Le porte-parole du président de la République révèle, dans cet
entretien, que le Sénégal est candidat à l’organisation du sommet de la
Francophonie en 2014, qui verra le Secrétaire général de ladite
organisation passer le témoin. A cette occasion et si Dakar accueille
le sommet, le Président Macky Sall compte honorer Abdou Diouf pour
«services rendus» à la Nation. M. Thiam parle également, entre autres
points, du fonds commun des magistrats, de la crise diplomatique entre
Dakar et Banjul...
Le Sénégal a fait convoquer l’Ambassadeur de la Gambie à Dakar. Banjul a-t-il réagi ?
La
réaction gambienne ne se fait pas encore entendre. Ce qui est certain,
c’est que le gouvernement travaille d’arrache-pied à sauver la tête de
notre compatriote, Saliou Niang. Le Sénégal travaille à convaincre Yaya
Jammeh de surseoir à cette exécution. La peine capitale a ceci de
particulier : elle est par définition irrémédiable. Et lorsque cela se
fait dans des conditions où le droit n’est pas respecté et où il y a
possibilité d’erreurs judiciaires, c’est ce qu’on appelle l’extrême
préjudice. Nous avons beau donner toutes sortes de choses à la famille
de la victime, la pauvre aura perdu ce qu’elle ne pourra plus jamais
récupérer. Nous sommes dans une phase diplomatique de nous faire
entendre, de montrer à Yaya Jammeh qu’il a failli au droit et violé les
lois de bon voisinage.
Le Président n’a pas donné de délai
comme il l’avait fait pour la convocation de l’ambassadeur de la Gambie
au Sénégal et Jammeh, lui, fait le mort…
Il ne fait pas le
mort. Yayah Jammeh fait mourir des gens. Non, il n’y a pas de délai. Ce
qu’il y a, c’est que nos deux compatriotes qui sont dans le couloir de
la mort n’ont pas encore été exécutés. Nous ferons et nous faisons tout
pour que cela n’advienne pas.
Comme quoi…
En
utilisant toutes les voies et tous les moyens possibles. S’il advenait
qu’il le fasse nous en prendrons acte et nous réagirons à temps. Je ne
sais pas trop, car la diplomatie a ses réalités et elle ne se fait pas
au grand jour. En tout cas, le Sénégal réagira proportionnellement à la
gravité de l’acte perpétré.
Mais le président de la République,
Macky Sall, dans son optique de défendre les intérêts de tous les
Sénégalais partout dans le monde, se soucie beaucoup de la bonne
diplomatie. Il est en train de réinstaller la mosquée au milieu du
village. C’est-à-dire qu’il remet les choses à leur place, en redonnant
au Sénégal son prestige diplomatique, ses lettres de noblesse qu’il a
toujours eus depuis Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf et moins avec
Abdoulaye Wade. Cette place diplomatique du Sénégal, le Président Macky
Sall entend la faire retrouver.
Et partout où des Sénégalais sont,
ils travaillent à préserver leurs droits, qu’ils soient des nationaux ou
des fonctionnaires des instances internationales. Il les défend, les
honore et les porte au pinacle. C’est dans ce cadre d’ailleurs que
l’ancien président de la République, Abdou Diouf verra son mandat à la
tête de l’Organisation internationale de la francophonie prendre fin en
2014. Compte tenu de ce que Abdou Diouf a fait pour le pays, dont son
départ de la Présidence du Sénégal restera dans l’histoire politique de
l’Afrique. Le chef de l’Etat a, donc, demandé que le Sénégal accueille
la Conférence internationale de la Francophonie en 2014. Ce qui va
coïncider avec la fin du deuxième et dernier mandat du Président Diouf à
la tête de l’instance de la francophonie. A cette occasion, le Sénégal
va honorer son fils pour l’ensemble de ses œuvres. Ça sera une manière
bien particulière de montrer à la face du monde que la Nation
sénégalaise lui est reconnaissante. Je pense que c’est le minimum qu’on
peut faire pour un citoyen sénégalais qui aura fait une carrière comme
celle de Abdou Diouf.
Est-il exclu, dans ce que vous appelez «honorer» Abdou Diouf, de lui confier une fonction dans la gestion de l’Etat ?
Il
ne s’agit pas de le rétribuer et Abdou Diouf ne demande rien à mon
sens. C’est le président de la République qui estime que l’Etat doit
rendre un hommage à M. Diouf au regard de son parcours. C’est ce qui
explique en quelque sorte le désir d’organiser la Conférence
internationale de la Francophonie à Dakar en 2014. Nous ne voulons pas
attendre sa mort pour lui dire que le Peuple lui est reconnaissant.
