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Politique

ABDOULAYE BÂ, PRÉSIDENT DE L’UNION DES MAGISTRATS DU SÉNÉGAL : «Si le président devait traiter les magistrats d’esclaves, il cesserait d’être le Président de la République, d’être l’Institution qu’il incarne»

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ABDOULAYE BÂ, PRÉSIDENT DE L’UNION DES MAGISTRATS DU SÉNÉGAL : «Si le président devait traiter les magistrats d’esclaves, il cesserait d’être le Président de la République, d’être l’Institution qu’il incarne»

«Le Président de la République n’a jamais traité les magistrats sénégalais d’esclaves. S'il l'avait fait la réaction serait immédiate et proportionnelle à l’affront subi»

«Nous prêtons à Cheikh Tidiane Diakhaté cette présomption d’impartialité»

La question de l'indépendance des magistrats, celle de leurs conditions de travail et d'exercice de leur profession, leur rôle «face à l’exigence démocratique des peuples», sont abordées par Abdoulaye Ba, président de l'Union des magistrats du Sénégal (Ums) et président du Tribunal de Louga, dans l'entretien qu'il a accordé à notre correspondant. Plaidant le changement de «certains textes qui régissent l’organisation de la Justice» pour la consolidation de l'indépendance des magistrats, M. Ba n'en rappelle pas moins que cette indépendance, «c’est une question de personne. Quand on veut être indépendant, on peut l’être, quelles que soient les difficultés». Quant à Cheikh Tidiane Diakhaté, le nouveau président du Conseil constitutionnel dont l'impartialité est mise en cause, Abdoulaye Ba souligne qu'il «a les outils dont dispose tout magistrat pour exercer normalement sa mission. Il a sa conscience, il a la loi et aussi sa foi et les textes». Quid de Wade qui a traité les magistrats d'esclaves affranchis ? Le président de l'Ums nie et prévient : «S'il l'avait fait, non seulement la réaction serait immédiate, mais elle serait proportionnelle à l’affront subi».

Me Bâ vous êtes à la tête de l’Union des magistrats du Sénégal pour un second mandat. Pouvez-vous nous dire un peu la mission principale assignée à cette structure que vous dirigez ?

Je vous remercie. La mission principale assignée à l’Union des magistrats du Sénégal, une association privée qui regroupe les magistrats sénégalais, c’est des défendre et d’illustrer l’indépendance de la justice. C’est sa première mission. La deuxième est de défendre les intérêts moraux, matériels et professionnels des magistrats sénégalais. Et la troisième mission, c’est de développer un esprit de collaboration, de solidarité et d’entraide et enfin développer toute collaboration scientifique et intellectuelle entre d’une part les magistrats sénégalais et d’autre part les autres associations de magistrats à travers le monde.

Le concept d’indépendance est un concept tantôt agité dans le milieu de la magistrature. Mais de quelle indépendance s’agit-il ? Indépendance des magistrats ou indépendance de la justice ?

C’est une question très pertinente et une question d’actualité. Nous venons d’abriter le cinquante-troisième Congrès annuel des magistrats et le thème central était les critères d’identification de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Une occasion pour l’Union des magistrats du Sénégal de poser le débat qui est agité dans tous les pays du monde. S’agit-il, comme le disait le président de la République, lorsqu’il présidait la cérémonie d’ouverture, de l’indépendance de la Justice ou de l’indépendance du magistrat, ou de l’indépendance de la magistrature ? Croyez-moi, ce n’est pas un jeu de mots. Le débat est toujours lancé et il y a réflexion à ce niveau. À mon sens, je pense que quand on parle de l’indépendance du pouvoir judiciaire ou de l’indépendance de la magistrature, il s’agit avant tout de l’indépendance du magistrat. Pour moi, l’indépendance est une question d’état d’esprit, si chaque magistrat, respectant son serment, préserve son indépendance dans son travail, on peut dire que l’ensemble fera une magistrature indépendante. Mais parler d’une magistrature indépendante globalement, ça pose un problème. Et lorsqu’on parle de l’indépendance de la justice également, il faut considérer que la justice, ce n’est pas que des magistrats, même s’ils y jouent un rôle central. La justice, ce sont les avocats, les greffiers, les notaires, les huissiers et tous les secteurs privés qui gravitent autour de la justice. Parler donc de l’Indépendance de la justice, c’est parler de tous ces organes.

Mais l’indépendance des magistrats ne signifie pas forcément l’indépendance de la justice en ce sens que les magistrats sont des hommes et la justice, ce sont des textes, qui les lient...

