Le mystère continue d’entourer la responsabilité du Sénégal dans le putsch manqué en Gambie du 21 mars dernier et dans lequel l’ambassadeur Ndiougha Ndiaye avait été cité. Dans une phrase laconique, un autre diplomate a été nommé au poste sans que le titulaire ne soit relevé de ses fonctions. Une situation sujette à nombre d’interrogations.
La nomination est très suspecte pour ne pas attirer l’attention ou susciter une curiosité. Dans le communiqué du Conseil des ministres qui s’est tenu, avant-hier, au chapitre des mesures individuelles, on peut lire : «M. Mamadou Fall, conseiller principal des Affaires étrangères de Classe exceptionnelle, est nommé haut Commissaire du Sénégal en Gambie avec résidence à Banjul.» Le libellé du texte suscite des interrogations dans la mesure où il omet, si c’est vraiment une omission, de relever le diplomate qui, jusque-là, était l’ambassadeur du Sénégal au pays de Yaya Jammeh pour n’avoir jamais été relevé de ses fonctions. Il s’agit de Ndiougha Ndiaye alors cité, par les putschistes comme étant l’un des instigateurs de ce coup d’Etat manqué du 21 mars 2006. Une accusation pour laquelle il avait été rappelé à Dakar pour consultation.
Ainsi, par cette parade du gouvernement, il s’agit de décréter l’amnésie collective autour de ce problème relatif à l’implication du Sénégal dans le putsch manqué en Gambie. Mais, la mise sous silence du remplacement de l’ambassadeur Ndiougha Ndiaye ne fait que conforter la suspicion et confirmer la volonté du gouvernement d’étouffer une situation devenue très embarrassante. De même que le temps mis pour effectuer le remplacement de M. Ndiaye pourrait être vu comme une stratégie visant à endormir un peuple qui a pourtant droit de savoir la part de responsabilité de son pays accusé ouvertement par la Gambie.
Surtout qu’à l’annonce du rappel de son Excellence, Ndiougha Ndiaye pour consultation à Dakar (Voir Le Quotidien n°986 des samedi 8 et dimanche 9 avril 2006), le directeur de Cabinet du ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, M. Mankeur Ndiaye, semblait minimiser. «Ndiougha Ndiaye est rappelé pour une mission ponctuelle en consultation pour quelques jours. Ce n’est pas nouveau. On procède de la sorte à chaque fois que c’est nécessaire avec les ambassadeurs», justifiait-il. Ces arguments se sont révélés trop diplomatiques en ce sens que la vérité semble être tout autre.
En effet, depuis qu’il a été rappelé pour consultation, le séjour de Ndiougha Ndiaye à Dakar a été plus long que l’avait annoncé le directeur de Cabinet de Cheikh Tidiane Gadio. Car, il reste établi que depuis cette date, l’ambassadeur n’a plus remis les pieds en terre gambienne. De quoi se poser des questions sur son remplacement… en catimini. Pourtant, même si des acrobaties diplomatiques avaient été faites pour réduire l’impact de l’implication de M. Ndiaye dans le putsch manqué, dans une de ses déclarations, le même directeur de Cabinet de M. Gadio reconnaissait de façon implicite l’ampleur des accusations portées contre le Sénégal et qui ont motivé le rappel de son diplomate accrédité. Il disait : «Il y a des choses délicates qu’on ne peut pas traiter dans la presse.» Une phrase dont tout le sens s’articule autour du mot d-é-l-i-c-a-t. D’ailleurs, c’est avec cette même délicatesse que Ndiougha Ndiaye a été rappelé. Un cas délicat qui ne contribuera pas à faire la lumière sur le niveau de responsabilité de M. Ndiaye dans le coup d’Etat manqué et par ricochet de son pays, le Sénégal.
Ces accusations portées contre lui remontent aux 28 et 29 mars 2006, dates auxquelles la télévision et la radio gambiennes avaient passé, en boucle, les aveux circonstanciés d’un certain Tamsir Jasseh, ancien directeur du service de l’Immigration, qui impliquait gravement les autorités sénégalaises dans la tentative de coup d’Etat qui avait échoué une semaine auparavant. M. Jasseh révélait : «Dans le cadre des préparatifs du putsch dirigé par le Colonel Ndure Cham, chef d’Etat-major de l’Armée, il avait eu à s’entretenir du «projet» avec l’ambassadeur du Sénégal à Banjul, son Excellence Ndiougha Ndiaye. M. Jasseh qui affirmait avoir été dépêché, à cet effet, auprès du diplomate sénégalais par le Colonel Ndure Cham, a précisé que la proposition avait été faite aux autorités sénégalaises de préparer un contingent de soldats à pré-positionner à la frontière entre les deux pays.»
Alors, malgré les maintes tentatives de dénégation du Sénégal, le problème restait entier. Une omerta est faite autour de cette question jusqu’à ce que le Sénégal remplace son ambassadeur. Sans tambour ni trompette. Laissant ainsi le mystère entourer cette affaire et étouffant une vérité qui semble ne plus jamais éclater.
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