Présidentielle de 2012 : Aïssata Tall Sall réactualise la candidature au Ps

Aïssata Tall SALL : Une satisfaction totale à tous points de vue. L’organisation et la mobilisation ont été parfaites. Le volet scientifique, avec les Professeurs Abdou Salam Fall et Penda Mbow, a été de très haut niveau. Le cours inaugural de Ousmane Tanor Dieng qui a ouvert les travaux a été le grand moment de cette rencontre avec des options politiques claires du Parti socialiste et des propositions concrètes autour de la Nouvelle République.

Est-ce à dire que le Parti socialiste est prêt pour aller à la bataille avec ou sans Bennoo ?

Le Parti socialiste est prêt. Il souhaite aller avec Bennoo. Ousmane Tanor Dieng l’a rappelé avec insistance au cours de nos travaux. Abdoulaye Bathily aussi. Le Parti socialiste prône l’unité dans Bennoo et travaille dans ce sens. Il prône même l’unité au-delà de Bennoo pour rallier toutes les forces vives du pays à la grande cause nationale qui nous est, tous, commune : faire partir Wade et le régime libéral du pouvoir en 2012.

L’actualité, c’est aussi la réunion houleuse du Comité directeur du Pds.Vous, vous semblez compter les coups…

Dans le fond, ce qui se débat au Comité directeur du Pds ne saurait nous intéresser. Parce que, c’est une cuisine interne au Pds. De ce point de vue, on n’en attend rien de bon pour nous y intéresser.

Dans la forme, il faut dénoncer le fait que le Comité directeur se réunisse dans l’enceinte même de la salle du conseil des ministres, en tout cas au Palais de la République. En termes de mélange de genres et de violation des lieux sacrés de la République, on ne pouvait pas faire pire que ça. C’est ce qu’il faut regretter en la matière.

Le processus électoral ivoirien est dans l’impasse. Votre camarade socialiste, Laurent Gbagbo, est accusé d’en être l’instigateur. Quelle est votre position là-dessus ?

C’est un point de vue personnel. Ce n’est pas celui du Parti socialiste. Je suis fondamentalement pour le respect des principes démocratiques et surtout de la volonté du peuple quand celui-ci s’est exprimé. Que Gbagbo soit un camarade socialiste ne change en rien cette position de principe. Toutefois, il faut toujours tout relativiser, surtout s’agissant de la Côte d’Ivoire que j’ai connue en des situations de tension voire même de fracture entre le nord et le reste du pays. Il nous faut seulement souhaiter que les dirigeants ivoiriens, Laurent Gbagbo en tête, concilient l’expression populaire avec la stabilité politique et sociale du pays.

Il y a un an, vous déclariez sur les ondes de Rfi que vous n’excluez pas d’être candidate du Ps. Maintenez-vous cette position ?

Oui, à l’époque c’est vrai que j’avais été interrogée par un journaliste de Rfi qui m’avait demandé si, dans le Ps, il y avait un candidat naturel à l’élection présidentielle. J’avais répondu que, conformément aux textes du Ps, cela n’existait pas. Au Ps, le candidat est choisi à la suite d’une procédure que nous appelons dans notre jargon les primaires. Cette procédure sera respectée. Quiconque se sentira en mesure d’être candidat se portera candidat. Les militants du Ps apprécieront, donneront leur verdict et nous irons, ainsi, à l’élection présidentielle. C’est cela que j’ai voulu rappeler. Maintenant, est-ce que je serais candidat ? Vous savez, aujourd’hui, le Ps est engagé avec Bennoo dans une procédure de recherche d’un candidat unique. Et toutes nos priorités tendent vers cela. C’est-à-dire faire de telle sorte que l’opposition, dans son ensemble et dans la concertation mais surtout dans le consensus, arrive à trouver ce candidat. Je pense qu’il est prématuré d’épiloguer sur une candidature socialiste. Nous réfléchissons d’abord sur une candidature Bennoo.

Si, d’aventure, tous les segments de Bennoo s’entendent sur une candidature socialiste, est-ce que vous serez candidate à la candidature socialiste ?

En ce moment-là, on appréciera. De toutes les façons, le candidat, s’il est socialiste, ne sera pas choisi que par les militants socialistes.

Dans cette dynamique-là, vous réitérez que Ousmane Tanor Dieng n’est pas le candidat naturel du Ps ?

Il n’y pas de candidat naturel au Ps. Ousmane Tanor Dieng est le premier à le dire, et il ne peut pas être en marge des textes. Nous le savons tous, le candidat c’est celui qui est choisi à l’issue des primaires. Je le dis ici, je le répète et je le confirme et je pense que c’est maintenant définitif.

