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Disparition et réapparition de Kim Jong-un: retour sur un emballement médiatique

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Disparition et réapparition de Kim Jong-un: retour sur un emballement médiatique
Des médias internationaux disaient Kim Jong-un mort, en grave danger ou plus prosaïquement à la plage. Suite à son absence remarquée lors d’un événement majeur célébrant l’anniversaire de son défunt grand-père et fondateur de la nation Kim Il-sung, le 15 avril, la machine à rumeurs s’est de nouveau emballée autour de l’état de santé du « cher leader ». Comme les fois précédentes, la disparition temporaire du dirigeant nord-coréen a donné lieu à des spéculations s’appuyant sur une poignée de sources anonymes pour in fine accentuer le flou autour d’un des pays les plus secrets du monde.

La mine joviale et visiblement en pleine possession de ses moyens, Kim Jong-un est finalement réapparu, après 20 jours sans activités publiques, pour participer à l’inauguration d’une usine d’engrais le 1er mai dernier. Si le mystère de son absence n’a pas été élucidé, de nombreux experts aguerris s’attendaient à ce type de dénouement.

Depuis son accession au pouvoir en 2011, ce n’est pas la première fois que Kim se tient éloigné de la vie publique sans que Pyongyang ne daigne livrer la moindre explication. Il avait disparu des radars pendant plus d’un mois en 2014 avant de refaire surface, appuyé sur une béquille à la suite d’une opération de la cheville, et plus tôt dans l’année, on ne l’a plus vu pendant trois semaines. En parallèle, les rumeurs sur un sérieux problème de santé ou une crise politique interne enflent immanquablement.

Pour Daniel Pinkston, spécialiste de la Corée du Nord à l’International Crisis Group, « Kim Jong-un a peut-être eu un problème de santé ou subit une opération, mais si les choses avaient été aussi graves que certaines sources l'ont spéculé, nous aurions vu beaucoup plus d'activités au Nord. Il est important de noter que les sources officielles du renseignement sud-coréen ont systématiquement minimisé les dangers. » Face aux spéculations, le service national de renseignement (NIS) de la Corée du Sud a constamment démenti toutes les assertions quant à une maladie cardiaque ou une opération chirurgicale, affirmant que Kim gérait les affaires du régime de manière habituelle et se serait simplement concentré sur les affaires locales et l'impact de l'épidémie de nouveau coronavirus.

Emballement médiatique

La curiosité du public envers le « royaume ermite », objet de craintes et de fantasmes, ainsi que la course aux clics intrinsèquement liée au modèle économique de certains médias ont rendu délicate l’obtention de données fiables en provenance d’un pays hermétiquement fermé à l’information.

Le site sud-coréen Daily NK ne citait qu’une seule source anonyme à Pyongyang lorsqu’il a annoncé que Kim Jong-un était passé sur le billard pour une opération cardiaque. TMZ, un site people américain, s’est quant à lui appuyé sur des médias chinois et japonais pour rapporter sa mort, sans confirmer l’information. Les confidences d’un haut fonctionnaire américain, sous couvert d’anonymat, ont également fait dire à la chaîne américaine CNN que le leader du Nord « pourrait courir un grave danger après une intervention chirurgicale ».

L’impact des technologies de la communication et de l’information a exacerbé l’hystérie médiatique, estime Daniel Pinkston. « Une source unique, aussi peu vérifiée soit-elle, peut être partagée et récupérée par des sources d'information formelles et informelles à travers le monde à une vitesse fulgurante. Et lorsque les canaux officiels sont limités ou silencieux sur une question, il n'y a rien pour contrer les rumeurs. En Corée du Nord, il y a moins de sources d'information que pratiquement partout ailleurs sur la planète, avec une pénétration limitée d'Internet ou des smartphones, sans parler de la liberté de mouvement », explique-t-il.

Lorsque Kim Jong-il, le père de l’actuel dirigeant, est décédé en 2011, aucune agence de renseignement extérieure n’en avait été informée avant l'annonce de la nouvelle deux jours plus tard par la Télévision centrale nord-coréenne (KCTV).

La Corée du Nord dispose encore aujourd’hui d’un pouvoir quasi-total de manipulation et de contrôle du flux d'informations pour ne pas que ce type de secret lui échappe. Ainsi, le régime peut construire et maintenir un récit qui vante le régime de la famille Kim depuis trois générations pour justifier son emprise sur le pouvoir. Brendan Howe, professeur au département d’études internationales de l’université féminine Ewha, à Séoul, souligne que « les dictatures sont particulièrement vulnérables lors des transferts de pouvoir. Si un groupe a pour ambition de contester le régime, c'est le bon moment pour le faire. Pour le successeur, lui et ses partisans doivent s'assurer qu'ils ont bien pris les rênes, donc pour eux, garder le secret pendant une courte période jusqu'à ce qu'ils soient sûrs de pouvoir rendre publiques ces informations est rationnel. Pour le leader, il faut également minimiser ou dissimuler tout problème de santé, car cela peut être perçu comme une faiblesse potentiellement exploitable. »

Au Sud, les voix de deux personnalités politiques affirmant que Kim Jong-un était soit mort soit gravement malade se sont distinguées au milieu du torrent de rumeurs. Et pour cause, il s’agissait de deux transfuges nord-coréens devenus députés au Sud lors des dernières élections générales. « La clé est qu'ils sont tous les deux des transfuges qui représentent les partis d'opposition de la coalition conservatrice. Les défecteurs sont souvent extrêmement critiques vis-à-vis des régimes qu'ils quittent. Mais peut-être plus important encore, en tant que nouveaux arrivants dans ces partis, très opposés au rapprochement intercoréen que tente de mettre en œuvre le gouvernement actuel, cela aurait pu être un moyen pour eux de faire sensation en démontrant qu'ils en savent plus sur ce qui se passe au Nord que la présidence sud-coréenne », analyse Brendan Howe. Sous le feu de vives critiques, les deux transfuges élus députés ont depuis présenté des excuses publiques pour leurs déclarations sur la santé de Kim Jong-un.

Sur la toile, de nouvelles rumeurs circulent. Dernière en date, et non des moindres  : le leader nord-coréen serait bien mort et a été remplacé par un sosie lors de sa dernière apparition publique le 1er mai, assure, photos à l’appui, une ancienne députée britannique. L’hystérie dont fait l'objet la seule dynastie communiste au monde n'est donc pas prête de se calmer. 


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