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Paris en ligne: « Inch'Allah, ils vont marquer en deuxième mi-temps »

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Paris en ligne, foot, illustration

Un site de paris sportifs basé à Malte permet aux Tunisiens de miser en euros sur les championnats de foot européens. De nombreux hommes y sont accros. En espérant gagner de l'argent ou pour défier l'ennui.

 Hamma insulte le grand-père du coach de l’équipe réserve de Porto, tombée à domicile contre un club dans la mouise, à la surprise générale. Il regarde encore une fois le résultat sur son portable, comme si la fédération portugaise allait faire une fleur à un chômeur tunisien en ordonnant de rejouer le match. Il a parié en ligne «un ticket Planet» et perdu 3 dinars dans cette affaire (équivalent à 1,50 euro environ). Sur le reste de ses pronostics - une quinzaine de rencontres - le jeune homme, 26 ans et quelques taches de rousseur, avait pourtant tout bon. Une seule erreur sur cette formule-là suffisait à perdre sa mise de départ. Tant pis pour les milliers d'euros à la clé.

De nombreux Tunisiens estiment que l’Internet post-révolution, sans la machette de la dictature de Ben Ali, a ouvert une autre ère et entre des milliers d'autres choses, changé l’idée que les gens se faisaient des paris. Aussi, depuis des mois, Planet Win, site de paris en ligne hébergé à Malte, a des allures d’épidémie en Tunisie. La conséquence de jeux de hasards autorisés régis par un système à l'ancienne, à l’opposé de l’offre proposée sur le Web : ultramoderne, mais sans cadre légal. 

Addiction

Une drôle d’épidémie, qui pousse un chauffeur de louage (minibus bon marché qui assurent des trajets longue distance) à lâcher la route des yeux plus longtemps que d'habitude pour vérifier le résultat d’un match. Ou encore un jeune comme Hamma, à quémander 3 dinars ici et là - une somme quand on ne bosse pas - pour miser sur des championnats de foot exotiques, comme le Ghana ou la Thaïlande. Des matches avec de «super cotes».

Hamma parie dans son quartier, au Kef (nord ouest du pays), dans un petit local qui fait office de cybercafé. Là-bas, le taulier aux cheveux défrisés joue les bookmakers et encaisse à la chaîne les paris pré-enregistrés sur le Web. Il sort des récapitulatifs sur papier, genre tickets de caisse un samedi de courses à Lidl. Tu lui donnes le numéro de ta grille validée, puis tu joues en fonction de tes moyens. 

La majorité des paris portent sur le foot. Les autres sports, comme le basket ou le hockey, servent souvent de bonus pour faire grimper les gains. Les cotes évoluent en temps réel. Quand certains se contentent de pronostiquer le score d’un match, d’autres essayent en plus de prévoir le nombre de corners ou de buts à la mi-temps. En Tunisie, c'est nouveau. 

Le prix d’une voiture ou d’une affaire 

Il est impossible pour les parieurs de jouer en dinars sur Internet. Le bookmaker du cyber keffois, qui prend les mises depuis environ deux ans - mais jamais autant que maintenant - a un compte Neteller. Un portefeuille électronique lancé en Angleterre, très utilisé par les joueurs en ligne du monde entier, notamment ceux de poker.

Son compte est régulièrement alimenté en euros par un contact à l’étranger, chose impensable pour une majorité de joueurs tunisiens, trop ric-rac pour se lancer dans des aventures de devises. Comme tous ses confrères aux quatre coins du pays, le bookie s’occupe donc du change dinars-euros en prélevant une très belle taxe au passage. En cas de gain, il file le compte en monnaie locale après avoir pris sa com'. 

Hamma et sa bande assurent que c’est le seul à qui ils font confiance dans la ville. Un peu partout, des témoins racontent les histoires de ces bookmakers qui ont pris la tangente après avoir encaissé les dizaines de milliers d’euros d'un ticket gagnant. 

Au Kef, ravagé par le chômage, un type pas vraiment dans le besoin aurait raflé l’équivalent de 5 000 euros il y a quelques semaines. Des jeunes, tous chômeurs ou précaires, en parlent avec des punchlines de western, comme «à force d’en parler, j’ai senti tout cet argent entre mes doigts, l’espace de quelques secondes». 5 000 euros, c’est le prix d’une voiture ou d’une affaire, avec même du rab pour quelques jours de détente à Hammamet (cité balnéaire proche de Tunis). Les paradoxes dela galère économique : être à sec, mais jouer quand même. 

Devant le café Hollywood à Siliana, une région rurale du pays où le travail est rare. (Photo Pierre-Yves Marzin. Riva Press)

Des liasses de dinars sur Facebook

En Tunisie, les photos de grilles gagnantes se partagent sur les portables. Elles seraient les preuves irréfutables que "Planet" constitue une solution crédible pour s'enrichir. Certains, du lycéen au quadra, passent des heures à décrypter les combinaisons. D’autres bombent le torse dans des cafés après avoir remporté des centaines d’euros, en conseillant, sûrs de leur science, des jeunes férus de ballon et d’autres qui n'ont jamais vu un match de foot en entier. 

