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L’Afrique, un continent d’Etats défaillants ( juriste )

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L’Afrique, un continent d’Etats défaillants ( juriste )

La situation dans laquelle se trouve le Mali depuis presque un an doit, au-delà des réactions qu’elle a suscitées, nous pousser nous Africains (gouvernants, intellectuels et toutes les forces vives de nos pays) à la réflexion et à l’action. Nous devons réfléchir sur la qualité véritable de nos Etats et en conséquence tenter d’apporter des réponses aux questions qui se posent à nous dans le contexte actuel marqué par la guerre au Mali contre les terroristes.

Un Etat se définit par un territoire, une population, et des institutions. Or, aujourd’hui on constate que les Etats africains disposent bien d’un territoire et d’une population, mais n’exercent pas de contrôle sur l’ensemble de leur territoire. Cette situation favorise l’existence de vide, la marginalisation d’espaces, qui deviennent source d’instabilités locales, voire régionales. Ils sont considérés comme des Etats défaillants.

I – Les situations de défaillance de l’Etat en Afrique

De manière stricte, la défaillance de l’Etat signifie qu’il n’est plus en mesure d’assurer, à l’intérieur de ses frontières, le monopole de l’exercice de la violence légitime. Cela veut dire qu’il « ne peut plus […] assurer la sécurité physique de sa population. » De manière plus large, la défaillance de l’Etat inclut aussi son incapacité ou son irrésolution à assurer les besoins de sa population en termes de représentation (démocratie, respect des droits et libertés, etc.) et de satisfaction de ses besoins fondamentaux (besoins alimentaires, de santé, d’éducation, d’emploi etc.). Donc pour qu’un Etat ne soit pas considéré comme défaillant, il doit être capable d’assumer ses fonctions régaliennes essentielles, à commencer par le maintien d’un ordre public. Ces fonctions inhérentes au statut d’Etat souverain et indépendant doivent être exercées pleinement par lui, à l’exclusion de toute intervention venant de forces extérieures comme les autres Etats, les organisations internationales, les ONG. Cette vision découle de la conception de la société internationale en tant qu’elle est composée d’Etats souverains et égaux en droit.

Cependant, dans un monde de plus en plus globalisée où les Etats sont tous interdépendants, la souveraineté de l’Etat ne signifie plus l’exclusion des autres acteurs internationaux du champ de sa compétence nationale. Elle est désormais conditionnée par son exercice effectif et responsable par ledit Etat c’est-à-dire conformément aux règles internationales. Autrement dit, un Etat qui n’est pas en mesure ou n’a pas la volonté d’assumer les obligations dérivant de sa souveraineté, cet Etat risque de voir sa souveraineté et son indépendance contestées et même remises en cause. En effet, un Etat qui ne peut pas contrôler effectivement ses frontières et remplir ses fonctions sociales, est un Etat qui laisse le terrain à toutes sortes de fléaux (trafics illicites en tous genres, terrorisme, criminalité internationale…). Ces fléaux menacent non seulement la stabilité interne voire l’existence même de cet Etat, mais ils constituent aussi des facteurs de risque d’instabilité internationale.

