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Enfants d’espions : quand la réalité dépasse la fiction

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La Lubianka, à Moscou, ancien siège des services de renseignements d'URSS, le KGB, aujourd'hui siège des renseignements intérieurs (FSB).

Tim et Alex sont des adolescents comme les autres. Nés au Canada, ils vivent aux Etats-Unis et ont grandi dans la maison familiale de Cambridge, dans le Massachussets, entourés de leurs parents, Donald Heathfield et Tracey Foley. Tim a 20 ans, il est étudiant à l'université George-Washington, dans la capitale du même nom. Alex a 16 ans et vit toujours chez ses parents. Un beau soir de 2010, le FBI débarque dans leur maison, arrête les parents, saisit les ordinateurs et la console de jeux, ainsi que toutes les photos de famille et documents que renferme leur maison. Les deux garçons croient d'abord à une erreur.

Alex, âgé aujourd'hui de 21 ans, étudie désormais en Europe. Son frère travaille dans la finance en Asie. Le Guardian a pu rencontrer le cadet à Moscou et s'entretenir sur Skype avec Tim ; ils livrent leurs premières déclarations depuis l'arrestation de leurs parents, il y a près de six ans.

Ce fameux soir de 2010, les deux adolescents découvrent un scénario digne des meilleurs films d'espionnage, que détaille le Guardian, dans son édition du 7 mai : leurs parents sont des agents russes, formés par le KGB pendant la guerre froide et mis à la disposition des services secrets étrangers (SVR) après la chute de l'URSS. De leurs vrais noms Andrei Bezrukov et Elena Vavilova, ils ont récupéré l'identité de deux enfants canadiens morts en bas âge. Le couple a été formé dans un programme spécial du KGB en Russie, puis s'est installé dans les années 1980 à Toronto, où sont nés les deux garçons.

Consultant et agente immobilière 

Petit à petit, la fausse vie de ces agents secrets appelés les "illégaux" par les services russes a pris chair, leur histoire devant être la plus réaliste possible. Le Guardian rappelle d'ailleurs que, si de nombreuses agences de renseignement envoient des agents sans couverture diplomatique à l'étranger, les Soviétiques sont les seuls à avoir formé des Russes à se faire passer pour des Occidentaux.

Andrei Bezrukov, déjà diplômé d'une université soviétique, s'inscrit à Harvard et y poursuit des études pour crédibiliser sa couverture canadienne. La famille s'installe à Boston, où le père devient consultant dans une grande entreprise. D'après les informations du Guardian, cette couverture lui permettait d'accéder au milieu des affaires et éventuellement d'y collecter des informations, même si le FBI n'a pas confirmé que Donald/Andrei avait eu accès à des documents sensibles. D'abord mère au foyer, Elena/Tracey a repris une activité d'agent immobilier.

En 2010, les deux agents sont arrêtés, ainsi que huit autres espions russes, dans une opération du FBI appelée "Ghost Stories". Les membres du réseau ont été trahis par un Russe passé du côté américain, mais le FBI connaissait l'identité du couple Heathfield-Foley depuis des années, alors même que leurs propres enfants l'ignoraient.

Agents deuxième génération

Car le scénario hollywoodien ne s'arrête pas à l'épisode spectaculaire de l'irruption du FBI dans la maison. Leurs parents en prison, les deux fils sont envoyés à Moscou, où des inconnus les accueillent et leur font visiter la ville, leur présentent des "cousins" et "une grand-mère" dont ils n'ont jamais entendu parler. A la faveur d'un échange d'espions digne des pratiques de la guerre froide (ou d'un bon film de Spielberg), les parents seront ensuite remis aux autorités russes, et reprendront une vie civile dans leur pays d'origine.

En 2012, une enquête du Wall Street Journal révélait que le programme des "illégaux" prévoyait aussi de former des agents russes parmi des immigrants de deuxième génération, soit les enfants des espions eux-mêmes. Et selon le quotidien, de tous les enfants de couples arrêtés en 2010, Tim Foley aurait été le mieux préparé à une carrière d'espion.

D'après le Wall Street Journal, qui cite des sources "officielles", Tim connaissait la véritable identité de ses parents bien avant leur arrestation, et aurait accepté de se rendre en Russie pour être formé au métier d'espion. Une version que l'intéressé dénonce aujourd'hui auprès du Guardian comme une affabulation. "Pourquoi un enfant qui a grandi en se pensant canadien prendrait le risque de passer le restant de ses jours en prison pour un pays où il n'est jamais allé, avec lequel il n'a aucun lien ?" demande-t-il.

Bataille juridique

Pourquoi les fils de la famille ont-ils choisi de parler, après avoir soigneusement évité les médias pendant six ans ? Le Guardian rapporte que les deux garçons sont en plein bras de fer avec les autorités canadiennes, qui veulent leur retirer la nationalité, faisant d'eux des citoyens russes uniquement. "Au début, ils ne souhaitaient parler que de leur bataille juridique au Canada, explique l'auteur de l'enquête. Mais petit à petit, ils se sont ouverts, et ont répondu à toutes mes questions sur leur extraordinaire histoire."

La bataille juridique des deux garçons n'est pas une simple affaire de principe. Alex s'est vu annuler un visa canadien alors qu'il avait été admis à l'université de Toronto. Plusieurs demandes de visas pour l'Angleterre ou la France lui ont été refusées, l'empêchant un temps de poursuivre ses études.

De plus, les deux garçons parlent mal russe et ne se sentent pas chez eux à Moscou. "J'ai l'impression que l'on m'a privé de ma propre identité pour me donner à la place quelque chose dont je n'ai que faire", confie Alex au Guardian. Lors de son audience au tribunal de Toronto, Tim a déclaré : "J'ai cru pendant vingt ans que j'étais canadien, je me sens toujours canadien […]. Je n'ai aucune attache en Russie."

Scénario de "The Americans"

L'histoire de Tim et Alex rappellera des souvenirs aux fans de la série The Americans, qui raconte la vie d'espions du KGB installés aux Etats-Unis avec leurs enfants. C'est normal : leur histoire a en partie inspiré le scénario, comme l'explique le créateur de la série au Guardian. Les deux garçons ont d'ailleurs regardé la série, et se disent entre eux, en riant, qu'ils pourraient poursuivre en justice les créateurs, pour obtenir des droits d'auteur.

Le créateur de la série, Joe Weisberg, formé à la CIA, explique au Guardian qu'il s'intéressait particulièrement aux situations où des parents mentent à leurs enfants pendant des années. Une intrigue palpitante à l'écran, beaucoup plus pénible dans la vraie vie, même si, selon le Guardian, les fils Foley n'en veulent pas à leurs parents. "Je voudrais que l'on cesse de me punir pour des décisions qui ne sont pas les miennes", dit Alex au Guardian.



1 Commentaires

  1. Auteur

    Anonymepatali

    En Mai, 2016 (06:31 AM)
    Les blancs nous dépasseront toujours  :emoshoot: 
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