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SERIGNE MOR MBAYE PSYCHOLOGUE : « Aujourd'hui, l'imaginaire des enfants est complètement gangrené et pollué par les schémas télévisuels »

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SERIGNE MOR MBAYE PSYCHOLOGUE : « Aujourd'hui, l'imaginaire des enfants est complètement gangrené et pollué par les schémas télévisuels »

Le psychologue Serigne Mor Mbaye n'est pas du genre à mâcher ses mots pour expliquer sa vision des choses. Participant au séminaire de formation sur la protection des enfants, initié par le ministère de la famille, la direction de la protection des droits de l'enfant et l'Unicef, il a proposé la réhabilitation des pratiques traditionnelles positives dans l'éducation des enfants pour faire face à ce fléau. Cependant, M. Mbaye n'a pas manqué de d'égratigner certaines émissions de télé qui prennent les enfants pour des adultes.

 

Le Matin : Dans votre exposé lors du séminaire sur la lutte contre la maltraitance des enfants, vous avez dit que l'émission « Bébé Walf » est un espace pédophilique. Qu'est-ce qui explique cela ?

 

 Serigne Mor Mbaye : J'ai parlé de « bébé Walf » parce que je le regarde et je suis horrifié. Voyez-vous, une société humaine éduque ses enfants en fonction de ce qu'elle attende d'eux. Si tu veux éduquer des gens capables de réfléchir, des  adultes stables et tout, tu mets en place des dispositifs pour cela.

Mais, ce que nous observons dans cette société sénégalaise, révèle une déperdition progressive des valeurs, des savoirs et des savoir-faire, et en terme aussi de succès de statut. Aujourd'hui, on ne sait plus quel statut on a. On grandit comme une herbe folle, il n'y a aucune ponctuation de la vie du sujet pour fonder, qu'il a quel âge, qu'il a tel autre. Il doit être reconnu pour cela ou pour ceci.

On a une tendance aujourd'hui, carrément perverse et folle, de déposer sur les enfants des attributs qui ne sont les leurs. Je parle d'érotisation par exemple du corps de l'enfant. Vous allez dans ces émissions-là, c'est une compétition de greffage, maquillage, saupoudrage chez les enfants. À partir de ce moment-là, ces enfants sont à risque et il y a une violence sur eux parce qu'ils ne sont pas en âge d'être dans ce statut-là, dans cette manière d'être.

Et l'adulte projette sa vue d'adulte sur les enfants. Voyez-vous, beaucoup de gens vous projettent le fameux concept « l'enfant est un adulte en miniature », faux. L'enfant n'est pas un adulte en miniature, c'est un enfant. Il doit vivre sa vie d'enfant sans pour autant qu'il ait un forcing. Je pense qu'on force de plus en plus les enfants à s'habiller comme les adultes. On les force même au plan intellectuel.

Regardez par exemple comment les parents font des pétitions, « mon enfant, il lit déjà à l'âge de cinq ans ». C'est grave, un enfant ne peut pas lire à l'âge de cinq ans. C'est pourquoi, je plaide beaucoup sur ce qu'on appelle les institutions préscolaires, qu'on essaye de voir en fait qu'est ce qu'on y fait. Parce que c'est des espaces ni plus, ni moins où il ne doit pas y avoir de programmes.

Le programme de l'école maternelle, c'est qu'il n'y pas de programme. On doit y apprendre à un enfant à jouer, découvrir son corps, à avoir de l'équilibre émotionnel. À partir de ce moment, les bases affectives sont jetées pour devenir intelligent, pour devenir stable. L'adulte a une tendance au forçage certainement lié au fait que nous surinvestissons nos enfants parce qu'on les aime beaucoup plus.

Mais, on a une tendance à projeter sur eux nos angoisses, nos désirs et nos échecs. On veut qu'ils aillent un peu plus vite alors qu'ils ne doivent pas apparaître ainsi. Il faut leur laisser vivre leur vie d'enfant. C'est pareil aussi par rapport à la violence faite aux enfants. Ce n'est pas parce que moi aussi, je suis talibé de ceci, talibé de cela que je dois faire en sorte que mon enfant puisse s'habiller comme mon talibé. C'est une violence.

