Libye: deux victoires pour la France mais pas trois

PARIS — La France a remporté deux victoires dans le dossier libyen, en initiant deux résolutions audacieuses à l'ONU, mais a échoué, pour des querelles de commandement, à limiter la suprématie de l'Otan et donc des Etats-Unis.

Tant la résolution 1970, prévoyant la saisine de la Cour pénale internationale (CPI) contre Mouammar Kadhafi, que la 1973, prévoyant le recours à "toutes les mesures nécessaires" pour protéger les populations, sont novatrices dans le champ d'action qu'elles ouvrent contre un dictateur.

"C'est un moment pour la crédibilité des Nations unies, le signal surtout donné au peuple arabe dont nous saluons tous l'aspiration à la liberté et à la démocratie", a résumé le chef de la diplomatie française, Alain Juppé.

La première avait vu le jour sous le coup de l'émotion, après des larmes de l'ambassadeur libyen à l'ONU suppliant le Conseil de sécurité d'agir. La deuxième est passée au forceps à la surprise de nombre d'Etats membres, et Paris se targue désormais d'avoir évité grâce à elle un bain de sang à Benghazi.

Mais une semaine après le début de la guerre, menée contre les troupes libyennes par principalement les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, le message français est brouillé pour cause d'Alliance atlantique, avec laquelle Paris entretient des liens toujours équivoques.

"Pour nous cette opération (...) est conduite par une coalition" et "ce n'est donc pas une opération de l'Otan", n'ont cessé de clamer depuis le début les autorités françaises, en particulier Alain Juppé.

Jeudi, les membres de l'Alliance atlantique, dont la France, se sont mis d'accord pour prendre dans l'immédiat le relais de la mission d'interdiction de survol et continuaient vendredi de se diviser sur celle des frappes au sol.

Pour les Etats-Unis, l'Otan qu'ils dominent militairement va à terme prendre en charge toutes les facettes de l'action de guerre. Pour la France, "le pilotage politique ne sera pas du ressort de l'Alliance" mais d'une sorte de groupe de contact dont une première réunion est attendue mardi à Londres.

"On ne sera pas dans une opération Otan" et "il n'y a pas le moindre flottement" dans la position de la France, a assuré vendredi un haut responsable diplomatique sous couvert d'anonymat.

De facto cependant, Paris semble condamné à voir l'offensive en Libye lui échapper pour tomber dans le giron de l'Alliance atlantique. Avec un certain consentement, car plus l'opération dure et plus elle est coûteuse. Laisser l'Otan la prendre en charge revient "à mutualiser les moyens" et partager le fardeau, relève un responsable français sous couvert d'anonymat.

Sur cette volonté coûte que coûte d'écarter l'Otan, la France, qui cherchait à garder sa liberté de manoeuvre, s'est vite retrouvée isolée, y compris vis-à-vis de ses alliés de la première heure, Washington et Londres.

Pour donner le change, elle a annoncé cette semaine la création du désormais fameux "comité de pilotage politique", chargé d'assigner de grandes orientations à l'Alliance atlantique sur la définition des objectifs et de la conduite opérationnelle.

Au final toutefois, c'est un QG de l'Otan basé à Naples qui tiendra le gouvernail militaire. QG qui abrite aussi le commandement des forces américaines pour la Méditerranée.

Selon des sources diplomatiques, la France travaillait intensivement vendredi à la constitution du groupe de contact sur la Libye, prévoyant deux "étages": un groupe très large pouvant inclure jusqu'à une soixantaine de participants, pays et organisations; et un plus petit, réunissant les contributeurs de forces militaires ayant attaqué les troupes de Mouammar Kadhafi et qui entendent continuer à le faire si les violences ne cessent pas.