Souleymane Ndiaye, Ministre Conseiller « Le Président Macky Sall sortira grandi au soir des élections »

Militant et responsable de l’APR à la 1ère heure, le Ministre Conseiller Souleymane Ndiaye, a, dans cet entretien fait un tour d’horizon des questions de l’actualité politique et nationale. Docteur d’Etat en Sciences Criminelles et diplômé de 3ème cycle en Etudes Politiques à Montpellier (France), il entretient de bonnes et anciennes relations avec le Président Macky Sall, celui qui l’avait nommé son Conseiller spécial pendant qu’il était dans l’opposition. Membre du directoire politique et du comité électoral, mais aussi ancien Président de la Commission de Discipline et des investitures, c’est sans détours qu’il nous livre ses analyses et ses impressions sur l’avenir de la coalition Benno Bokk Yakaar, de ses relations avec Me Wade. L’affaire Karim Wade et le cas Alioune Sall,  le frère du Président, ont été des sujets sur lesquels Souleymane Ndiaye n’a pas pris de gants. Entretien.
 
La campagne électorale a pris fin hier. Pensez-vous que votre coalition, BBY, pourra obtenir la majorité sur les 602 collectivités locales en compétition ?

J’en suis convaincu aujourd’hui j’en étais convaincu hier. La coalition BBY aura la majorité. D’aucuns se sont inquiétés de la multiplicité des listes, mais ça, on y reviendra. Ce n’est pas un facteur d’inquiétudes pour moi, tout au contraire…
Me Wade s’est mêlé à la campagne en invité surprise en tenant un discours de va-t’en guerre contre le régime de Macky.

 Quelles appréciations en faîtes-vous ?

Vous savez, j’ai toujours eu beaucoup d’estime pour Me Wade et je me suis toujours considéré comme son ami. Je ne dis pas qu’il me considère comme tel, mais je me suis tout le temps considéré comme son ami et celui de sa famille. Mais ce que vous venez de dire ne fait que dénoter la nature profonde  de Me Wade qui est un agitateur, et il l’a toujours été. Si aujourd’hui, on note autant une recrudescence de la violence dans l’arène politique, Wade y est pour beaucoup, parce que c’est lui qui a permis le phénomène de l’accoutumance de se réaliser. Cela s’est accentué pendant qu’il a eu pouvoir qu’il a exercé pendant 12 ans ; D’abord, il y a eu la désacralisation des institutions et il a participé à la banalisation des forces de sécurité. Il faut se rappeler que Wade a eu à nommer des officiers de Police qui n’ont jamais été formés et non jamais fait de stage de policier et qui se sont retrouvés Commandant d’autres capitaines. C’est une forme de banalisation  de la sécurité qui s’ajoute à l’accoutumance qu’il a entretenue de 1988 à 2000. Il y a toujours un facteur déclencheur des violences collectives.

