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Coronavirus: même si le confinement fonctionne, l'épidémie peut revenir

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Coronavirus: même si le confinement fonctionne, l'épidémie peut revenir
SCIENCE - La France est en quarantaine. Ce mardi 17 mars à midi, la décision d’Emmanuel Macron de placer le pays en confinementquasi total pour enrayer la propagation du nouveau coronavirus Sars-Cov2 est devenue effective.

Il faudra attendre plusieurs jours pour voir l’impact de ces mesures sur l’épidémie de Covid-19 en France, qui compte 7730 cas confirmés et 175 morts au 17 mars). Le président de la République a annoncé que les mesures de confinement dureraient au minimum deux semaines et qu’elles étaient renouvelables.

Seront-elles efficaces? Combien de temps devront-elles durer? Sera-t-on définitivement débarrassé de ce coronavirus? Des questions sur lesquels nous n’avons pas de réponse définitive, ce qui force les autorités de santé à agir avec les preuves scientifiques à disposition. D’une part, le retour sur l’évolution de l’épidémie dans les autres pays (Chine, Corée du Sud, Italie) et l’impact des mesures de distanciation sociale et de confinement. D’autre part, les enseignements des modèles mathématiques mis au point par des scientifiques spécialisés dans l’analyse des maladies infectieuses.

L’une des équipes les plus prestigieuses au monde d’épidémiologistes vient justement de rendre public l’un de ces modèles, lundi 16 mars. Selon Le Monde, cette étude a été présentée à Emmanuel Macron jeudi dernier, avant l’annonce de la fermeture des écoles.

Des résultats applicables à la France

Dans ces 20 pages sont étudiées les trajectoires possibles de la pandémie de Covid-19, l’impact théorique de diverses mesures et la résurgence possible, et même tout simplement probable, du coronavirus Sars-Cov2 dans plusieurs mois.

L’analyse a été réalisée en prenant l’exemple de la Grande-Bretagne et des États-Unis, mais “les résultats seraient similaires pour la France, que nous allons inclure dans notre article final, de même que l’Italie”, explique au HuffPost Neil Ferguson, épidémiologiste à l’Imperial College de Londres, auteur principal de cette étude.

La simulation, toute théorique mais de grande qualité, imagine ainsi combien de millions de personnes pourraient mourir si rien n’était fait. L’étude calcule ensuite l’impact possible des différentes mesures de confinement et de distanciation sociale.

Elle montre surtout que même si ces mesures sont efficaces, une nouvelle épidémie pourrait éclater dans quelques mois si nous ne trouvons pas de vaccin d’ici là. Pour comprendre pourquoi, il faut revenir sur l’utilité de toutes ces mesures prises par les gouvernements du monde entier (confinement, fermeture d’école, traçage des contacts, etc).

Des mesures pour éviter une hécatombe

Les chercheurs ont imaginé un scénario très théorique afin de comprendre la virulence du coronavirus Sars-Cov2: celui où aucune mesure ne serait prise du tout.

Dans ce cas, un pic de mortalité aurait lieu au bout de 3 mois, avec 81% de la population britannique et américaine contaminée. “Au global, dans une épidémie non mitigée, nous prédisons approximativement 510.000 morts en Grande-Bretagne et 2,2 millions aux États-Unis”, affirment les auteurs. Et cela sans même compter les dégâts collatéraux du virus sur un système hospitalier totalement submergé par la vague épidémique.

Interrogé sur la question par Le HuffPost, Jean-Stéphane Dhersin, mathématicien à l’université Paris 13 spécialiste en modélisations des épidémies, met en garde contre une interprétation trop rapide de ces résultats. “Ces chiffres ne sont pas certains, mais il est clair que cela donne une tendance”, précise-t-il, rajoutant que Neil Ferguson et son équipe sont très réputés et que le modèle utilisé est très réaliste.

Les auteurs de l’étude ont choisi des hypothèses bien spécifiques pour modéliser l’épidémie: un taux de propagation et de mortalité défini, un nombre de patients asymptomatiques, etc.  Pas le choix: il y a tellement d’inconnues autour de Covid-19 qu’il faut prendre des décisions.

Les chiffres sont donc peut-être surestimés. Les auteurs expliquent eux-mêmes avoir pris des hypothèses conservatrices, c’est-à-dire pessimistes. Mais ils pourraient être également sous-estimés. Par exemple, Neil Ferguson et son équipe ont pris comme point de départ le fait que 50% des infectés passent entre les mailles du filet. Mais une étude publiée le 16 mars dans Science a trouvé un autre chiffre en analysant la situation à Wuhan début janvier: 86% des infections de Covid-19 étaient inconnues des autorités jusqu’au 23 janvier, selon ce calcul.

Aplatir un peu la courbe ne suffira pas

Les auteurs ont ensuite rajouté cinq mesures à leurs modélisations. Isolation des cas confirmés, isolation de son foyer entier, distanciation sociale uniquement pour les personnes âgées (les plus à risque), distanciation sociale généralisée et fermeture des écoles. Quoi qu’il arrive, aucune mesure individuelle ne peut suffire. C’est toujours un cumul de stratégies qui fonctionnent le mieux.