L’indépendance du magistrat, c’est cette capacité de l’homme à garder sa totale indépendance, son impartialité en disant le droit sans aucune influence et sans aucune interférence de qui que ce soit. Vous savez, la justice, c’est des hommes et des femmes mais aussi une organisation. Je veux dire par là que ce sont des textes. Donc il y a lieu, si on veut consolider cette indépendance des magistrats, de revoir et changer certains textes qui régissent l’organisation de la justice. Mais également de mettre les magistrats qui disent le droit dans des conditions qui leur permettent de préserver leur indépendance.

Mais les conditions des magistrats sont nettement améliorées avec le président Wade...

Oui, nous reconnaissons que le président de la République a déployé des efforts pour mettre les magistrats dans de bonnes conditions de travail. C’est salutaire, mais il reste encore à faire. Nos salaires ont été augmentés, certes, mais pas au niveau où nous l’aurions souhaité pour cadrer avec les réalités de la vie. Si vous demandez au magistrat d’exercer une mission spéciale, il faut lui donner une rémunération adaptée à cette mission spéciale. Il faut le mettre dans des conditions de pouvoir faire son travail sans avoir besoin de recourir à qui que ce soit. Si à la fin d’une audience nocturne, le magistrat doit recourir à prendre le taxi, se bousculer dans les bus ou se faire déposer par on particulier, cela précarise la fonction du magistrat. Donc aussi bien la rémunération doit être augmentée et les conditions matérielles renforcées pour le mettre à l’abri du besoin. Une fois que ces choses sont acquises, nous considérons qu’il y a lieu d’être intransigeant pour tout collègue qui serait tenté par des travers ou par des manquements. Donc il reste beaucoup de choses à faire. Nous paraissons comme une association revendicative à souhait mais ce n’est pas cela. C’est parce que c’est l’Exécutif qui détient les moyens et pour préserver les moyens de notre indépendance, nous nous adressons à l’Exécutif. Nous parlons par exemple des problèmes de parcelles. Et chaque fois, l’opinion nous prend comme très revendicatifs, préoccupés par des besoins matériels. Ce n’est pas cela. Un magistrat qui n’a pas de maison et qui doit trancher des conflits extrêmement importants, il faut le mettre à l’abri du besoin. Il n’est pas donné au magistrat de se payer une parcelle de trente millions. Mais, avec les conventions bancaires que nous signons, cela peut nous permettre d’avoir une maison, d’être autonomes et d’avoir un esprit calme et de faire le travail. C’est une requête légitime et nous demandons au chef de l’Etat de régler ces problèmes pour qu’il n’y ait plus de prétexte à certaines tentations.

Dans le cadre de l’indépendance de la magistrature, reparlons du Conseil constitutionnel et de son président Cheikh Tidiane Diakhaté qui a été nommé par le président de la République, c'est-à-dire par l’Exécutif. Comment pensez-vous qu’un magistrat nommé par l’Exécutif puisse garder son indépendance par rapport à celui qui l’a nommé ?

Cela semble paradoxal qu’un représentant d’un pouvoir soit nommé par un autre pouvoir. Cela me semble paradoxal, mais c’est une option législative sénégalaise. Nous sommes des serviteurs de la loi et nous ne pouvons que nous soumettre à la loi. Mais l’idéal aurait consisté à ce que les responsables de la justice au premier chef soient élus et ils auraient la légitimité de l’élu. Et comme vous dites, le président du Conseil constitutionnel est nommé par le président de la République, c’est une option législative mais rien n’empêche de changer pour que ce président-là soit élu par des organes. Ce serait une meilleure manière de lui attribuer une légitimité. Mais une fois qu’il est nommé, il ne peut être démis de ses fonctions avant l’expiration de son mandat. Au-delà des textes, l'indépendance, c’est une question de personne. Quand on veut être indépendant, on peut l’être quelles que soient les difficultés. Toute autorité judiciaire doit se dire toujours qu’elle rend la justice au nom du peuple sénégalais. C’est ça le gage de sa légitimité et le garant de sa crédibilité. Même si les textes ne sont pas changés, une fois nommé, on doit se dire qu’on n’a de compte à rendre qu’au peuple sénégalais. En se comportant de la sorte, il aura tout le soutien du peuple sénégalais. Cheikh Tidiane Diakhaté est un haut magistrat sénégalais. Il a eu à occuper d’importantes fonctions judiciaires. Il a les outils dont dispose tout magistrat pour exercer normalement sa mission. Il a sa conscience, il a la loi et aussi sa foi et les textes. Avec ces éléments-là, il doit pouvoir exercer sa mission comme il se doit. Nous lui prêtons cette présomption d’impartialité.

Mais est-il compréhensible que les pouvoirs Législatif et Exécutif nomment leurs présidents alors que pour la Justice, on choisit à sa place ?