Entre 1988 et 2000, il y a eu l’affaire Me Seye…

Je ne dis pas l’affaire Seye ou les évènements des Policiers de 1994 et les allées du centenaire, mais les marches organisées par le PDS se terminaient pratiquement par des échauffourées, ça c’est le phénomène l’accoutumance alors que avec la présence du gendarme commence la sagesse, mais justement, les populations ne fuyaient plus. Rappelez-vous quand il recommandait aux jeunes d’affronter les policiers avec des chaines de vélo, donc, c’est lui qui a cultivé cette violence par ses discours et ses prises de position pendant qu’il était dans l’opposition, il a banalisé les services de sécurité, conditionné la jeunesse pour qu’elle affronte les forces de sécurité, c’est ça la nature de Me Wade. Maintenant, après avoir exercé le pouvoir, il a une lourde charge morale vis-à-vis de ce pays et de ce peuple. Aujourd’hui, il devait être le sage de la nation, compte tenu de son âge, de son expérience et de ses responsabilités suprêmes. D’aucuns disent qu’il le fait parce que son fils est en prison, et moi je dis qu’il ne devrait pas le faire parce que son fils est en prison. C’est une interprétation qui ne l’honore pas. Il a été chargé par cette nation de la bonne applicabilité de cette constitution. Il a eu des démêlées avec la justice, avec la loi, mais la justice a toujours eu à dire le droit. Je ne pense pas parce que son fils est en prison qu’il agit de la sorte, je ne lui ferai pas cet affront-là, sinon on devrait dire que la justice de ce pays s’est délitée et est au bon vouloir du prince. Je pense que le Président Wade devrait se rappeler les sages conseils du Président Houphouët Boigny : Il doit se méfier des courtisans, et des laudateurs qui l’entourent.  Mon ami, c’est celui qui me coucher sur des gravats, ce n‘est pas celui qui me caresse dans le sens des poils. Or les courtisans, il doit savoir par son expérience que le courtisan est un animal amphibie pour garder la tête hors de l’eau. Pour le courtisan, le chef est son homme d’affaires qu’il manipule dans le sens de ses intérêts visibles ou cachés. Il n’a qu’à revoir son entourage. Celui qui ne sait pas choisir ses amis ne connaîtra que des malheurs. Dans certains de ses propos de pouvoir chasser Macky du pouvoir me rappelle deux choses : D’abord ce que Feu Boubacar Sall, son compagnon de la première heure m’avait dit une fois. En discutant un jour, il m’avait dit, (à cette époque, on était dans l’opposition), Souleymane, tu sais Dieu a presque tout donné à Me Wade, il a des diplômes, il a le savoir et il a le charisme. Il est adoré, mais il lui manque deux choses malheureusement : Il a  le caractère du berger. C’est quoi, le caractère du berger ? Lui demandais-je ? Il me répondit qu’il n’a qu’un bâton avec quoi il corrige les moutons, les chèvres, les vaches. Or les êtres humains ne sont pas comme ça, il faut savoir commercer avec eux, car chacun avec sa nature, sa moralité, son caractère, son expérience, son professionnalisme, son état d’esprit, lui il ne fait pas cela. Pour vous dire que me Wade n’a pas emprunté la bonne voie, le Président Macky ne plie pas au chantage, il déteste le chantage. Il y a des voies plus honorables et plus responsables pour discuter de certaines questions et certains ont eu à se poser des questions sur le silence du Président Macky Sall.
 
Justement quelle lecture faîtes-vous de son silence malgré qu’il soit tout le temps attaqué ?

Je vous répondrai en empruntant l’avis du psychologue : Il s’agit du silence de la fierté. Il ne s’agit pas de mépris, Macky a trop de considération pour Me Wade et éprouve beaucoup d’estime à son égard pour le mépriser. Il ne s’agit non plus de couardise. L’homme (Macky) a tapi en lui un courage extraordinaire mais c’est le silence de la fierté et je suis même tenté de dire qu’il a mal de voir, aujourd’hui, Wade descendre à ce niveau, parce qu’il a trop de considération pour lui.

Idrissa seck aussi s’en est mêlé…

Oui, bien sûr. Oui bien sûr (il se répète). Il s’en est mêlé. C’est un secret de polichinelle que de dire qu’il a l’amour du pouvoir. Et qu’il se considère comme un candidat non négligeable en 2017. Il a du mérite… (il se répète) compte tenu de pas mal de facteurs. Il respecte ses adversaires et c’est ce cadre que je dis qu’il a du mérite. Il essaie de lutter et il a perçu la démarche du Président Wade. Et tout ce qui peut évidemment discréditer éventuellement Macky, il ne peut pas ne pas être preneur.

Me Wade soutenait que ces élections locales sont une sorte de référendum. Est ce votre avis…?

