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Le débat n’est pas politique, mais bien scientifique

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Le débat n’est pas politique, mais bien scientifique

L’EXPLOITATION PETROLIERE DANS LA ZONE ECONOMIQUE EXCLUSIVE SENEGALAISE QUELS ENJEUX RETENIR ?

Pour la première fois de son histoire, Le Sénégal vient d’enclencher un processus d’exploitation pas comme les autres, il s’agit d’une exploration entamée depuis quelques années, qui a débouché in fine à  la découverte de ce qui est communément appelé l’or noir.

Delà, au-delà de l’intérêt économique et vital que cela suscite pour les pouvoirs publics, elle déclenche un alerte incendie qui, si nous nous ne prenions pas garde, risque de poser de nombreuses problématiques  tellement que la sensibilité de celle-ci se pose avec acuité.

Toute la problématique tournera autour des risques économiques, environnementaux, voire même sécuritaires, qui sont du reste,  d’une extrême gravité et qui impliquent un dispositif méticuleux en amont et en aval.

Cette exploitation posera indubitablement  la question de savoir, est-ce que notre pays est prêt pour faire extraire l’or noir ? De cette réponse dépendra, la nécessité de cantonner les manquements afin de parer à toutes les éventualités possibles et de réduire au maximum possible les risques inhérents à de telle exploitation.

En effet, il nous semble que du point de vue juridique, le Sénégal ne dispose pas encore d’un arsenal juridique suffisant pour asseoir une telle exploitation, d’où l’intérêt immédiat  de se donner les moyens pour la mise sur pied d’un dispositif règlementaire en vue de son encadrement.

Qu’à cela ne tienne, l’exploitation pétrolière en  mer pose d’emblée le problème de sa qualification juridique, la détermination de son droit applicable et enfin les problèmes de compétence en cas de litige.

De façon générale, l’intérêt d’une qualification juridique des plates-formes pétrolières réside dans l’application ou non  du droit maritime, du droit de la sécurité et de la sureté maritime, et dans le cas où, ces plateformes reçoivent le qualificatif de navire, il serait aisé de puiser dans les  dispositions  règlementaires qui existent déjà à travers l’OMI et qui sont contenues dans les conventions internationales comme la convention de Montego bay.

L’exploitation pétrolière en mer, est généralement conçue en plusieurs catégories d’engins, ou en plusieurs catégories de type industriel, à ce propos, le professeur Jean Pierre Beurrier, les a classés en trois catégories, que sont les plates-formes fixes, les navires de forage et les plates-formes semi-submersibles.

En ce qui concerne les plates-formes fixes, qu’elles soient en béton ou en métallique, elles sont immobilisées sur le fond de la mer, et elles ne sont pas considérées comme des navires, elles sont généralement soumises à la loi de l’Etat côtier dans les eaux duquel elles sont installées.

Pour les navires de forage, leur qualification reste sujette à sa mobilité ou pas, puisque selon la doctrine ‘’maritimiste,’’ un navire est un engin flottant, qui peut naviguer en eaux flottantes et qui est apte à affronter « les périls de la mer ».

Ainsi les navires de forages dépendent de leur mobilité pour être qualifiés de navire, et d’ailleurs, la doctrine ne parle pas d’une même voix, il y’a une différence d’appréciation entre  les Professeurs Bonassies et Scapel, sur une certaine exigence liée à l’autonomie pour affronter les risques, qui selon ce dernier, doit être retenue avant de qualifier ces forages de navire.    

D’autres auteurs tels que le Professeur Jean Pierre Beurrier, estime que les navires de forages doivent être qualifiés de navire au sens du droit maritime, dans la mesure où ces positionnements dynamiques ne constituent ni un lien de sécurité, ni une immobilisation du navire de forage. 

Pour les plates-formes semi-submersibles, leur qualification est également sujette à controverse, en tout cas, du moins, si l’on s’en fie à la définition de Jean-Pierre BEURIER, qui estime que les plates-formes semi-submersibles sont : «ces engins qui sont capables de se déplacer, qui peuvent servir plusieurs fois, qui sont ancrés lorsqu’ils sont en opération, qui peuvent affronter les périls de la mer, qui disposent d’un poste de commandement en tout point semblable à une passerelle de navire ». De ce fait quand ils se déplacent (soit de manière autonome soit remorqués), ils sont assimilés à des navires. Ils portent les marques des navires (nom, immatriculation, port d’attache), ils sont inspectés par les sociétés de classification et doivent respecter le règlement international pour prévenir les abordages en mer (COLREG), par contre, s’ils sont en phase d’exploitation dans le gisement pétrolier, et qu’ils sont en position fixe, ils perdent leur qualification de navire au sens du droit maritime.

Toutefois, même si l’intérêt d’une telle qualification juridique reste de taille, pour l’application ou non du droit maritime, autrement dit pour l’application des nombreuses conventions internationales de l’OMI, de l’OIT sur la protection des travailleurs de ces plates-formes, même s’il est d’un intérêt majeur pour que ces plates- formes pétrolières reçoivent juridiquement la qualification de navire, il reste que dans certaines conventions qui en prévoient leur encadrement, il est plutôt question d’une qualification fourre tout , autrement dit, une qualification large et étendue.

C’est le cas de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui ne parle même pas  de plates-formes offshore,  mais parle «  d’iles artificielles », « d’ouvrages » ou « d’installations » notamment en son article 60 paragraphes 6.

Par conséquent, il est d’une nécessité  de qualifier juridiquement ces installations pétrolières en vue de les aligner au droit international maritime, qui est déjà en avance sur des questions de sécurité et de sureté maritime, et par conséquent, le droit qui sera applicable en l’occurrence, sera le droit maritime, et plus précisément,  celui du droit international maritime dont les conventions provenant de L’OMI, sont pour la plus part, ratifiées par le Sénégal.