C’est une anomalie, mais c’est comme ça dans beaucoup de pays du monde. Le débat est agité car que les représentants du pouvoir Judiciaire soient nommés est une anomalie. D’ailleurs, au cours de la cérémonie d’ouverture du 53e Congrès, le président de la République a parlé de l’élection d’un «Chief of Justice» qui a la légitimité de l’élu, c'est-à-dire qu’il y a un chef de la justice comme dans les autres pouvoirs. Ce qui est plus conforme à l’idéal d’une Justice totalement indépendante des autres pouvoirs. Mais ce n’est pas tout. Parce que la justice de par la Constitution est un pouvoir mais qui dépend financièrement du pouvoir Exécutif. C’est une anomalie également. Il faut y remédier.

En quoi faisant ?

En attribuant une part fixe du budget de l’Etat à la Justice. Et avec l’élection d’un «Chief of Justice», c’est une manière de renforcer l’indépendance du pouvoir Judiciaire. Là, l’enjeu est capital. Aujourd’hui, face à l’exigence démocratique des peuples et devant cela, la frilosité de la plupart des gouvernants, seule une justice forte, indépendante, diligente, prompte à enrayer les dérapages des une et des autres peut rassurer au niveau mondial. Nous magistrats sommes les gardiens des libertés et des droits, les arbitres du jeu démocratique. Ce sont des missions constitutionnelles que nous devons sauvegarder, que nous avons à exercer avec toute la responsabilité.

Mais comment comprendre le mutisme des magistrats face l'insulte du président Wade qui les a traités, lors du Congrès dont vous parler, d'esclaves affranchis qui refusent de prendre leur indépendance ?

Non ce n’est pas exact. Le président de la République n’a jamais traité les magistrats sénégalais d’esclaves. Si, et croyez-moi, par extraordinaire, il avait traité les magistrats sénégalais d’esclaves, non seulement la réaction serait immédiate, mais elle serait proportionnelle à l’affront subi. J’avais un micro ouvert et j’étais assis près du Président et je ne laisserais jamais quelqu’un offenser mes pairs, qui qu’il soit. Ce n’est pas ce qui a été dit. Le Président, au contraire, a qualifié la magistrature sénégalaise d’indépendante et bien instruite. Maintenant, dans ses développements, il a parlé des femmes, des talibés etc. Parlant d’indépendance, il a dit que celle-ci ne se donne pas, elle se prend. Ensuite, il est remonté pour se ressouvenir en son temps que lorsqu’il y avait des esclaves, certains, à qui l’on disait de partir s’ils avaient besoin de liberté, revenaient au bout de deux cents mètres. Une manière pour lui de dire que la liberté, elle ne se donne pas, elle se prend. Si le président devait traiter les magistrats d’esclaves, il ne saurait le faire devant la magistrature mondiale. Chacun de nous aurait réagi immédiatement pour laver cet affront-là. Il l’aurait fait, il cesserait d’être le président de la République, il cesserait d’être l’Institution qu’il incarne. Et croyez-moi, la réaction que nous allions apporter allait être spontanée, mais aussi proportionnelle à l’affront subi.



6 Commentaires

  1. Auteur

    Mouhsy

    En Novembre, 2010 (13:48 PM)
    eh bin mr Ba
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  2. Auteur

    Seydina Japon

    En Novembre, 2010 (13:51 PM)
    Tattaguinois de la diaspora cotisons nous pour acheter une ambulance pour Le village
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    Auteur

    Effet Placebo

    En Novembre, 2010 (15:10 PM)
    Diadieuf Bara pour ce rappel !

    je veux dire à ce magistrat : Si dans la rue quelqu'un te dit tu te comportes comme un chien est ce que tu diras qu'il ne t'a pas insulté !
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    Auteur

    Lame Tranchante

    En Novembre, 2010 (15:56 PM)
    mr ba tu n'es pas honete intelectuellement

    tout le monde a compris cette allusion malencontreuse

    et ne te crois plus savant que les autres

    votre article a reponse a cet affront qui nous fait mal hors des frontieres du pays meritait votre reaction immediate



    mais visiblement tu etais trop imressionne d'etre a cote de cehomme qui se prend pour dieu



    honte a vous et vous n'assumez pas vos responsabiilite



    treve de bavardages inutiles



    decidemment comment pourrons nous avancer avec des gens qui reagissent en fait en vrais esclaves toujours prets a baisser encore leur thiaya pour en prendre encore plus



    sham on you
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    Auteur

    Cite Claudel

    En Novembre, 2010 (21:22 PM)
    ablaye ba amale gore teyéé sa diabar qui t avait prise en charge quand tu etais etudiant et que tu venais manger a la cite claudel

    gore gore reek la

    wassalam
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    Auteur

    Bobo

    En Novembre, 2010 (23:42 PM)
    mr ba jepasserai a ton bureau demain j ai quelques billets de 10 000 fr je veux faire coffrer le frere de ma copine il me donne du fil a tordre ce sont de billets tout neuf wallabok
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