L’observation des réalités quotidiennes dans nos Etats montre qu’ils ont jusque-là été incapables d’assurer un contrôle effectif des activités se déroulant sur nos territoires et de satisfaire les besoins fondamentaux des populations comme la sécurité, la nourriture, la santé, l’éducation, l’accès à l’eau potable et le bénéfice d’infrastructures de communication et de télécommunication. En dehors d’une petite partie de territoire dans les capitales africaines, la grande majorité de nos territoires sont laissés en rade, dépourvus d’infrastructures et où on ne sent que faiblement la présence de l’Etat. Plus d’un demi-siècle après les indépendances, l’Etat africain n’a pas réussi à déployer ses réalisations et ses politiques en dehors des capitales et de quelques « grandes » villes. Au contraire beaucoup de nos Etats sont dans une situation de déliquescence très avancée. La pauvreté s’approfondit, les inégalités de développement entre les régions se creusent et l’unité nationale, si elle existe, est de plus en plus menacée dans certains pays. Depuis les indépendances, nos Etats sont toujours caractérisés par des frontières incontrôlées et non gardées (comme une grande partie de la frontière du Sénégal avec la Mauritanie). Ils sont aussi marqués par des diversités ethnolinguistique, culturelle, religieuse qui posent le problème de l’existence d’une véritable unité nationale. Ils se singularisent également par une instabilité politique chronique liée au fait que la démocratie n’arrive toujours pas à s’implanter durablement sur le continent. Les pays considérés comme plus ou moins stables et démocratiques reposent sur des consensus fragiles voire de façade qui s’écroulent facilement. Le Mali en est une parfaite illustration. Nos Etats se distinguent enfin par des faiblesses économiques structurelles dont les conséquences sociales sont dramatiques (chômage massif, immigration chronique et soutenue, le règne de la corruption et de l’économie informelle qui engendre contrefaçon, contrebande, marchés parallèle et illégaux, blanchiment d’argent et trafics en tous genres). C’est pour toutes ces raisons que, dans l’index annuel des Etats défaillants publié par le Fonds pour la paix (Fund for Peace), la grande majorité des Etats africains est mal classée. Dans le classement 2012, parmi les cent (100) premiers Etats considérés comme défaillants, quarante-huit (48) sont africains.

Les Etats défaillants sont aujourd’hui perçus comme sources de déséquilibres et de périls internationaux car ils sont incapables d’empêcher la naissance sur leur territoire de menaces globales telles que le terrorisme dont les effets peuvent affecter tous les pays du monde. La lutte contre le terrorisme et les menaces globales a fait émerger un consensus occidental autours des Etats défaillants et des dangers  qu’ils constituent. C’est ce qui explique largement que l’Afrique soit un continent d’interventions internationales en générales et occidentales en particulier (opération Restore Hope des Etats-Unis en Somalie en 1993, opération turquoise de la France au Rwanda en 1994, l’opération Licorne de la France en Côte d’Ivoire, intervention de l’OTAN en Libye, l’opération Serval en cours de la France au Mali, sans compter les nombreuses missions de maintien de la paix des Nations Unies).

II – Comment sortir les États africains de leurs situations de défaillance ?

Pour sortir les Etats africains de leur situation de défaillance, il faut naturellement combattre les causes de la défaillance qui sont de nature politique, économique et sécuritaire.

Sur le plan politique, il faut travailler à construire des Etats forts et démocratiques avec des dirigeants légitimes et responsables. Pour cela, il faut que la démocratie soit une réalité dans nos Etats à travers l’organisation d’élections périodiques, libres, transparentes et sincères. Il faut aussi que la gestion de nos gouvernements soit inclusive et basée sur la poursuite de l’intérêt général. À cet égard, la mal gouvernance, la corruption, le détournement de deniers publics etc. doivent être répudiés et sévèrement punis par une justice indépendante et dotée en moyens. La transparence, la reddition des comptes et la démocratie participative (avec l’implication des populations et des acteurs non étatiques) doivent être érigées en règles d’or dans la gestion de nos Etats.

L’existence d’un régime politique stable et démocratique ne suffit cependant pas à lutter contre la défaillance de l’Etat. Encore faudrait-il que ce dernier soit présent sur toute l’étendue de son territoire pour satisfaire les besoins fondamentaux de sa population. Il faut implanter des écoles, des postes de santé et tous les services publics sociaux (eau, électricité, téléphone, assainissement, routes) dans les villages et coins reculés et démunis. Cela passe par une véritable politique de décentralisation qui responsabilise les pouvoirs locaux et s’accompagne d’un transfert effectif de moyens financiers et humains aux collectivités locales.

Sur le plan économique, il faut lutter contre le développement inégal entre les territoires. Tout ne doit pas être concentré dans la capitale et les villes environnantes. Pour cela, il faut élaborer et mettre en œuvre de véritablement plans de développement économique et social intégré et une bonne politique d’aménagement du territoire. Avec une vision claire et des objectifs précis et réalistes à court, moyen et long terme, la planification doit être un outil  efficace de développement économique et social intégré. Nos pays sont à 80 ou 90 % ruraux. Il faut donc essayer de tirer profit de nos terres à travers des politiques agricoles basées sur l’attribution de grandes surfaces exploitables à chaque paysan, la mécanisation de l’agriculture, la formation des paysans, la diversification des cultures…

Il faut aussi promouvoir les investissements privés à travers les investissements directs étrangers, le secteur privé intérieur et mobiliser les transferts financiers de la diaspora pour les orienter vers des secteurs productifs et créateurs de richesses. Le secteur privé déjà peu dynamique et souvent plombé par la dette publique doit être encouragé et soutenu, entre autres,  par des mesures fiscales incitatives.