Revenons à Bennoo. Vous sortez d’un séminaire à l’issue duquel la question de la candidature a, une nouvelle fois, été reportée. Et pendant ce temps, dans le camp d’en face, on a presque fini de peaufiner la stratégie électorale. Puisqu’il y a déjà un candidat qui a un directoire de campagne. En plus, le collège électoral a été convoqué. N’êtes-vous pas en retard par rapport au calendrier de ceux d’en face ?

D’abord le temps de Bennoo ne peut pas être le temps de ceux d’en face. Parce que l’élection présidentielle, on l’oublie très souvent, est une procédure très scrupuleuse avec des délais qu’il faut respecter. Cela ne sert à rien de se précipiter. De toutes les façons, dans le camp d’en face, il leur manque l’essentiel. Tout le monde sait que Wade ne peut pas être candidat pour l’élection de 2012. Donc, il ne sert à rien que quelqu’un qui ne peut pas être candidat nomme un directeur de campagne, se mettre en campagne et même convoquer le corps électoral comme il vient de le faire.

Nous sommes engagés dans un processus d’alliance politique soutenue par une réflexion qui, elle-même, se fonde sur les Assises nationales dont nous avons pratiquement été les moteurs de la mise en place et de la mise en œuvre. A partir de ce moment, nous nous sommes dit que nous devrions avoir un agenda qui nous permet, non pas d’aller chercher ce qui doit se faire à la fin, c’est-à-dire choisir le candidat mais commencer par le début. C’est d’abord nous entendre sur le programme que nous voulons soumettre aux Sénégalais. De ce point de vue, je pense que la tâche est révolue parce que, par les conclusions des Assises, nous avons, de façon très large, discuté sur le plan économique, financier, social, culturel de ce sur quoi les Sénégalais peuvent être d’accord, de ce que les Sénégalais pensent en termes de priorité. C’est comme cela que leur destin devra être conduit.

Donc, le volet programmatique est quasiment réglé par les conclusions des Assises. Ensuite, l’autre étape importante, c’est de nous mettre d’accord sur le cadre institutionnel. A quoi cela servirait-il de ce choisir un candidat si nous ne savons même pas si c’est un régime parlementaire ou présidentiel qu’il nous faut ? Quelles vont être les relations entre les pouvoir exécutif et législatif ? Voulons-nous toujours un législatif à la solde de l’exécutif qui ne fera pas son travail de contrôle de l’action gouvernementale et qui sera tout simplement une chambre d’applaudissement ? Je pense qu’aujourd’hui les Sénégalais ont suffisamment subi la leçon pour refuser cette forme de législature. Voulons-nous un régime présidentiel comme celui que nous vivons où Abdoulaye Wade bien plus que la reine d’Angleterre a tous les pouvoirs de faire et de défaire sans même que nous ayons le plus petit regard. Voilà pourquoi, rationaliser et équilibrer les relations entre le législatif et l’exécutif est important.

Mais, même au sein de l’exécutif lui-même quel type de relation voulons-nous entre le gouvernement issu de la légitimité et le président de la République qui est revêtu de la même légitimité populaire ?

C’est la raison pour laquelle nous disons qu’après le programme, le cadre institutionnel est important. Et nous nous mettrons d’accord là-dessus. Une fois que cela est fait, nous irons vers la candidature. Ce n’est pas comme Wade a fait. Et ce n’est pas au début, c’est la fin du processus sinon commençons par la candidature, nous aurions tout biaisé. Voilà la raison pour laquelle nous vous avions d’ailleurs prévenu la presse et l’opinion qu’il ne faut pas attendre du séminaire qu’un candidat unique sorte de ces conclusions comme un magicien sortirait un lapin de son chapeau.

‘Abdoulaye Wade, bien plus que la reine d’Angleterre, a tous les pouvoirs de faire et de défaire sans même que nous ayons le plus petit regard’

Pendant que vous êtes là à discuter du sexe des anges, Bennoo est guetté par des divisions. Il y a beaucoup de franges qui menacent même de quitter. Le temps ne joue-t-il pas en votre défaveur ?

Mitterrand (ancien président français, Ndlr) disait que le temps est le meilleur juge. Je pense qu’aujourd’hui, il n’y a pas de partis dans Bennoo qui accepteraient de faire le jeu du pouvoir en sapant l’alliance sur la base de laquelle notre coalition est assise. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de divergences. Là où il y a des hommes avec des ambitions et des visions, il y a forcément débats et discussions et parfois même contradiction. Mais, le propre de l’homme politique c’est justement d’arriver à surmonter ses ambitions, ses contradictions et mener des débats d’autant plus objectifs que nous nourrissons justement des grandes ambitions pour le Sénégal. A partir du moment où il y a quelques divergences au sein de Bennoo, cela va de soi. Mais, je pense que Bennoo étonnera, puisque nous avons surmonté pas mal d’épreuves. Les gens ne le soupçonnent pas, mais aller aux élections de 2009 ensemble n’avait pas été une chose aisée.