J’ai entendu parler de référendum, mais, je puis vous rassurer que cette attitude ou cette posture de Me Wade et d’autres a été perçue depuis longtemps par Macky Sall en bon stratège politique. Il a perçu depuis la première salve de Me Wade, et ces adversaires qui parlent de référendum allaient essayer de profiter de ces élections pour entacher sa crédibilité surtout au niveau international. Ils veulent introduire le doute quant à la viabilité de son régime. Macky le sait depuis longtemps, et il s’attendait à ça parce que c’est le PSE qui a créé la panique auprès de ses adversaires potentiels. Me Wade lui même sait, il en est convaincu que la réalisation du PSE serait évidemment la porte ouverte à un second mandat et une existence durable de l’APR au palais au delà même du Président Macky. Maintenant qu’ils essaient d’introduire le doute quant à la viabilité du régime, (cela s’adresse aux bailleurs évidemment), tout est bon pour entraver le PSE et pourtant il est d’intérêt national. Cette posture–là ne devrait pas être la sienne. Aujourd’hui, il devrait encourager tout ce qui pourrait aider le Sénégal à émerger. J’ai entendu Me Wade parler de la multiplicité des listes, mais je vous ai dit que Macky avait perçu ce stratagème-là. Et réfléchissant, il en est arrivé à se dire en fait que cette stratégie-là allait confirmer l’hégémonie de son parti. Parce que nous serons majoritaires, même si nous le serons d’une courte tête, cela ne ferait que nous grandir. Donc, pour nous, notre conviction est que le Président Macky Sall sortira grandi de ces élections locales.

Que vous inspire le duel entre Mimi et Khalifa Sall à Grand Yoff ?

Bien que le Président ait dit que c’est des élections citoyennes, il faut avoir une bonne lecture de la situation. Le Président Macky, en disant cela lors de la levée des couleurs à la Présidence, parlait en tant que chef d’Etat. Ce faisant, il faisait référence au droit de citoyenneté selon Montesquieu. Maintenant le chef de parti avait pris toutes ses dispositions. Il savait qu’il fallait affirmer l’hégémonie de son parti.

La violence à Grand Yoff, ça vous inspire quoi ?

Je disais tout à l’heure que c’est Wade qui avait cultivé la violence, qui l’a cultivée et enracinée. C’est de l’accoutumance mais en réalité, Khalifa Sall ne bat pas campagne pour Grand Yoff, il est en campagne pour 2017, car depuis l’annonce de l’Acte, il s’est rendu compte que le maire de Dakar a été dépouillé de sa toute puissance, sa stratégie est orientée en 2017. Il y a des indications : Il n’oriente pas toutes ses batteries à Grand Yoff, c’est une infime partie de ses batteries qu’il dirige à Grand Yoff. Je dirai même que l’essentiel de ses moyens est disséminé à travers Dakar, le Cap Vert et le pays. Aujourd’hui, ses représentants sont soutenus financièrement par Khalifa Sall. Pourquoi, parce que demain, ces gens-la seront ses obligés. Il aura donc une emprise sur beaucoup de localités. Ses moyens ne sont pas tous concentrés sur Grand Yoff, cela montre le désintérêt qu’il a vis-à-vis de sa localité.

Même s’il peut gagner Grand Yoff ?

Il ne gagnera pas Grand Yoff (il se répète). Et de toute façon pour lui, ce serait un moindre mal, parce que politiquement des mesures essentielles ont été prises. C’est un après pour les combats futurs. Quand on un stratège comme Macky, ca n’échappe pas ?

Quel avenir pour la coalition Benno Bokk Yakaar ?

Ce que je peux dire, c’est que l’éclatement ne viendra pas du Président Macky Sall. C’est un homme de parole, c’est ce qui fait que certains disent qu’il n’est pas tout à fait politique, même s’il n’y a pas de politique sans machiavélisme. Ca n’existe pas. Il fera tout pour préserver BBY mais la ‘’real politik’’ existe, et la séparation est une question de date.
D’aucuns s’aventurent à dire qu’une liberté provisoire devrait être accordée à karim Wade ? Quelle lecture en faire ?
Ceux qui parlent de cette affaire ne maîtrisent pas ce qu’ils disent. Parce que le juge détient des éléments dont lui seul connaît le secret.