Il faut également lutter contre l’économie informelle qui gangrène nos pays et freine leur développement économique. Aucun pays au monde ne s’est développé avec une économie informelle qui domine le système économique et social. Or dans nos pays c’est le règne de l’informel, de la débrouille et du travail au jour le jour.

Sur le plan sécuritaire, il faut d’abord renforcer les effectifs, les capacités et les moyens des forces de sécurité et de défense nationales pour une garde et un contrôle effectifs et permanents des frontières. Qui dit contrôle des frontières, dit filtrage des entrées et des sorties. Cela permettra d’éviter que nos populations soient infiltrées par des bandits et autres terroristes, mais aussi d’identifier et de surveiller les personnes qui seraient tentées de rejoindre les zones de recrutement des intégristes religieux ou de groupes mafieux. Ce qui se passe au Mali est la preuve indéniable de l’échec ou de l’absence de politique de contrôle et de garde des frontières étatiques, car parmi ceux qui combattent actuellement dans le nord du pays, certains viendraient de la Libye et de pays très éloignés comme le Yémen, l’Afghanistan.

Il faut aussi déployer les forces de police et de gendarmerie dans les villages dont la population est en constante augmentation et qui s’urbanisent de plus en plus. Maintenir l’ordre public sur toute l’étendue du territoire étatique est une nécessité dans nos pays.

Il faut enfin promouvoir la coopération et l’intégration sous régionales et régionales en mettant en place de véritables forces armées au niveau de chaque sous-région : la CEDEAO pour l’Afrique de l’Ouest, la CEEAC pour l’Afrique centrale, la SADC pour l’Afrique australe, l’IGAD pour l’Afrique de l’Est et l’UMA pour l’Afrique du Nord.

Au-delà de l’aspect sécuritaire, l’intégration régionale (qui est plus théorique que réelle) doit est promue dans tous domaines : politique, économique, sociale et stratégique. On doit faire le bilan de l’Union africaine et des communautés économiques régionales et les réorienter avec des critères et des règles solides et obligatoires pour tous les membres.

Pour l’ensemble de ces actions, il est évident que le soutien et l’implication de la communauté internationale sont indispensables. Mais c’est aux africains de prendre leur destin en main car personne ne développera le contient à notre place.

Oumar THIAM

Juriste, doctorant en Droit international

à l’Université de Reims



6 Commentaires

  1. Auteur

    Diarraf

    En Janvier, 2013 (17:49 PM)
    Bonjour l'auteur de cet article . Je voudrais savoir avec quel logiciel vous avez contruit la carte géopolitque industrielle de l'Afrique. Merci
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    • Auteur

      Reply_author

      En Janvier, 2024 (20:43 PM)
      Maybe if Sonko had not rapped Aja Rabi Sarr and if had not lied against MBN then things would have been different. These are the things ass holes like you always failed to address thinking Ousmane Qatari Sonko is untouchable. 
      Guess what? Ya"ll got it fuck'n wrong you bunch of  ass holes. 
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    • Auteur

      Rabat D' Arret

      En Janvier, 2024 (03:14 AM)
      Il y a bien un rabat d'arret à se mettre sous la dent non? Les avocats de Sonko en ont un tous les jours!! Ce qui est rare en procédure est courant chez eux? Tu parles de conseiller mdr!! Des amateurs😀😀 oui....
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    • Auteur

      Rabat D' Arret

      En Janvier, 2024 (03:14 AM)
      Il y a bien un rabat d'arret à se mettre sous la dent non? Les avocats de Sonko en ont un tous les jours!! Ce qui est rare en procédure est courant chez eux? Tu parles de conseiller mdr!! Des amateurs😀😀 oui....
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  2. Auteur

    Popper

    En Janvier, 2013 (17:52 PM)
    Ce texte est un plagiat , je vous ferai parvenir le texte original
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    Auteur

    Nelsonman

    En Janvier, 2013 (18:33 PM)
    Slt popper. C'est moi l'auteur de l'article. j'attends avec impatience que tu nous fournisses le texte original dont tu parles.
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    Auteur

    N'goné Latyr

    En Janvier, 2013 (18:53 PM)
    Bonjour,



    Comment voulez-vous que l'Afrique s'en sorte, avec ces micro-états non viables ?