Toutes ces simulations peuvent se résumer ainsi: les mesures prises peuvent chercher à arrêter totalement l’épidémie temporairement, ou bien à aplatir simplement la courbe. Cette dernière option veut dire qu’autant de personnes seront contaminées (soit une grande partie de la population), mais sur une période plus étalée. Un tel scénario réduirait le pic de malades nécessitant des soins intensifs de deux tiers et le nombre de morts de moitié.

Mais même dans un scénario de mitigation “optimal”, la demande de lits serait huit fois supérieure à la capacité actuelle aux États-Unis ou en Grande-Bretagne. On peut le voir dans le graphique ci-dessous, où la capacité hospitalière est la ligne rouge horizontale tout en bas du graphique. Les courbes sont celles du nombre de malades en soin intensif en fonction des mesures prises.


Simulation du nombre de malades nécessitant des soins intensif en Grande-Bretagne. Ligne rouge horizontale : le nombre de lits disponible. Courbe noire : scénario où aucune mesure n'est prise. Vert: fermeture d'écoles. Orange: isolation des cas. Jaune: isolation des cas et quarantaines des foyers touchés. Bleu: pareil, mais avec une distanciation sociale pour les plus de 70 ans

Les auteurs estiment donc que cette stratégie n’est pas la bonne. On ne peut pas simplement aplatir la courbe. Ce qu’il faut, c’est réussir à stopper l’épidémie, à faire en sorte que chaque personne infectée contamine moins d’une personne en moyenne. Le plus efficace consiste à créer une distanciation sociale pour l’ensemble de la société, isoler les cas, mettre les foyers entre quarantaine et fermer les écoles.

Dans ce cas-là, comme on le voit dans le graphique ci-dessous, la courbe monte bien moins haut et chute plus vite, ce qui permet d’éviter un engorgement des hôpitaux. Le gros problème: “plus cette stratégie sera efficace pour une neutralisation temporaire, plus importante sera l’épidémie à venir en l’absence de vaccination”, explique l’étude.


Simulation du nombre de malades nécessitant des soins intensif en Grande-Bretagne. Ligne rouge horizontale : le nombre de lits disponible. Courbe noire : scénario où aucune mesure n'est prise. Vert: fermeture d'écoles, isolation des cas, quarantaines des foyers touchés distanciation sociale généralisée. Orange: isolation des cas, quarantaine des foyers et distanciation sociale généralisée. Le graphique du dessous est un zoom pour bien voir l'évolution des courbes
 

Car c’est tout le problème, que l’on ne voit pas encore vraiment tant nous sommes dans l’urgence. “La seule façon définitive d’en finir avec une épidémie, c’est que suffisamment de personnes soient immunisées”, rappelle Jean-Stéphane Dhersin. Pour cela, il n’y a pas 36 solutions: il faut soit avoir été infecté par le virus du Covid-19 et être guéri, soit avoir été vacciné.

Un combat qui pourrait durer des mois

Or, ce que nous apprend l’étude de Neil Ferguson, c’est que laisser le nouveau coronavirus toucher une majorité de la population entraînera un grand nombre de morts. D’où l’appel des auteurs à tenter l’autre solution: endiguer la propagation du virus. Mais même si nous réussissons à supprimer l’épidémie, elle risque de revenir. “Pour empêcher un rebond de la transmission, les mesures doivent être maintenues jusqu’à ce qu’un large stock de vaccins soit disponible pour immuniser la population, ce qui pourrait prendre 18 mois ou plus”, expliquent les auteurs.

“Il ne faut que quelques mois pour faire baisser le nombre de cas, mais il est ensuite difficile de lever les mesures prises”, nous précise Neil Ferguson. Ainsi, si la Chine et la Corée du Sud semblent avoir endigué l’épidémie, les deux pays “adoptent actuellement une stratégie consistant à effectuer un grand nombre de tests, ainsi qu’une mise en quarantaine et une distanciation sociale plus ciblées, mais de nombreuses mesures d’urgence sont encore en place”, précise-t-il. Et rien ne dit que Pékin et Séoul ne devront pas mettre en place des mesures plus contraignantes dans les mois à venir.

En clair, si l’on voit à plus long terme, il serait nécessaire d’appliquer par intermittence pendant de longs mois ces différentes mesures, allant de l’isolation de cas à la distanciation sociale en passant par la fermeture d’écoles. Au moindre signe de retour d’un pic épidémique, des fermetures et autres confinements devraient être à nouveau mis en place pour encore une fois endiguer la progression de l’épidémie. En attendant d’avoir un vaccin pour en finir véritablement avec le nouveau coronavirus.

C’est d’ailleurs ce qu’il s’est passé pour la grippe pandémique de 1918, qui a touché le monde entier en trois phases, la seconde ayant été de loin la plus mortelle.


La grippe pandémique de 1918 a touché en trois vagues. Ici, les vagues aux Etats-Unis

Quoi qu’il en soit, les auteurs de l’étude rappellent en guise de conclusion “qu’il n’est pas certain que la suppression réussira sur le long terme; aucune intervention de santé publique ayant des effets aussi perturbateurs sur la société n’a été tentée auparavant pendant une période aussi longue. La manière dont les populations et les sociétés réagiront reste incertaine”.


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