Longtemps, Salman a dû ronger son frein. Vingt-sixième fils d'Abdel Aziz Al-Saoud, il avait vu ses frères plus âgés prendre position dans les grands conflits du début des années 1960 : le départ des « princes rouges » au Caire, en 1962, puis la fronde contre le premier héritier du fondateur du royaume saoudien, Saud, deux ans plus tard.
Placé dès 1954 au poste stratégique de gouverneur de la province de Riyad, qui allait sous son égide prendre progressivement le pas sur Jeddah jusqu'à devenir une énorme métropole horizontale en plein désert, il ne pouvait cependant qu'être un brillant second au sein du puissant clan des Soudeyris, frères de la sixième épouse du roi.
Ce rôle, renforcé par ses bonnes relations avec les principales branches de la famille royale et une science des ramifications complexes des tribus saoudiennes, en avait fait un médiateur, notamment entre ses autres frères et Abdallah. Ce dernier s'était imposé en bâtissant une Garde nationale responsable des centres vitaux du royaume que l'aîné des Soudeyris, Fahd, aurait voulu confier à Salman justement, selon le spécialiste de l'Arabie saoudite Joseph Kechichian, en échange du titre de prince héritier pour Abdallah. Il n'en avait rien été.
« LA CONTINUITÉ QU'IL INCARNE »
Devenu roi, ce dernier avait trois décennies plus tard promu Salman à la tête du Conseil d'allégeance mis sur pied pour harmoniser les positions au sein des différentes branches de la famille royale dans la perspective de successions de plus en plus délicates, compte tenu du vieillissement de la première génération des successeurs d'Abdel Aziz.
Mais la différence d'âge qui lui avait été défavorable il y a un demi-siècle a fini par se transformer en atout. Les disparitions successives de Sultan, deuxième Soudeyris, puis de Nayef, quatrième, inamovibles ministres de la défense et de l'intérieur, les autres piliers de la dynastie avec la Garde, lui ont ouvert la voie.
Devenu ministre de la défense et héritier en second puis dauphin, il accède logiquement au pouvoir aujourd'hui à un âge inférieur à celui d'Abdallah en 2005, mais avec une santé cependant plus chancelante (deux de ses fils sont morts prématurément de maladie). Considéré comme proche de l'allié américain, il n'est pas particulièrement réputé pour son réformisme.
Comme le note Simon Henderson, grand spécialiste de la monarchie saoudienne au Washington Institute for Near East Policy, « la principale force de Salman réside dans la continuité qu'il incarne », qui va permettre à la monarchie saoudienne de passer l'épreuve en se rapprochant de l'échéance délicate que constituera le passage à la deuxième génération des fils d'Abdel Aziz.
RAPPORTS DE FORCE INTERNES
Abdallah avait préparé le terrain en nommant son demi-frère Muqrin, en dépit des origines yéménites de la mère de ce dernier, au poste de vice-prince héritier. Salman n'aura probablement d'autre choix que de le promouvoir au poste de dauphin qu'il occupait jusqu'au 22 janvier. Le choix pour diriger le ministère de la défense, en revanche, est plus ouvert et témoignera des rapports de forces internes.
Relativement jeune au regard des canons royaux saoudiens (il est né en 1945), Muqrin, 35e fils du fondateur du royaume devra trouver un équilibre entre les fratries qui ont bénéficié de l'effacement de certaines branches autrefois prometteuses, comme celle des Fayçal, et de certaines lignées des Soudeyris, celle de Fahd ou plus récemment celle de Sultan.
Les fils de Nayef, Mohammed et Saud, sont aujourd'hui respectivement ministre de l'intérieur et gouverneur de la province orientale, là où sont concentrées les réserves pétrolières du pays, mais aussi sa minorité chiite, ce qui en fait un poste exposé. Le premier, qui s'est mis en évidence dans la lutte contre les djihadistes saoudiens depuis plus d'une décennie, a pour lui d'être le fils d'un frère du roi, note Simon Henderson.
Les fils les plus connus d'Abdallah, Mitab et Mishal, sont pour leur part ministre de la Garde nationale, un titre créé récemment, et gouverneur de La Mecque, un poste éminemment symbolique. En dehors des deux fils décédés prématurément, trois autres noms se sont longtemps détachés dans la famille de Salman : Abdel Aziz, formé aux Etats-Unis, Sultan, ancien astronaute et Fayçal, passé par Oxford. Mais c'est aujourd'hui Mohammed, fils de la troisième épouse de l'ancien dauphin, qui occupe les premiers rangs. Omniprésent à ses côtés, il dirigeait le Conseil de son père jusqu'à la mort d'Abdallah.
7 Commentaires
Salman Rushdie
En Janvier, 2015 (05:55 AM)Vérité
En Janvier, 2015 (08:47 AM)Watatatow
En Janvier, 2015 (11:43 AM)Fessue
En Janvier, 2015 (13:12 PM)Jedi
En Janvier, 2015 (15:12 PM)Qui l'eut cru ?
Samsam
En Janvier, 2015 (16:05 PM)Titen
En Janvier, 2015 (21:23 PM)Participer à la Discussion