Ce n’est pas une question de demande de postes…
Je
pense que ça viendra peut-être. Pour le moment, nous sommes à la phase
de mûrissement du projet avec, évidemment, la décision arrêtée
d’organiser cet évènement.
D’aucuns pourraient dire :
«pourquoi honorer quelqu’un qui n’a jamais voulu se prononcer sur les
questions, même les plus importantes, de son pays»…
Il y a
aussi d’autres Sénégalais qui pensent que Abdou Diouf a eu une attitude
digne consistant à ne jamais se prononcer sur l’activité politique au
Sénégal, au risque de créer des troubles. Il a observé une réserve par
rapport à la compétition politique interne sans que cela n’enlève son
intérêt pour le Sénégal.
Est-ce que c’est la visite de Macky Sall à Paris et son audience avec Abdou Diouf qui sont passées par là ?
Non.
En tout cas, il existe des relations cordiales et de respect mutuel
entre les deux hommes. Il faut dire que Macky Sall est certes, Président
du Sénégal depuis cinq mois, mais il a été président de l’Assemblée
nationale. De ce fait, il a participé à la diplomatie parlementaire avec
l’Organisation internationale de la Francophonie. Ce qui le mettait en
contact permanent avec le Président Diouf.
En supprimant le Sénat,
le Président a-t-il répondu à une recommandation des Assises nationales
plutôt qu’à un contexte dicté par les inondations ?
Le Président
Macky Sall, dans son programme de gouvernement a fait figurer
l’existence du Sénat. Il a toujours opté pour le maintien de cette
chambre et cela a été sa position personnelle. Ce n’est pas de gaieté de
cœur qu’il fait procéder à la suppression de cette institution. Il y a
des gens qui ont crié pour que cela se fasse, mais ça ne l’a pas fait
reculer. Le programme des Assises nationales n’est pas le programme de
base sur lequel le Président Macky Sall a été élu. Par contre, il a été
porté à la tête de l’Etat sur la base d’un programme dénommé «Yoonu
Yokuté» auquel 65% des Sénégalais ont apposé leur paraphe pour dire
voilà ce que nous voulons. Il est arrivé une calamité naturelle contre
laquelle nous n’avons pas beaucoup de moyens. Le budget de l’Etat étant
très faible car s’évaluant à 2 500 milliards. C’est ce qui fait de nous
un pays pauvre.
(…) Le Sénat, qui devait d’ailleurs recaser
quelques militants ou même des alliés, sera supprimé pour, entre autres
causes, les inondations. Aujourd’hui, quelle alternative pour ces
«sinistrés» du Sénat ?
Les sinistrés du sénat sont quand
même moins nombreux que les sinistrés des inondations. Ce qu’il y a,
c’est que le président de la République a pris une décision courageuse
en prenant aussi le risque de fâcher ses militants qui se voyaient déjà
sénateurs avec tous les prestiges qui se rattachent à la fonction et
qui, aujourd’hui, ne le seront pas si la décision du Président est votée
par le Parlement. C’est pourquoi, ceux qui pensent que c’est une sorte
de bouée de sauvetage pour Macky Sall se trompent parce qu’il va être
confronté à plus de problèmes parce qu’il se pose la question du
recasement ces responsables de son propre parti.
Où est-ce qu’on va alors les reloger ?
Cela
relève du président de la République. Mais il ne s’agit pas de caser un
personnel politique. L’idée du Sénat, c’est d’avoir une institution qui
participe à l’animation démocratique
du pays. Maintenant, je
suppose que tous ceux qui devaient être sénateurs ne sont pas des
chômeurs et, peut-être, certains d’entre eux auront la chance d’avoir un
poste qui cadre avec leur profil.
Tout le monde ou presque a
applaudi cette mesure, mais le professeur Ismaïla Madior Fall estime que
la «voie royale», serait d’aller au référendum.
En tout cas, dans
cette option de rationalisation des dépenses, on ne va pas organiser
quand même un référendum avec tout le coût que son organisation requiert
pour demander la suppression du Sénat. Encore que, juridiquement, rien
n’empêche que le Parlementaire vote lui-même la suppression de ce Sénat.
Les
inondations, un des motifs de la suppression du Sénat. A part la
déclaration du Président à son retour de voyage, est-ce qu’il y a une
évolution ?