    Tant qu'on ne réalisera pas les Etats Unis d'Afrique, on sera toujours face à des difficultés économiques et sécuritaires. Nos états sont des coquilles vides et nous ne sommes pas encore capables de relever tous ces défis, je ne suis pas un afro-pessimiste mais plutot, un réaliste qui ne demande que le développement de ce continent mal dirigé.



    Merci,

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    Auteur

    Moitie Aveugle

    En Janvier, 2013 (08:20 AM)
    mr Thiam, ce n'est pas parce que vous voulez etre docteur que vous pouvez en une page soigner les maux de l'afrique. il y a du vrai dans votre diagnostique toutefois les causes et les remedes me semblent faux.



    La cause première de l'incapacité chronique de l'afrique est la dette laissée par les colons, la main mise sur notre économie, sur nos ressources et l'occupation militaire de nos territoires.



    La solution première et sine qua none est une autonomie sécuritaire basée sur une armée performante seule capable de garantir l'intégrité territoriale et la sécurisation des personnes et des ressources( corée du nord, brésil, iran,inde, pakistan, vénézuela, cuba...).

    Il nous faut nous africain changer notre attitude de traitrise interne et collaborer afin que nos etats soient forts et stables.

    Notre ennemi est l'occident car par le passé (esclavagisme, colonialisme, indépendance truquée avec instauration par le sang et la terreur de dictatures féroces...), le présent( pillage des resssources, occupations militaires, soutien de regimes fantoches'' cote d'ivoire, gabon, togo, senegal,libye, tunisie...'') et le futur (je fais référence aux nouvelles politiques de défense américaines et européennes pour qui l'afrique avec ses ressources est le champ de bataille du futur) n'ont jamais fait et ne feront que le malheur des peuples d'afrique.

    Ouvrons les yeux et faisons preuve de lucidité et reconnaissons que la crise malienne n'est du qu'aux reserves de gaz, de pétrole et d'uranium presents dans le nord.

    Noublions pas la centrafrique (pétrole), le tchad(pétrole et gaz) le nordd nigéria( pétrole) cote d'ivoire (pétrole).

    Et au senegal en plein magal de touba et de fetes de la nativité Macky Sall a signé un contrat pour l'exploitation d'une plateforme pétrolière au large de la casamance avec une société israelo-britannique pour des reserves estimées a 800 millions de barils: 800 millions X $100=80 milliards de dollars; 80 millardsX500= 40 000 Milliards de Cfa. Combien va toucher le sénégal, combien pour dépolluer le site apres l'exploitation, dans quel secteur cet argent sera investi et qui en decidera?



    Arretons le divertissement et parlons des choses sérieuses. Merci d'avance pour les 50% de la population qui ont moins de 25 ans et qui ont besoin d'éducation, d'instruction, de santé bref dun avenir autre que sur les bancs d'une faculté en Champagne Ardennes.  :haha:  :haha:  il fallait quand meme que je finisse en me moquant de mon diam halpular :love: 
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    Auteur

    Nelsonman

    En Janvier, 2013 (14:12 PM)
    Slt moitié aveugle. Vous vous en doutez bien que ces pages ne suffisent pas p pour sortir lAfrique de ses problèmes. Je ne le prétends guerre. Aussi ce ne sont pas ces quelques lignes qui me permettront d'être docteur. J'essaie juste, en tant qu'africain conscient des difficultés de mon pays et de mon contient, d'apporter ma modeste contribution à l'effort de réflexion et d'action pour sortir notre chere Afrique de sa situation. Tant qu'on arrêters pas d'accuser les autres, on ne s'en sortira pas. Assumons d'abord nos responsabilités puis occupons de celle des autres.çà ira mieux

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