En outre, les enjeux sécuritaires sont-ils pris en charge par la marine nationale ?

Il s’agit ici, de l’opine dorsale de ces plates-formes, comme le dit l’adage, « il n’y a point de prospérité, là où, il n’ya pas de sécurité » à ce propos, la marine nationale a  ‘’du fil à retordre’’, tellement que son rôle est indispensable dans la sécurisation de cet espace vital pour l’économie Sénégalaise.

D’abord, il s’agit de la protection des installations qui sont avant tout, la protection d’un investissement, puis celle de la survie énergétique du peuple Sénégalais,

La convention de Montégo bay, en a déjà prévu cette exigence de protection, elle parle même d’un dispositif de protection qui va au-delà  du périmètre d’installation ou d’investissement, en estimant le périmètre au-delà de 500 mètres.

La France a prévu  ce dispositif sécuritaire, par une loi du 30 décembre 1968, dans laquelle il est interdit de pénétrer sans autorisation dans cette zone, pour des raisons étrangères aux opérations d’exploration, de même qu’il est interdit le survol de ces installations.

L’un des problèmes majeurs de sécurité et de sureté  et qui reste d’actualité est le phénomène de la piraterie et de terrorisme maritime.

La piraterie est définie par l’article 101 de la Convention de Montego bay , elle est définie en une série de situation ou d’actes suivants : <

Contre un navire ou un aéronef, ou contre des personnes ou des biens à leur bord, en haute mer.

Contre un navire ou  aéronef, des personnes ou des biens dans un lieu ne relevant de la juridiction d’aucun Etat.

Tout acte de participation volontaire à l’utilisation d’un navire ou d’un aéronef lorsque son auteur a connaissance des faits dont il découle que  ce navire ou aéronef  est un navire ou aéronef pirate Tout acte ayant pour but d’inciter à commettre les actes définis aux lettres a ou b, ou commis dans l’intention de les faciliter ».

Ces actes de piraterie sont quasi présents dans ces opérations, rien que l’année  2010, on dénombrait 445 cas d’attaques de piraterie, surtout dans le golf de Guinée où on note plus de plates-formes pétrolières que nulle autre part.

Ce phénomène de la piraterie interpellera au premier chef la marine nationale, qui devra, par un dispositif de sureté conséquent et suffisant se préparer à ces éventuelles menaces.

Enfin les enjeux liés à l’environnement, à la préservation du milieu marin, qui sont aussi d’une grande complexité, qui exigent aussi un dispositif méticuleux.

Tout d’abord, il faut savoir qu’il y’a eu, dans un  passé récent, de nombreux désastres dans les installations pétrolières en mer, et que le risque demeure toujours très élevé, comme le soulignait à juste titre d’ailleurs, le Professeur Martine-Gouilloud, « dans l’activité offshore, le risque de mer, se conjugue avec le risque du puits. »

De nombreux désastres ont été constatés dans les opérations d’exploitation offshore, dont les plus graves restent écologiquement et humainement lourds de conséquence, c’est le cas de l’explosion  de la plate-forme de forage Piper Alpha le 6 juillet 1988, située dans la zone centrale de la mer du Nord et appartenant au Royaume Uni,  détruite par une explosion de gaz naturel et par un incendie causant ainsi la mort de 166 membres de l’équipage, tout récemment en 2010, la plate-forme de forage semi-submersible Depwater Horizon  fut une explosion et un incendie à 80 km au large des cotes de la  Louisianes , causant 11 morts et 17 blessés, ce qui est l’une des catastrophes écologiques sans précédent dans l’histoire de l’humanité, 6000 à 8000m3 par jour d’hydrocarbures, selon les estimations sont déversées sur la mer, au point que le Président Américain Barack Obama en appela à une commission d’enquête indépendante. .

Ainsi, notre pays est loin de relever les défis sécuritaires et environnementaux, et au-delà de l’agitation et des prospections heureuses en terme de croissance que ce gisement nourrit, il faudra avant tout, engager un travail avant-gardiste  de sureté et de sécurité, à l’image des pays comme la France qui dispose des dispositifs de prévention comme le PLAN POLMAR, qui est un plan de lutte contre la pollution du milieu marin résultant d’un accident ou d’une avarie maritime, terrestre ou aérien qui entraine ou risque d’entrainer le déversement en mer d’hydrocarbures ou tout autre produit.

C’est ce genre de plan que nous proposons aux pouvoirs publics avant tout, surtout que les impacts sur notre milieu marin risqueraient d’être encore menacés par non seulement les eaux de ballast que nous avons du mal à régler, mais par les conséquences immédiates sur notre milieu marin et dont la plus grave est la dégradation de notre côte poissonneuse.

Ainsi, donc, la mise sur pied d’un office du pétrole par Monsieur le Président de  la République est plus qu’indispensable pour la gestion en amont, c'est-à-dire dès l’octroi du permis ou de la licence d’exploitation

Et sous ce rapport, nous conseillons de manière ferme à l’Etat Sénégalais dans les contrats de concession, de faire prévaloir le système prescriptif dans un premier temps, et au bout d’un certain nombre d’années passer au système d’autorégulation.

Docteur Ousseynou Babou

Docteur en Droit maritime à Paris1 Sorbonne

Juriste et expert en Politique de Développement

Ancien conseiller à la Présidence de la République du Sénégal

Membre de l’association Française du Droit Maritime

Consultant, Enseignant email [email protected] 


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