Beaucoup de choses ont évolué et beaucoup de
choses vont continuer à l’être. Aujourd’hui, il y a urgence, le plan
Orsec il faut le comprendre comme un plan d’urgence. Le président de la
République a fait un appel auquel l’ensemble des citoyens a répondu. Il
faut le saluer et le magnifier. Surtout l’élan de solidarité des
Sénégalais. Le président de la République a mobilisé l’ensemble de
moyens matériels et humains de l’Etat. On a vu le khalife général des
mourides allouer une enveloppe d’un milliard de FCfa ; c’est un acte
citoyen, une pédagogie par l’exemple. D’autres comme la Fondation Servir
le Sénégal de la Première Dame ou encore Harouna Dia qui a donné une
importante contribution. Certaines sociétés ont également donné beaucoup
d’argent comme les banques et autres. Mais il y a aussi des sociétés
qui ont donné des sommes qu’on peut qualifier de dérisoires par rapport à
leur économie. La Sonatel, par exemple qui a dit publiquement qu’elle
a fait 86 milliards de FCfa de bénéfices n’a donné que 100 millions.
Il faut que chacun y aille à la proportion de ses moyens.
(…)
Les magistrats ont réitéré, samedi, lors de leur Assemblée générale,
leur opposition à l’abrogation du décret portant instauration d’un fonds
commun. Est-ce qu’on ne va pas vers un bras de fer magistrat-Etat ou
justice-Etat ?
Justice-Etat, non. Magistrats-Etat, non plus.
Quelques magistrats qui s’égosillent dans la presse pour protester
peut-être, oui. C’est une Assemblée générale qui n’engage pas tous les
magistrats. Il y en a qui se sont élevés contre cette mesure qui a
consisté à rapporter ce décret. Je vais vous en raconter l’historique.
Le
11 décembre 2011, à 3 semaines du dépôt des candidatures, Abdoulaye
Wade a pris un décret pour instaurer un fonds commun d’indemnisation
des magistrats. Ça veut dire que sur la base des amendes appliquées par
les juges, on va tirer un pourcentage qui va leur être reversé à eux, au
titre de leur fonds commun. Ce qui signifie que le magistrat, devant un
procès, va avoir intérêt à appliquer des amendes parce qu’il sait que
cet argent va lui revenir. Ce n’est ni plus ni moins que de la
corruption dans la magistrature. Il y a un problème moral qui se pose.
J’ai entendu un magistrat dire que l’indépendance du magistrat a un
prix, je dis oui mais elle n’est pas pécuniaire. Le prix de
l’indépendance d’un magistrat c’est sa rigueur morale parce que s’il
faut payer aux magistrats de l’argent pour qu’il soient indépendants,
alors là, la porte est ouverte à toutes les dérives.
Certains
magistrats donnent l’argument du fonds commun des agents de la douane,
par exemple, pour justifier un tel procédé. Qu’en pensez-vous ?
C’est
valable aussi pour les policiers. Il n’est pas normal que le policier
ait intérêt à vous taxer parce que cela va gonfler son fonds commun. Il
va falloir prendre des mesures contre cette pratique. Ce n’est pas
normal et ça va cesser !
Donc, ça ne s’arrêtera pas seulement aux magistrats ?
Pour
le moment, c’est avec les magistrats. Mais sur la base de la
faisabilité de l’affaire, c’est sûr que toutes les niches dans
lesquelles on note une pareille illégalité seront détruites.
Allez-vous toucher aussi au fonds commun de la douane ?
Je
ne sais pas pour ce qui est de la douane ; je ne personnalise pas sur
les corps de métiers. Mais ce qui est certain, c’est qu’avec la
magistrature ce qui était instauré est anormal et ça été enlevé. Ça va
se poursuivre dans tous les corps où on note le phénomène.
N’est-ce pas là un risque d’ouvrir d’autres fronts, après celui des magistrats ?
Avec
le Président Macky Sall, l’intérêt est qu’il n’a pas peur des fronts,
pourvu que ce soit l’intérêt du plus grand nombre de Sénégalais. Quels
que soient les coups politiques à payer, il le fera. Il n’est pas
emprisonné par des soucis politiques ou politiciens. On a commencé avec
le Sénat ; c’est un risque politique qu’il a pris. Il y a des gens qui
sont frustrés, qui peuvent tenter de le combattre, mais il en a cure.