Tu ne peux pas forcer tes enfants à cela. Il faut préparer les enfants à croire à un juste plus gai. Tu ne peux pas dès le bas âge les forcer  à s'habiller. Tu vois des enfants qui sont habillés comme des, je ne sais pas, poupées ou champignons. Ce n'est pas de leur âge, voyez-vous. Le droit des enfants, c'est à la fois aussi laisser les enfants vivre leur enfance.

 

 Donc, le Mardi gras aussi n'est pas une bonne chose pour les enfants, à votre avis ?

 

Pour le Mardi gras, je vous dis une chose, si l'aspect ludique était conservé c'est-à-dire l'aspect jeu, l'aspect déguisement qui ne frise pas la réquisition du corps de l'enfant. Un mardi gras, c'est un moment où les enfants pouvaient se déguiser.

Mais, c'était un moment qu'on pourrait modéliser à termes, comment réhabiliter nos modèles culturels. Je me demande où nous sommes. Nous voulons avancer, émerger, réinventer une autre société, en faisant table rase de ce que nous avons de meilleur. Fondamentalement, il n'y a aucune société humaine qui a pu se développer, émerger, créer l'avenir et faire table rase de sa culture.

Cela n'a jamais existé. Si vous prenez tous ces pays émergents, c'est parce qu'ils sont ouverts sur le monde mais en même temps, ils ont des pratiques positives qui dépassent les limites des religions révélées. Il faut dire que la religion n'a rien à voir avec forcément la culture. Il y a quelques siècles, nous étions ni musulmans, ni chrétiens, nous étions les premiers sur terre.

Nous avons une connaissance sur l'humain tel que nous pouvions composer à son épanouissement. Donc, pratique culturelle positive et il faut qu'on s'arrête, c'est génomique, ce n'est pas si difficile que cela. Il faut qu'on réinvente le bois sacré, pourquoi ? Parce qu'il faudrait qu'on prenne nos enfants en charge pour baliser leur vie, pour donner sens à leur développement.

Mais aujourd'hui, l'adolescence se vit. Malheureusement, tu es enfant et tu ne sais même pas comment ton corps est arrivé là. Tu pousses de la barbe, tu éjacules, etc. Il n'y a personne pour te dire comment tu es, qu'est ce qu'il va advenir demain, ainsi de suite. Il me semble qu'il faut créer des espaces de prise en charge institutionnels de ce développement au-delà de l'école. L'école seule ne suffit pas, il faut éduquer, orienter, donner sens à la vie.

Et cela on ne peut le faire qu'en réinventant en tenant compte aussi du modernisme, cela va de soi. Je pense que pourchasser nos rites et pratiques traditionnelles positives, cela ne peut nous amener à absolument rien du tout. Parce que nous avons des êtres qui sont quelque part creux et sur lequel on ne peut rien bâtir en termes de greffages, de d'autres chaînes culturelles et de valeur.

 

Quel peut être l'apport des « Badiènes Nu Gokh » dans la lutte contre la maltraitance des enfants ?

 

C'est un élément révolutionnaire. Je pense qu'on n'est allé chercher pas très loin. La Badiène est un statut dans la société et dans la configuration familiale dans notre pays. Elle a un statut de devoir, celui d'être un père au féminin. Elle a un rôle de protection et d'orientation. Souvent vous dites, « la sexualité est taboue en Afrique, faux ! La sexualité n'a jamais été taboue en Afrique.

Ce qu'il y avait un temps, un espace où l'on devait le dire tout simplement. Et il y a des gens qui avaient des prérogatives  pour dire la sexualité. C'est seulement la différence avec l'Occident. La Badiène Nu Gokh avait la prérogative de parler de la sexualité et de façon crue en donnant des indications à la petite fille et à l'accompagnant déjà dans la petite enfance jusqu'au moment du mariage en étant là.

