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Lutte contre les effets néfastes du Covid-19 : Les 4 premiers commandements de l’Etat (Par Me Maname Fall, expert fiscal)

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Lutte contre les effets néfastes du Covid-19 : Les 4 premiers commandements de l’Etat (Par Me Maname Fall, expert fiscal)
Suite aux mesures générales et spécifiques déclinées par le Chef de l’Etat du Sénégal le 23 mars 2020, avec la création du fonds FORCE-COVID-19 pour un montant de 1000 Milliards de F CFA, véritable Acte 1 dans la lutte contre les effets néfastes du Covid-19 sur l’économie, il vient de les renforcer, en annonçant ce 3 avril 2020, le Programme de Résilience Economique et Sociale décliné en 4 axes, avec, en toile de fond, un Comité ouvert de pilotage qui supervisera les conditions d’inclusion et de transparence du FORCE-COVID-19.

Tout en nous réjouissant des mesures fortes annoncées, nous nous exerçons ici à vous exposer lesdits axes, puis à vous donner nos appréciations en rapport.

-       1er axe : Soutenir le secteur de la santé pour 64,4 milliards afin de couvrir toutes les dépenses liées à la riposte contre la pandémie.

Appréciations : Nous pensons, qu’en dehors des acquisitions de matériels liés aux tests, dépistages et à l’hospitalisation des malades touchés par le Covid-19 au Sénégal, y compris les médicaments (chloroquine ? …), les agents de santé dédiés en premier chef à cette lutte, seront indemnisés proportionnellement aux sacrifices inestimables qu’ils sont en train de faire.

Nous souhaitons que toutes les rémunérations permanentes, y compris les heures supplémentaires, ainsi que les éventuelles indemnités de sujétions payées au cours de cette crise sanitaire soient exonérées de tous impôts et taxes. Cela, durant toute la période de gestion de la crise.

Ce serait notre manière, à nous, d’applaudir ces braves hommes et femmes.

-       2ème axe : Renforcer la résilience sociale des populations avec la prise en charge de :

 

a) 15,5 milliards pour payer les factures d’électricité des ménages abonnés de la tranche sociale pour un bimestre, soit environ 975 522 foyers ;

b) 3 milliards pour les factures d’eau de 670 000 ménages abonnés de la tranche sociale, pour un bimestre ;

c) 69 milliards pour l’achat de vivres au bénéfice d’un million de ménages éligibles ;

d) 12,5 milliards pour aider la diaspora.

 

Appréciations : Nous estimons que cet effort du Gouvernement devrait s’étendre aussi aux ménages abonnés de la deuxième tranche. En effet la cherté de la facture d’électricité (suite à l’augmentation effectuée par la SENELEC depuis le 1er décembre 2019, qui a fortement touché uniquement les ménages hors tranche sociale, soit +10% de hausse) concerne tout le monde en cette période difficile.  Qui plus est, la limite entre la 1ère tranche dite sociale et la suivante peut être très ténue pour certains ménages que l’on peut qualifier d’«intermédiaires».

Enfin, nous demanderons que cet effort social soit renouvelé si (nous ne le souhaitons pas) la crise dure plus qu’un bimestre (mars-avril 2020 ?).

Cette appréciation est plus ou moins valable pour ce qui est annoncé sur la prise en charge des factures d’eau.

-       3ème axe : Mettre en place un programme d’injection de liquidités, assorti de mesures fiscales et douanières afin de soutenir le secteur privé et maintenir les emplois :

 

a) 302 milliards seront consacrés au paiement des montants dus aux fournisseurs de l’Etat, étant entendu que les règles et priorités seront publiées.

Toutefois les entreprises concernées devront s’engager à maintenir les salaires ;

b) 100 milliards pour appuyer les secteurs les plus touchés, notamment les transports, l’hôtellerie mais aussi l’agriculture ;

c) 200 milliards pour la mise en place d’un mécanisme de financement accessible aux entreprises affectées, selon une procédure allégée ;

d) procéder au remboursement des crédits de TVA dans des délais raccourcis ;