Au-delà de l’appât du gain facile, le pari fait passer le temps et rythme les journées de galère. Pour certains, il est même devenu une espèce d’horloge, avec des fuseaux horaires footballistiques. «On se rejoint juste avant le match de Salerne (division 2 italienne)», lâche ainsi un petit bonhomme au téléphone devant une boulangerie.

Sur Facebook, les pages tunisiennes consacrées à Planet Win cartonnent. On s’y échange des petites combines ou on y poste des photos de liasses de billets. On y espère une légalisation qui faciliterait les paris en dinars.  

Illégal ?

L’Etat tunisien est dépassé par Planet Win. Il n’a pas la main sur l’argent généré, ni sur les devises converties. L’activité, gros casse-tête juridique, est donc considérée hors-la-loi. Comme le précise le Huffington Post, la seule véritable alternative réglementée est le Promosport, que le gouvernement tunisien promet de moderniser et de numériser à très court terme. En l’état, celui-ci est une grille classique, avec des matches imposés à l’avance, disponible dans les établissements détenteurs d'une autorisation des autorités. 

"Le ticket Planet" est forcément plus attractif. Systématiquement mis à jour (Promosport ne prend pas en compte certains reports de matches par exemple), plus adapté à l’ère du smartphone (sur le Web, c’est à toute heure) et en cas de coup de bol, plus lucratif. Un bookmaker, s’il est "réglo", se sucrera toujours moins que le trésor public, lequel réclame un quart des gains. 

Des types se seraient fait pincer par la police à cause de Planet Win, même si les autorités ne font pas preuve d’un zèle exceptionnel pour pourchasser "les hors-la-loi". Par précaution, des Tunisiens racontent qu’ils évitent de s’afficher sur les réseaux sociaux avec leur ticket. Les bookmakers des cyber barrent leur nom au marqueur noir, lequel s’affiche sur les récapitulatifs - puisqu’ils compilent tout sur leur compte personnel. "Planet" est une routine clandestine. 

Loisir et résignation

Il y a un an, Hamma, dont le gain maximum s’élève à 450 dinars (un peu plus de 200 euros), ne jouait pas. Le voilà contaminé à son tour et pas qu'un peu. Désormais, ses potes et lui sont capables de dégainer la série en cours de Marseille-Consolat (National). Ils potassent des calendriers et des sites de pronostics. Espèrent ouvrir un compte Neteller dans quelques mois, pour pouvoir jouer tranquilles dans leur coin et se faire des sous en prenant à leur tour les paris. 

Durant la dictature, le foot était la discussion favorite dans les cafés, faute de liberté d’expression. On y revient peu à peu pour d’autres raisons. Quand les politiques parlent de long terme pour résorber la crise, les habitants répondent qu’ils n’ont simplement plus le temps. Ni d’attendre ni de les écouter. Le 7 mars, quand la ville de Ben Guerdane, dans le sud du pays, a été attaquée par des jihadistes, au Kef, on exprimait de la compassion, de la tristesse et de l’inquiétude. Néanmoins, les paris du jour restaient le sujet numéro un de conversation pour de nombreux jeunes. Priorité à l’argent et aux rêves. 

Intervention divine

Soir de débrief avec Hamma, un jour de lose. Encore 3 dinars engloutis, pour une cagnotte maximum de 7186 euros."Ma vie, c'est le smiley qui pleure sur Facebook". Fou rire. Soir aussi d’invocations divines pour lui, alors qu'il prépare les grilles à venir, conseillé sur Facebook par un vague cousin connaisseur de foot. «Que Dieu soit avec moi», «Qu’il fasse que Zagreb gagne" ou «Inch’Allah, ils marqueront en deuxième mi-temps».

Les mea-culpa du genre «le pari, c’est mal, c’est un péché» qu’on entend ici et là, certains s'en fichent. Hamma, lui, s’est arrangé pour trouver son juste milieu. S’il décroche une cagnotte importante, il n’investira pas dans du bling-bling. Pas de voiture par exemple, «trop peur de rentrer dans un mur, puni par le ciel». Il jure qu’il ouvrira une boutique et fera des dons aux pauvres, «c’est la moindre des choses». Des serments à haute voix, pour tenter  d’amadouer Dieu et faire qu’il l’aide enfin à remporter le magot. 

Ramsès Kefi



1 Commentaires

  1. Auteur

    Anonyme

    En Avril, 2016 (15:37 PM)
    paris sportyif ma ruinné. ne jamain parier au paris sportif en ligne. :nono: 
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