Marianne Bathily, administratrice EXP : L’élevage domestique est un rempart au chômage et un bon moyen d’accéder à l’autosuffisance en moutons

Souriante et de nature très enthousiaste, l'administratrice de l'agence EXP, Marianne Bathily, s'est prêtée à l'exercice de questions-réponses de Seneweb. 

Sénégalaise de mère française, cette spécialiste du marketing-terrain s'est frayée son chemin dans l'univers de la mise en valeur des marques, depuis son retour au pays il y'a vingt (20) ans. Promotrice de l’émission Kharbii qui tient sa sixième édition cette année, elle dresse un bilan à mi parcours de cette émission qui cristallise les passions depuis 2009.

Comment est née l’idée d’organiser une émission autour du mouton ?

Nous sommes dans la préparation de la sixième édition de ce concours qui, je dois l’avouer, a commencé plutôt comme une boutade, un clin d’œil à la passion de tous les Sénégalais pour le mouton domestique, le mouton de case. Il s’agissait tout bêtement de mettre en avant cet amour et de donner l’opportunité à l’ensemble des Sénégalais de pouvoir compétir sur une arène publique pour l’élection du plus beau mouton.

 C’est vrai que sur les cinq (5) dernières éditions, on est passé très rapidement, même au cours de la première édition, d’un jeu à un concours sérieux, avec des critères de plus en plus exigeants, de plus en plus clairs, pour l’élection des meilleurs moutons géniteurs de la race Ladoum au Sénégal. C’est un concours qui a un grand cachet, on le sent, tous les ans il est attendu.  Les éleveurs préparent leur futur champion pour le concours Kharbii et c’est un concours qui est suivi non seulement au Sénégal mais aussi par toute la diaspora à qui ça rappelle l’humeur du pays mais aussi par tous les éleveurs des pays limitrophes. On est suivi au Mali, en Gambie, mais aussi en Guinée. Je pense que c’est une spécificité sénégalaise dont on peut être fier.

Seneweb : Donc vous voulez dire que depuis le début de l’émission en 2009, il y a une évolution positive sur l’élevage au Sénégal ?

Je pense qu’en effet, il y a un impact sur l’élevage du mouton et sur l’élevage en général, grâce à la collaboration très active que nous avons avec notre ministère de tutelle. J’en profite pour adresser un salut respectueux et amical à Son Excellence, Madame le ministre et à l’ensemble des membres de son ministère qui nous suivent même au niveau décentralisé dans les régions, qui nous aident au niveau des jurys, au niveau de l’organisation, du suivi et qui montrent leur intérêt pour cette émission depuis la première édition.

Oui, il y a eu une évolution. Ce serait bien que vous alliez poser directement la question aux éleveurs. Je pense que pour les grands éleveurs de Ladoum, le fait d’avoir de l’intérêt au niveau du public général, cela leur a permis d’accroître la valeur dans la filière. C'est-à-dire les valeurs des saillies ont augmenté, la valeur des animaux sur pied a augmenté, des agneaux, des béliers. Le montant des transactions autour des moutons Ladoum a explosé je dirais. Vraiment, pour venir souligner la valeur du travail qui a été effectué pendant de nombreuses années.

« Parce qu’encore une fois, ce n’est pas pendant ces cinq (5) dernières années qu’il y a eu une augmentation, non ! C’est depuis des dizaines d’années que l’élevage du mouton existe au Sénégal mais il n’avait pas été malheureusement valorisé. Nous sommes venus marketer la valeur du mouton sénégalais et avons constaté une valeur qui avait été déjà atteinte.

Maintenant, notre prochain combat et c’est un combat, je viens par la présente soutenir les efforts de Madame le ministre, c’est de dire l’élevage du mouton au Sénégal a deux grands axes : il y a l’axe domestique, c’est-à-dire que le mouton c’est notre chien, c’est un animal de compagnie. C’est un animal dont on note la présence même dans les quartiers les plus huppés en ville. Nous elevons des moutons pour la beauté de l’animal, pour l'avoir chez soi, parce que c’est un animal protecteur, parce que c’est un animal sacré.

 Le deuxième axe c’est que le mouton est également un animal rituel, nous sommes un pays à 95-98 % musulman, nous avons une fête récurrente qui vient tous les ans, c’est la Tabaski et dans cette fête, l’objectif du gouvernement sénégalais et même du Président Macky Sall, c’est « Une famille, Un mouton ». 

 Nous, ce que nous disons à travers Kharbii, c’est de dire Oui, nous demandons aux sénégalais de continuer à élever des moutons pour la Tabaski. Si on élève son propre mouton, c’est autant de frais limités au moment de la fête.

 Maintenant, je parle aussi en ce moment aux jeunes Sénégalais qui sont durement frappés par le chômage, c’est de dire, une des retombées que vous pouvez chercher, un des jobs que vous pouvez faire, c’est élever des moutons pour la Tabaski. Voici un marché actif, vous savez que vous allez avoir des millions de sénégalais qui vont chercher un mouton.