Je pense que ce rôle, vous n'allez pas me dire que ce n'est pas économique de réhabiliter ce rôle en renforçant les rôles en termes d'éléments d'informations de type scientifique. Je pense que la Badiène Nu Gokh devrait contribuer à la lutte contre la maltraitance des enfants et aux abus sexuels. Parce que du point de vue de ce que j'en ai vu, c'est une dame mobile qui circule dans l'espace communautaire et qui est déjà reconnue quelque part socialement.

Je pense que c'est une efficacité redoutable dans le sens d'une communication au sein des espaces, des noyaux familiaux.Au-delà de la Badiène Nu Gokh, on devait dire aussi le grand-père. Donc, essayer de réhabiliter tous les rôles qui peuvent suppléer aux carences parentales. Parce que comme je vous l'ai dit, il y a des transformations sociales qui nous amènent d'une éducation à la charge, d'une famille élargie à une éducation à la charge d'une famille nucléaire.

Ce passage-là, il y a énormément de déperdition de compétences, mais pourquoi ceux qui sont dépositaires de compétences, on ne peut pas les reconnaître, renforcer ce qu'ils savent et essayer de faire en sorte de leur faire jouer plus de rôle que de croquer la cola et de sceller des liens ou de faire un baptême et disparaître.

C'est économique, cela ne nous coûte pas grand-chose qu'une reconnaissance sociale ait une facilité que le rôle soit joué.Badiène Nu Gokh est une initiative salutaire comme Mame Gokh ou Yaye Gokh et autant de choses que nous connaissons chez ces personnages qui sont capables de pouvoir influer sur le destin de l'enfant en termes de protection. Comme je le dis, l'Afrique traditionnelle, la tradition que nous sommes en phase de quitter avec beaucoup de difficultés, il y avait des pères, mères classificatoires.

Une mère seule n'a jamais existée dans ce continent, c'est une mère biologique, c'est ce qui faisait dire à Amadou Hampâté Ba : « l'homme est géniteur distrait de l'heure. Histoire de dire que l'homme qui féconde la femme au-delà du fait biologique, il y a d'autres pères et mères classificatoires qui émergent et qui contribuent de par leur prérogative de protection au développement de l'enfant.

Autant, on pourchasse toutes les pratiques négatives, excision et autres, autant, on devrait investir sur les pratiques positives pour les enraciner et ce n'est pas diable. C'est ce qui se fait ailleurs. La Chine, qui émerge et qui fait peur, est un pays essentiellement traditionnel. Ils n'ont pas bousculé les pratiques culturelles positives dans leur société. Une société humaine a besoin d'identité.

 

Aujourd'hui, l'imaginaire de nos enfants est dominé par le petit écran, qu'est ce que cela vous inspire ?

 

Je suis effrayé par comment nos enfants : aujourd'hui : sont d'une pauvreté dans leur imaginaire. Parce que l'imaginaire, c'est tout l'homme. C'est à travers l'imaginaire qu'on a un sentiment de sécurité, qu'on gère ses états émotionnels. Aujourd'hui, l'imaginaire des enfants est complètement gangrené et pollué par les schémas télévisuels.

Je ne veux pas dire qu'il faut les fermer, mais je veux tout simplement qu'avant que l'enfant ne parvienne à l'imaginaire Coca-cola, Pepsi (après passer à la caisse) distillé dans la télévision, que les contes, les mythes, les légendes, sa culture dans l'espace familial tout ceci participe à configurer son personnage de telle sorte qu'il est assis sur quelque chose.

C'est cela fondamentalement qui va permettre l'éducation des enfants. Parce que ceux qui fondent la difficulté de l'éducation de l'enfant aujourd'hui, c'est que parents et enfants ne partent pas du même imaginaire. Il y a une dissonance. Et le parent vous dit : « Je ne comprends pas comment cet enfant, il agit. Je ne comprends pas son comportement ».