Ces éléments ne peuvent pas être publiés ?

Ils ne peuvent pas être publiés. Nous sommes en Afrique (et même en Europe supposons). Pensez –vous que le fils du Président de la république puisse être en détention de façon arbitraire et qu’il y ait des certitudes surtout que pour cette matière-là, ce code procédure pénale est extrêmement pointilleux, à fortiori le fils du Président Abdoulaye Wade ? Soyons logique. Pensez-vous que cela puisse être possible et que la folie ne souffle dans ce pays ? C’est une évidence. Vous savez que l’évidence ne se démontre même pas. Pensez un seul instant que même étant dans l’opposition ( je ne parle pas de Président de la république) que son fils soit en prévention sans objet et … Il n’y a rien de politique dans ce dossier, il n’y a rien de politique. Ce sont des biens nés de l’idée de l’Etat. Si je m’approprie ces biens, mais j’ai atteint le peuple.

Et si l’idée de négociations était engagée par Wade?

Ca je dirai tout de suite que je suis très mal placé pour en parler, c’est un problème de justice. Je me dis une fois encore que Wade je le connais bien, du moins, je prétends le connaître et qu’on ne triche pas avec lui.
Le frère du Président Macky, Alioune Sall brigue la mairie de Guédiawaye avec tout ce que cela amène comme commentaires.

Comment analysez-vous  cette situation ?

Ecoutez, ça, c’est dans le domaine politique. Parce que le Président Macky n’a jamais lié son destin à celui de son frère et son frère n’a pas à lier son destin à celui de Macky Sall. Vous savez, il faut distinguer deux choses. C’est une chose que j’ai soutenue récemment. Il y a deux choses : La relation du Président avec son frère c’est familial. Et maintenant les relations de son frère avec les populations, c’est autre chose, mais ce sont les dernières qui votent. La représentativité ne se décrète pas, c’est ça la réalité. Nous avons dépassé cette étape des élections rituelles. Nous ne sommes plus à l’époque où le Ministre de l’Intérieur annonçait les résultats au moment où on décomptait les bulletins dans les bureaux de vote. Les Sénégalais se sont approprié le droit de citoyenneté, ils l’exercent, maintenant celui qui est représentatif par ses relations, avec ses concitoyens, est ce que vous avez le droit de lui interdire cela parce que celui-là c’est mon fils ? Mais non… Le Président de la république ne peut pas décréter une chose pareille. Moi personnellement, je suis né à Fatick et j’ai grandi là-bas, mais si je ne suis pas représentatif là-bas, il ne peut pas. Je crois qu’il y a encore quelques vestiges dans les esprits des Sénégalais, les vestiges du parti unique, les vestiges des élections rituelles, ça c’est dépassé. La relation du Président avec sa famille et les relations de cette dernière avec les populations n’ont rien à voir. Les populations sont libres de choisir qui elles veulent. C’est ça la démocratie.

Votre dernier mot ?

Mon dernier mot est d’appeler à l’apaisement. Nous avons tous intérêt à ce que la paix règne dans ce pays, à ce que le PSE soit réalisé pour l’intérêt national et une fois encore, je ne permets pas en qualité de militant et responsable de l’APR, mais en qualité d’ami, qu’il recouvre la raison et qu’il se méfie de ses courtisans. C’est des individus qui sont capables de tout pour sauvegarder leurs intérêts cachés ou visibles. Et c’est valable pour tous les leaders. Ils ont le génie de susciter le désir chez l’individu, or ce désir prend pour épouse l’imagination et c’est ce qui pousse à tenir des propos du genre ‘’oui, on verra que…’’, revenons sur terre pour l’intérêt de la nation, voilà mon dernier mot.