 Pourquoi aller faire la richesse de nos voisins mêmes si on les aime beaucoup, chacun doit être d’abord, un supporter de son propre pays, avant d’aller renforcer et enrichir les pays limitrophes. Je veux dire pourquoi aller acheter du mouton malien, gambien, guinéen ou du mouton mauritanien quand on peut acheter du mouton sénégalais ? Moi je dis aux jeunes, comme je leur dis tous les ans, voilà votre challenge.

« Si des jeunes sénégalais veulent se mettre à élever des moutons, se lancer dans l’élevage, de manière à ce que demain, ils puissent être les principaux pourvoyeurs de moutons de Tabaski, moi je dis Alhamdoulillah. Cela voudra dire qu’on a ensemble relevé un grand challenge et on va, au lieu de verser tous ces milliards aux pays limitrophes, reverser tous ces milliards du Sénégal dans les poches des Sénégalais. C’est ça notre objectif.

Marianne Bathily, l’autosuffisance étant un grand objectif, ne pensez-vous pas que l’on pourrait songer à organiser plusieurs compétitions de Kharbii dans l’année ?

Bon alors, plusieurs compétitions de Kharbii, je ne pense pas, parce que le sens d’un gagnant par an, c’est fort. Une émission qui consacre le mouton, le plus beau dans l’année, ça fait du sens. D’autant plus, il faut le noter, toutes les associations d’éleveurs au niveau national ont une foire régionale que nous appuyons. C’est à dire que nous appuyons des éleveurs de Saint-Louis, de Mbour, de Kaolack, mais aussi le "SALADAM" (Salon international de l'élevage, n.d.r.).

 Donc les associations des éleveurs basés ici à Dakar, on les appuie lors de l’organisation de leur foire à eux, dans lesquelles il y a  toutes sortes de concours qui sont d’ailleurs plus larges que Kharbii, puisqu’ils ne concernent pas seulement les mâles. Il y a des concours de mâles, de femelles et d’agneaux. Trop de concours finalement au bout d’un moment il y a une cacophonie et ça ne fait pas de sens. Alors on restera toujours sur un concours Kharbii.

 Ce que je dis aussi c’est que c'est un petit peu un concours qui vient en fin d’année, qui vient couronner tout le travail accompli au cours de l’année. Nous avons des sponsors qui nous accompagnent depuis des années. J’en profite pour les remercier que ce soit la NMA Sanders pour le côté aliments d’animaux, que ce soit la Sofiex qui nous suit pour le concours de cuisine liée au mouton.

 Ce qu’il y a, c’est que je pense que le mouton doit être effectivement une préoccupation annuelle. Ça l’est d’ailleurs, car quand on est dans l’élevage, c’est une activité de tous les jours où on doit faire attention à ses animaux. Maintenant, pendant trois (3) mois, on donne à l’élevage du mouton une place prioritaire, parce que Kharbii est partout, sur le net, à la télévision. Un clin d’œil d’ailleurs à notre partenaire diffuseur, la 2Stv qui est toujours présente à nos côtés. Merci beaucoup à mon tonton El Hadji Ndiaye et à toute son équipe grâce à qui cette émission a pu prendre autant d’ampleur. Kharbii est une des plus grosses émissions produites au Sénégal et diffusée depuis cinq (5) ans.

 Alors pendant trois (3) mois, Kharbii est sur toutes les lèvres et profite de l’engouement particulier que crée la fête de Tabaski autour du mouton au Sénégal. Le mouton doit être une préoccupation au quotidien. C’est un réel débouché économique pour la jeunesse, parce que le mouton se mange à la Tabaski mais aussi tout au long de l’année, dans les dibiteries, les hôtels.  Il y a effectivement de la place pour de l’élevage de mouton amélioré ou de moutons Peul-Peul traditionnels qui courent dans la brousse, chacun peut trouver sa place.

 Maintenant, ce que je dis aux jeunes, c’est Ouvrez les yeux, voyez les opportunités là où elles sont. Aujourd’hui, le retour à la terre c’est vraiment quelque chose que l’on doit promouvoir au Sénégal, avec l’aide des différents ministère de tutelle, que ce soit pour aller faire de la culture, que ce soit pour faire de l’élevage, que ce soit même pour faire de la pêche ou des activités halieutiques. La jeunesse doit cesser de toujours regarder vers les bureaux, vers les services, et se tourner vers l’avenir. L'avenir est dans l’auto-emploi.

 Nous avons des millions de jeunes qui sont là et qui se cherchent, moi je leur dis, regardez vers la campagne, parce qu’il y a là-bas des opportunités de vivre et de bien vivre et de développer des pays. Voilà, donc je dis bonne chance à tous et j’espère encore fois pour cette édition, rencontrer des jeunes éleveurs, des jeunes stars de l’élevage de Ladoum au Sénégal, ainsi que des anciens, parce que c’est dans la confrontation des savoir-faire des jeunes et des vieux que l’on peut avoir de nouvelles idées, de nouveaux challenges qui vont être relevés.