Les magistrats constituent un corps éminemment respectable et que nous
respectons. La plupart d’entre eux sont compétents et rigoureux. Mais si
par une ambition politique d’un Président, qui tenait coûte que coûte à
se représenter à l’élection présidentielle, on part d’un décret pour
instaurer une situation, immorale, anormale et amorale, c’est normal que
le Président Macky Sall y revienne.
Et les 5 millions des chefs de juridiction ne seront pas épargnés, comme l’a révélé la presse du week-end ?
C’est bien le cas. Ces 5 millions F Cfa proviennent de cette ambition là.
Pour en faire quoi ?
D’abord,
c’est pour corriger une injustice et une illégalité qui consiste, pour
des magistrats, à être intéressés aux peines pécuniaires qu’ils
appliquent, c’est une injustice. Elle a été corrigée. Dans cette lancée,
toutes les injustices qui se trouvent dans ce pays seront corrigées.
Des magistrats disent que Macky Sall profite de cette situation actuelle pour abroger ces décrets ?
J’aurais
eu mal s’ils m’avaient dit que le Président Macky Sall a commis une
illégalité. Mais qu’il ait profité de la situation, c’est eux qui le
disent. Il est heureux d’ailleurs que des magistrats prennent leur plume
pour dire que la décision de Macky Sall est salutaire. L’acte de Macky
Sall a même consisté à crédibiliser la magistrature pour que la majorité
des magistrats qui sont des hommes intègres approuvent cette mesure.
Le gouvernement a-t-il prévu d’autres alternatives pour l’instauration du fonds commun, après l’abrogation du décret ?
Il n’y a aucune source. Les magistrats sont payés. Ils perçoivent leurs indemnités normales et la vie continue.
Pas d’augmentation de salaire ou des indemnités en vue ?
Les
magistrats ont beau être une corporation importante, mais ils ne
doivent pas apparaître comme des privilégiés. Ils ne sont pas plus
importants que les journalistes, les médecins ou les autres. Chacun
est important pour le pays, dans son domaine. On n’est pas quand même
dans un gouvernement des juges.
7 Commentaires
Bill Kill
En Septembre, 2012 (14:14 PM)Idy
En Septembre, 2012 (16:10 PM)Né Vers 1939
En Septembre, 2012 (03:17 AM)L'unique argument avancé pour se justifier est "son départ de la Présidence du Sénégal restera dans l’histoire politique de l’Afrique". Présentez nous les oeuvres de Abdou Diouf lorsqu'il était à la tête du pays si vous n'en connaissez pas je peux vous en donner quelques unes :
- La sédentarisation des peuls nomades du ferlo dans le cadre du projet de développement de la zone sylvo-pastorale(projet réalisé par Maïmouna Kane ministre du développement social à l'époque) échec sur toute la ligne;
- Le barrage de "Kheun" qui n'a jamais vu le jour;
- Le canal du Cayor qui est resté à l'état de projet pendant plus de 20ans;
- La Vdn (pas plus de 4 km);
- Le pont "Sénégal 92" dont nous connaissons tous sa dangerosité;
- La privatisation de presque toutes les entreprises nationales surtout celles qui faisaient des profits et ne connaissaient aucune difficultés (Sonatel);
- Le recrutement des enseignants "ailes de dinde" envoyés dans les classes aprés 4 semaines de formation;
- La mise en place du projet des volontaires de l'éducation;
- La réduction du pouvoir d'achat des sénégalais et fonctionnaires en particulier avec des baisses de salaire et la création de l'impôt sur le revenu;
- 6200 (six mille deux cents) fonctionnaires de la police nationale radiés en un jour avec ses lots de conséquences que les victimes n'arrivent pas à surmonter jusqu'à maintenant;
- Les années blanches en 1988 (secondaire et université) et 1993 (université);
la liste n'est pas exhaustive
Dakarensis
En Août, 2023 (14:50 PM)Idy
En Septembre, 2012 (07:49 AM)Deug -le Vrai -
En Septembre, 2012 (13:27 PM)C'est aussi ce même Abdou Diouf qui a envoyé des fils du Sénégal donner leur vie pour réinstaller un President de Gambie déchu par un coup d'Etat refugié à Dakar sans pour autant en tirer le minimum de profit politique pour notre Nation qui avait là une occasion en or pour fondre cet miniscule Etat dans une fédération totale. Le bilan d'Abdou DIOUF est globalement peu reluisant à mon avis.
Idy
En Septembre, 2012 (13:32 PM)Aby
En Septembre, 2012 (01:56 AM)Participer à la Discussion