A Bennoo, les gens se tirent dans les pattes. Au point que Amadou Moctar Mbow s’est vu obligé de siffler la fin de la récréation…

Je suis politique et aussi avocate. Donc, je perçois la contradiction comme étant quelque chose de nécessaire. Pour moi, le débat est consubstantiel à la démocratie, surtout quand nous sommes plusieurs partis politiques à la confluence d’une ambition nationale. C’est quelque chose de tout à fait normal. Je ne m’inquiète pas que le président Mbow, du haut de sa stature morale, ait voulu un peu rappeler quelques principes. Cela est également normal. Mais, franchement, il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Et croyez-moi nous ne discutons pas du sexe des anges. Nous sommes engagés dans un processus sérieux que nous savions difficile dès le départ et que nous découvrons encore difficile, mais par lequel nous avons la responsabilité d’aller jusqu’au bout.

On a comme l’impression que Bennoo s’adresse à une élite intellectuelle, c'est-à-dire au microcosme médiatico-politique de Dakar. Si on s’en réfère aux élections locales, la plupart des collectivités locales gagnées par Bennoo, ce sont des collectivités urbaines. Et pendant que vous discutez de programmes, d’institutions, etc. Ne pensez-vous pas que vous êtes gagnés sur le terrain par le camp de vos adversaires ?

Je pense que l’opinion, la presse particulièrement, est tombée dans le piège de Wade. Parce que son calcul a été de dire : ‘Je vais, de façon prématurée, ouvrir la campagne électorale pour atteindre deux objectifs.’ Le premier consistait pour lui à se dire qu’il devait siffler la fin de la récréation dans son camp. D’ailleurs, vous constaterez que cela n’aura servi absolument à rien du tout. Parce que cela n’a pas empêché Idrissa Seck à se dresser contre lui et à réclamer des primaires au Pds pour choisir de façon statutaire le candidat libéral. Le deuxième objectif - et c’est là que je vous dis que vous êtes tombés dans son piège - en ouvrant prématurément la campagne, en se déclarant candidat et en se désignant un directoire de campagne, Wade croit pouvoir dire à l’opposition qu’elle avance comme des tortues géantes. Ce n’est pas parce que Wade a fait une chose que vous devez penser et surtout faire croire que les jeux sont faits, que tout est fini. C’est quelque chose de définitif sur lequel une fois qu’on aura marqué notre accord, que c’est ce définitif-là qui gouvernera le Sénégal pendant le temps qui est prévu. Donc, il ne faut pas faire dans la précipitation dans laquelle Wade veut nous entraîner. Je ne crois pas que nous sommes en retard. Nous ne menons pas des débats obsolètes et en tout cas pas nécessaires. Ce qui nous intéresse, c’est de trouver le ou les candidats qui porteront nos couleurs et au final, c’est de faire partir Wade. Si tout le peuple, avec nous comme dans un référendum, exclut Wade du jeu, c’est tant mieux.

N’y a-t-il pas une certaine hypocrisie politique en votre sein dans la mesure où tout le monde travaille pour la candidature unique, c’est le discours officiel. Mais de l’autre côté, Macky Sall s’est déjà déclaré candidat.

Je pense qu’il y aurait hypocrisie si Macky Sall qui déclare être pour la candidature unique, travaillait pour une candidature plurielle. Mais, dès l’instant qu’il est conforme à sa position et qu’il engage une discussion au sein de Bennoo et en dehors sur ce qu’il pense être juste et bon, nous, nous ne sommes pas dans une hypocrisie, mais dans l’honnêteté. L’hypocrisie aurait consisté, pour moi, à dire que le Ps ne battra pas campagne, parce que quel que soit le candidat, qu’il soit unique ou pluriel, le Ps aura un candidat. Si ce sont des candidatures plurielles, le Ps aussi aura un candidat et battra campagne. Voilà ce que j’ai voulu dire à Saint-Louis. Aujourd’hui, ce qui nous importe, c’est de faire partir Wade. Voilà la réalité des termes que nous annonçons. Mais, une fois que nous le faisons les gens pensent que nous sommes dans l’hypocrisie. Qu’on nous juge sur nos propos et nos actes.