e) accorder des remises et suspensions d’impôts (et de cotisations sociales au vu du discours) aux entreprises qui s’engagent à maintenir leurs travailleurs en activité pour la durée de la crise, ou à payer plus de 70% du salaire des employés mis en chômage technique pendant cette période. Cela concerne les retenues opérées sur les salaires et les cotisations sociales que les entreprises du secteur privé versent à la Caisse de Sécurité Sociale (CSS) et à l’Institution de Prévoyance Retraite du Sénégal. L’administration fixera les engagements de l’Etat à ce niveau, de même que la responsabilité des entreprises ;

f) un différé de paiement des impôts et taxes jusqu’au 15 juillet 2020 pour les PME dont le chiffre d’affaires est inférieur ou égal à 100 millions, ainsi que les entreprises évoluant dans les secteurs les plus impactés par le Covid-19 (tourisme, restauration, l’hôtellerie, transport, éducation, culture et presse …) ;

g) prolongation du délai de paiement de la TVA suspendue de 12 à 24 mois ;

h) remise partielle de la dette fiscale constatée au 31 décembre 2019, due par les entreprises et les particuliers, pour un montant global de 200 milliards ;

i) suspension du recouvrement de la dette fiscale et douanière des entreprises les plus affectées par le Covid-19, en contrepartie, ces dernières devront s’engager à maintenir les salaires de leurs employés ou à payer plus de 70% du salaire des employés mis en chômage technique ;

j) admission en déduction au titre de charges fiscales les dons versés par les entreprises et personnes physiques au titre du FORCE-COVID-19.

NB : Au titre de mesures que l’on pourrait appeler « matelas financier de réserve », l’Etat a fort justement décidé de revoir le budget (2020) par des coupes sur les dépenses de fonctionnement et d’investissement reportés afin d’économiser 159 milliards, outre 178 milliards qui seront sécurisés pour couvrir partiellement des pertes de recettes budgétaires induites par la crise.

Nos commentaires ici s’articuleront autour de 3 points, après les acquis très appréciés sur la déductibilité fiscale des dons et les autres mesures rappelées ci-dessus:

1)      En matière fiscale :

1.1-. Il est vrai que la décision de rembourser les crédits de TVA dans des délais raccourcis aidera beaucoup d’entreprises en terme de trésorerie. Toutefois nous continuons à penser que cela devrait s’accompagner d’un remboursement automatique pour au moins les entreprises qui déclarent régulièrement à la TVA et/ou celles qui sont structurellement en crédit de TVA et connues des services des impôts.

 

De même, nous continuons à penser que le remboursement par chèque du Trésor en lieu et place des certificats de détaxe contribuerait plus à atteindre l’objectif visé de renflouement de trésorerie recherché à travers cet axe 3 du Programme (voir notre post d’il y a une semaine sur les remises fiscales de 200 milliards).

 

1.2-. Selon la mesure rappelée au e) ci-dessus, toutes les entreprises pourraient bénéficier de remises ou de suspension d’impôts retenus sur les salaires payés, principalement l’Impôt sur le Revenu (IR) et la Taxe Représentative de l’Impôt du Minimum Fiscal(TRIMF) et, de cotisations à verser à la CSS et à l’IPRES. La seule condition serait l’engagement pour l’entreprise de maintenir les travailleurs en activité pour la durée de la crise ou, à payer plus de 70% du salaire des employés mis en chômage technique pendant cette période.

 

Si cette interprétation est confirmée, en espérant que la crise soit de courte durée, il faudrait aussi penser aux entreprises qui sont ou seront dans l’impossibilité de garder tout ou partie de leur personnel durant la pandémie,compte tenu de la nature même de leurs activités. Elles auront également besoin de cashpour faire face aux droits dus aux travailleurs.

 

La remarque est valable pour le point i) ci-dessus (suspension du recouvrement de la dette fiscale et douanière). Dans certains cas, le chômage technique quoique envisagé de bonne foi par des entreprises sera tout simplement impossible.

 

1.3 A part les entreprises des secteurs les plus impactés, seules les PME dont le chiffre d’affaires est inférieur ou égal à 100 millions bénéficieront d’un différé de paiement des impôts et taxes jusqu’au 15 juillet 2020.

 

Nous estimons que ce seuil est un peu limite et souhaiterions que la mesure soit reconsidérée,afin de viser aussi toutes les autres entreprisesdont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 250 millions. En effet le seuil de 100 millions ne peut concerner que les Très Petites Entreprises (TPE) selon les définitions données dans ce cadre par la récente loi d’orientation n°2020-02 du 07 janvier 2020 relative aux PME. Or, les PME constituent l’essentiel du tissu économique du Sénégal.

