gestion durant toute la durée de son mandat qui n’a pas expiré à ce que je sache. Le contraire serait faire preuve d’un ponce-pillatisme sans nom.
Le rôle d’une opposition en démocratie, ne peut pas dépasser son devoir de critique et de faire des contrepropositions alternatives à l’action du gouvernement en exercice. Encore qu’il faille, pour elle, attendre que le peuple lui fasse confiance pour mettre en application ses contrepropositions. Que je sache, une injonction comme celle que l’opposition fait et qui fonde votre question, n’est une critique, ni une contreproposition. Elle apparaît, à mon sens, comme un propos vaniteux et prétentieux. Pourquoi, eux-en tous les cas, pour la plupart de ceux qui sortent cette hérésie-, avaient-ils le droit de signer des accords au nom du peuple, quand ils étaient aux commandes et en se trompant lourdement d’ailleurs, et que le président en exercice actuellement ne doit pas le faire ?
Rien n’est moins ridicule que d’afficher de telles positions. Si on en est arrivée là, c’est parce que l’opposition nationale a fini de réduire son travail à une présence massive et ronronnant sur les médias de masse qui n’ont jamais nulle part au monde fait une élection. Ces médias y prennent une large part. Ils n’ont jamais cependant pu influencer des élections, au point d’en décider du sort. Seul le travail de terrain, le sérieux du discours politique et des propositions peuvent y conduire.
N'êtes-vous pas d'avis que certains écarts de conduite dans la formation politique du Chef de l'État, puissent entacher ou même plomber ses ambitions ?
Je n’ai pas personnellement noté des écarts de conduite des hommes politiques de la majorité, tout au moins pas en public. J’aurais été à l’aise avec votre question si vous m’aviez cité des cas précis pour me les soumettre. Par ailleurs, comme je ne les suis pas dans leur vie privée, je ne pourrai pas valablement me prononcer à ce sujet. Il se peut qu’en parlant d’écarts de conduite, que vous pensiez aussi à écart de langage ou peut être aux deux à la fois. S’agissant des écarts de langage dans le débat public, je les trouve déplorables, à chaque fois que quelqu’un s’en rend coupable et qui qu’il soit.
Je ne pense pas qu’il y en ait plus dans le camp de la majorité que dans celui de l’opposition. Pour ma part, je considère que l’invective, les caractérisations faciles, la calomnie et la diffamation parfois très outrageante même, ne peuvent pas faire prospérer un discours politique. Au contraire, ils l’affaiblissent, en plus de rendre antipathique aux yeux de l’opinion. Gardons toujours à l’esprit que les Sénégalais apprécient beaucoup la mesure et la retenue qu’ils résument par les termes de "Yaru" et "Tégguine". C’est ainsi que la plupart d’entre eux distinguent le Président Macky Sall des autres hommes politiques.
Les ressources minières, et particulièrement le pétrole et le gaz sont à l'origine de débats plutôt houleux au sein du paysage politique sénégalais. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
Je ne sais vraiment pas si on peut, en l’espèce, parler de débats. Je le dis, parce que je considère qu’un débat ouvert consiste à échanger des idées et des opinions qui ne s’éloignent guère des règles de bienséance dans une société démocratique et celle de la contradiction pacifique, sans haine, ni rancune, porteuse donc de progrès dans la recherche des compromis qui facilitent, en éclairant le chemin conduisant aux solutions souhaitées, pour ce qui concerne toutes les questions soumises qui structurent les joutes. Concernant le gaz et le pétrole, il semble que nous sommes dans un sens opposé à ce que je disais tantôt. Je n’entends que des accusations, le pouvoir prend le temps d’expliquer, mais rien n’y fait, l’opposition reste dans les tranchées. C’est dommage.
Qu’est-ce que vous retenez de tout ce qui se dit et s’écrit à ce sujet?
De tout ce qui se dit et s’écrit je ne veux retenir que les faits ci-après énoncés. L’économie du Sénégal verra son attractivité renforcée à la faveur des découvertes d’importants gisements de pétrole et de gaz. A l’horizon 2021, le Sénégal sera un des plus grands producteurs de pétrole en Afrique, à la faveur de la mise en valeur des réserves estimées à 3 milliards de barils répartis sur une dizaine de sites sur la terre ferme et en off-shore.
Avec 120 000 barils, produits par jour dès 2021, les retombées du pétrole se chiffrent en des centaines de milliards de FCfa pour le pays. Afin de relever le défi attaché à une gestion optimale de ces ressources et prévenir ainsi « la malédiction des ressources naturelles », les autorités ont défini des mécanismes d’une exploitation optimale pour le bénéfice des populations, du secteur privé et dans un élan de garantie du développement durable. Ainsi, le pays dispose d’un cadre de gouvernance du pétrole et du gaz, à travers un comité d'orientation stratégique du pétrole et du gaz, le Cos Petro-Gaz.
Le Chef de l’État, le Président Macky Sall a procédé, mardi 23 octobre 2018, à Diamniadio, au lancement de la première promotion du Master spécialisé en Ingénierie pétrolière et gazière de l’Institut national du pétrole et du gaz (INPG). Cet institut, rappelons-le est le premier du genre en Afrique de l’Ouest. Les autorités ont également lancé le processus de révision du code pétrolier. Ces questions méritent un débat ouvert où chacun peut apporter quelque chose qui nous fera avancer. Ce n’est hélas pas le cas toujours et pour tous ceux qui en parlent.
16 Commentaires
Anonymelecteur
En Novembre, 2018 (12:00 PM)Anonyme
En Novembre, 2018 (12:02 PM)Anonyme
En Novembre, 2018 (12:06 PM)Khaf
En Novembre, 2018 (12:07 PM)Kou Yewou Yewekou
En Novembre, 2018 (12:14 PM)Anonyme
En Novembre, 2018 (12:26 PM)Anonyme
En Novembre, 2018 (12:27 PM)Anonyme
En Novembre, 2018 (12:29 PM)Anonyme
En Novembre, 2018 (12:34 PM)Kocc
En Novembre, 2018 (12:39 PM)Kocc a dit : « Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour, si tu l'empêches de pêcher, il sera affamé à vie. ».
Anonyme
En Novembre, 2018 (12:50 PM)Anonyme
En Novembre, 2018 (13:14 PM)Anonyme
En Novembre, 2018 (13:28 PM)Anonyme
En Novembre, 2018 (18:34 PM)Anonyme
En Novembre, 2018 (19:40 PM)La Correction
En Novembre, 2018 (21:19 PM)Participer à la Discussion