Il y a une nécessité d'une prise de conscience des parents de leur propre échéance et de ce qu'ils savent faire, qu'on conforte ce qu'ils savent faire comme nos parents nous ont éduqués. Ce n'est pas si mal. Ils nous ont donné des mécanismes face à l'angoisse, des ressources de résiliences. La résilience  étant la faculté qu'un homme à faire face à l'adversité. Il faut qu'on réhabilite tout cela et qu'on dise aux gens :

« Ce que vous avez vécu chez vos parents, il y a du bon, il faut le sauvegarder, il faut transmettre cela à vos enfants pour consolider vos identités et pour fonder des équilibres émotionnelles, fonder de l'assurance et de réassurance.  Voilà mon plaidoyer sur comment la culture peut aujourd'hui participer de ce que nous faisons en termes de lutte contre la maltraitance des enfants et les abus sexuels.

 

En quoi les garages de mécaniciens par exemple peuvent-ils être des endroits dangereux pour les enfants ?

 

 Il y a des espaces où il n'y a pas de contrôle social. C'est des milieux interloques où les règles sociales tombent, où il y a de nouvelles règles qui ne prennent pas forcément en compte les enfants. Parce que ces milieux-là sont des milieux d'adultes. L'enfant y fait irruption, mais, il n'est pas pris en compte. Regarder l'apprentissage dans ce qu'on appelle le garage de mécanique, c'est très dur, il y a une violence inouïe.

Là-bas, l'apprentissage de la connaissance se déroule sous le sceau de la violence, il n'y a pas de contrôle sur ce qui se fait. Un espace que ce soit formel ou informel doit être un espace quelque peu contrôlé avec des règles qui sauvegardent le droit des uns et des autres. Quand vous prenez par exemple un garage où l'on garde des voitures, il y a une telle mobilité, une telle circulation monétaire.

Il y a une telle tension et de nombreux enfants qui errent. Ces enfants sont en situation de risque parce que tout ce que l'humain peut exprimer de mauvais se passe dans ces espaces. Il y a une tension, de l'angoisse parce que la peur est commerciale. Ceux qui voyagent donnent de l'argent, il y a du commerce, mais les enfants sont là dans et ce n'est pas leur place.

La place d'un enfant, c'est à l'école ou dans sa famille. L'errance est un risque pour un enfant et toutes les situations d'errance sont à risque pour ce dernier. Je suis en train de fonder une recherche sur l'errance, quelles sont les conséquences de l'errance sur la santé mentale et le développement des enfants.

Parce que bon nombre d'opportunistes, d'imbéciles, nous racontent que le fait d'errer, de tendre la main, fait des bonnes choses à sauvegarder. Il faut que nous ayons des argumentaires qui déconstruisent cela. Le fait d'errer est un facteur de risque pour un enfant et cela démobilise beaucoup de ressources de personnalité chez lui. Cela lui fait baisser l'estime de soi, ce n'est pas bon pour un enfant.



6 Commentaires

  1. Auteur

    Undefined

    En Mars, 2011 (14:55 PM)
    fassko mbarodi depuis cincinnati  :up:  :up:  :up: 
  2. Auteur

    Undefined

    En Mars, 2011 (14:58 PM)
    thiéy
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    Auteur

    Verité

    En Mars, 2011 (15:07 PM)
    la television c´est un danger pour les enfant c´est faux

    fait vivre le cervaux de l´enfant ,et sa augement la intelligence de l´enfant
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    Auteur

    Makhou

    En Mars, 2011 (15:18 PM)
    Ngoné,dièk ndiatou mba niéti djimbis bakhenane ci
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    Auteur

    Marnaane

    En Mars, 2011 (18:16 PM)
    MONSIEUR FORAGES AU SECOURRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRS! THIES A SOIF
    Auteur

    Astapi

    En Mars, 2011 (21:41 PM)
    au moins ils nous restent des téte pensante qui ne confondent pas choux et sallades

    reveillez vous
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