Protection ou exposition ? Le gilet de presse pose question

(Ziguinchor, envoyé spécial) - L’attaque contre des journalistes à Tambacounda, alors qu’ils portaient des gilets de presse, pose la question de l’utilité ou non de cet outil en cette période de campagne électorale tendue.

Au moment de sortir du bus pour prendre des images, le journaliste tend le gilet de presse au cameraman. Ce dernier, sourire aux lèvres, demande à son vis-à-vis s'il faut se fier à un tel équipement, avant de décliner. Après une courte discussion, tous les deux décident de laisser le gilet dans le véhicule, "parce que c'est plus sûr", estiment-ils.

Cette réaction d’une équipe de télévision de la place, au-delà de l'anecdotique, pose une question de fond : quelle est la place du gilet de presse dans ce contexte actuel où des journalistes ont été victimes de la furie des militants de Benno bokk yakaar à Tambaconda ?Face aux risques, les uns appellent les forces de sécurité à renforcer les moyens, alors que d’autres invitent les confrères à plus de prudence. "Quand il y a danger, il faut savoir reculer", préconise Ibou Kane.

Chez les hommes de médias, les avis sont partagés. "Pour moi, c'est important, ça permet d'identifier les personnes. Je pense que c'est toujours utile malgré ce qui s'est passé (à Tamba), estime Mor Amar, journaliste à Enquête. Ils n'ont pas été attaqués, parce qu'ils portent des gilets. Le fait de ne pas avoir de gilets ne les auraient pas préservé."

Amar estime que ce qui s’est passé est à mettre sous le compte de la colère de certains militants, après qu’il y a eu mort d’homme.  

Sa position est partagée par Ibrahima Baldé de Sud Quotidien. "Le gilet permet à la sécurité du candidat ainsi qu’aux forces de l’ordre sur place d’identifier les journalistes", souligne-t-il avant d'indiquer qu'il se pose un problème de perception du rôle des journalistes dans certaines circonstances.

"Les journalistes dans les caravanes sont souvent étiquetés partisans du candidat qu’ils accompagnent. Ils ne sont pas toujours vus comme des professionnels de l’information", avance Baldé. Ils sont facilement traités au même titre que les militants, croit savoir le journaliste de Sud.

"Le gilet expose les journalistes"

Si ces deux confrères sont encore convaincus de l’utilité du gilet, il en est autrement de Ibou Kane, journaliste à la TFM. Précisons au passage que l’équipe de la télévision du groupe futur média a perdu tout son matériel et le véhicule dédié aux médias et qui portait la mention ‘’Presse’’ a été incendié, après qu’il ait fait un tonneau.

"À mon avis, le gilet n'a plus son importance, vu ce qui s'est passé à Tamba. Ceux qui ont été agressés sont des journalistes qui portaient des gilets. Ils étaient donc facilement identifiables", martèle-t-il.

Ibou Kane pense donc que le gilet n'a plus son sens. Il va même plus loin : "Le gilet expose même les journalistes.  À mon avis, il est préférable de jeter son gilet pour ne pas s'exposer."

Journaliste au groupe D-média, Lamine Guèye est moins catégorique. Mais il doute lui aussi de l’efficacité du gilet dans certaines circonstances. Il explique : "C’est un couteau à double tranchant, ça permet d’être identifié comme journaliste et d’être ménagé, mais dès fois, celui qui le porte peut-être la cible des personnes mal intentionnées qui veulent prendre le journaliste en cible. Dans ce cas, il est tout de suite identifié."

Porter ou pas ?

A la question de savoir s’il faut porter ou pas, Lamine Guèye répond : "Personnellement, je préfère ne pas porter. S’il y a problème, j’essaierai de m’en sortir à ma manière, parce que si le journaliste est ciblé et qu’il est isolé, il est encore plus vulnérable. Du côté d'Ibou Kane, il n’en est pas question. Un gilet, ça se porte. Quant à Mor Amar et Ibrahima Baldé, même s’ils n’en ont pas porté depuis le début de la campagne, ils n’en pensent pas moins qu’il est préférable tout de même d’en avoir.