 

D’après la loi d’orientation précitée, les Petites Entreprises (PE) sont celles qui ont, entre autres un chiffre d’affaires compris entre plus de 100 millions et 500 millions, tandis que la définition d’une Moyenne Entreprise (ME) inclut celles qui ont un chiffre d’affaires annuel supérieur à 500 millions sans dépasser2 milliards.

 

Par conséquent, la mesure annoncée ne concernerait pas les PME au sens de la loi en vigueur. Seules les TPE seraient alors bénéficiaires du différé d’impôts et taxes jusqu’au 15 juillet 2020.

2)      Sous l’angle droit du travail :

Les effets de la pandémie ont commencé à impacter l’économie nationale bien avant le 03 avril dernier. Même si nous militons pour le maintien de tous les emplois, certaines entreprises qui ont besoin de cet accompagnement de l’Etat seront dans l’impossibilité de garder tout ou partie de leurs emplois par manque d’activité.

Il faudrait donc assouplir cet engagement de maintien des travailleurs ou de chômage technique. Pour les emplois qui ne peuvent être maintenus, ne serait-il pas mieux pour l’Etat de s’assurer que les ruptures inévitables de contrats se fassent sous la supervision de l’Inspection du Travail, en respectant les dispositions de l’article L.64 du Code du Travail (protocole amiable de départ négocié), avec priorité d’embauche des travailleurs concernés dès la fin de la crise et « retour à meilleure fortune » ?

A défaut, s’assurer que ces entreprises suivent scrupuleusement les dispositions du Code du Travail,en respectant la procédure de licenciement pour motif économique, avec paiement de la totalité des droits dus aux travailleurs (L.60 et suivants du Code du Travail). Il est à noter que cette procédure prend déjà en compte une priorité d’embauche de 2 ans).

3)      Au regard du droit des obligations :

L’Etat promet de payer 302 milliards à ses fournisseurs si ces derniers s’engagent à maintenir les salaires.

Nous rappelons ici que les contrats régulièrement conclus créent entre les parties un lien irrévocable. Que l’on soit en matière de marchés de gré à gré, ou de contrats soumis au code des marchés publics ou autres, les sommes dues aux fournisseurs de l’Etat, même en cas de crise sanitaire et surtout en période de Covid-19, devraient leur être payées rapidement, sans conditionnalités autres que celles déjà prévues par les contrats signés.

Par conséquent, au même titre que le crédit de TVA pour le remboursement duquel le Président a décidé de raccourcirles délais, le remboursement de ces sommes dues devrait être traité pareillement.

-       4ème axe : Assurer l’approvisionnement régulier du pays en hydrocarbures, produits médicaux, pharmaceutiques et denrées de première nécessité, avec une veille particulière contre toute pénurie artificielle et hausse indue des prix.

Il s’agit là d’un axe très important à combineravec , entre autres, la mesure sur les 69 Milliards dédiés à la sécurité alimentaire.

En effet, les autorités ont bien fait d’insister sur la gestion par anticipation des deux phases essentielles de cette pandémie : une crise sanitaire durant laquelle les mesures de santé publique s’imposent, quitte à prendre une loi d’habilitation, mais aussi une crise économique et sociale à gérer.

Toutefois, il est constant que le Sénégal consomme beaucoup de produits d’origine étrangère, surtout hors CEDEAO. C’est donc le lieu de prévoir aussi une éventuelle pénurie dans les approvisionnements car en cette période de Covid-19, chaque pays ou territoire se replie sur lui-même et songe à gérer ses propres approvisionnements (même des masques achetés en chine sont querellés entre puissances militaires et économiques !).

Il faudrait donc penser tout de suite à des produits de substitution et, comme l’a précisé le Président, à renforcer le « consommer sénégalais », à rouvrir les entreprises qui ont fermé (médicaments ou produits alimentaires) et qui pourront rapidement aider à transformer nos produits locaux.

A ce niveau, nous restons confiants, au vu de toutes ces inventions qui sont mises en exergue actuellement (projet de fabrication locale de respirateurs, de gel alcoolisé …).

Prenez soin de vous.

Respectons scrupuleusement les règles édictées par les autorités.


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