Entretien - Dr Aloyse Waly Diouf, directeur du Sneips : “ Ce qui est recommandé aux jeûneurs”

Les musulmans du monde entier ont entamé le ramadan, 30 jours de privation de nourriture et de boisson durant la journée. Cela nécessite donc un comportement alimentaire qui sera d’une importance capitale pour le jeûneur. Le Dr Aloyse Waly Diouf, directeur du Service national de l'éducation et de l'information pour la santé (Sneips), dans un entretien qu’il a accordé à Seneweb, explique quel comportement alimentaire doit avoir un jeûneur. Entretien …

Docteur, les musulmans ont débuté le mois béni de ramadan. Quel conseil donnez-vous aux jeûneurs?

Je commence d’abord par souhaiter un bon ramadan à toute la communauté musulmane du Sénégal. A l’entame de ce mois béni de Ramadan, il faudrait que chaque jeûneur puisse faire, d’abord, le bilan de son état de santé. Faire le bilan de son état de santé, surtout pour ceux qui sont porteurs de maladies chroniques, c’est se rendre auprès de leur médecin traitant, auprès des structures de santé pour voir et connaitre, un peu, le niveau d’évolution de leur affection. Surtout en ce qui concerne les maladies chroniques comme le diabète, l’hypertension, etc. Cela leur permet de pouvoir aborder le mois de ramadan avec beaucoup plus de sérénité.

Donc il était recommandé aux fidèles de faire au préalable le bilan de leur état de santé ?

Effectivement ! Cela devait être fait. Maintenant, ceci étant, une fois le bilan “pré-ramadan” (je vais l'appeler ainsi), il faut véritablement exercer un contrôle sur l’alimentation. On a l’habitude de dire qu’il ne faut pas manger ‘’trop salé, trop sucré’’, il faut bouger. Effectivement, quand vous jetez un regard sur l’alimentation pendant le mois de ramadan, c’est essentiellement aux deux moments de la journée, c’est-à-dire le matin (à l’aube pour le ‘’xëd’’) et le soir, à la rupture du jeûne (ndogu), que les gens mangent beaucoup. Il est important, le matin, de ne pas se gaver, c’est-à-dire de ne pas manger pour sentir son ventre plein, mais s’alimenter de manière très légère, très nutritive, consommer des aliments à haute valeur nutritive et surtout des aliments qui peuvent surtout renforcer la dynamique.

C'est à dire ?

C’est-à-dire qu’au matin, il faut consommer des aliments qu’on a l’habitude de consommer. Je parle du pain, du petit déjeuner, un peu de fruits. De préférence, les fruits comme les oranges permettent d’avoir un apport en vitamine C. Il ne faut, également, pas rester statique, tout au long de la journée. Parce que cette sédentarité, après avoir mangé, n’est pas souvent recommandée. Et le soir, nous avons l’habitude de constater que à la rupture du jeûne, on consomme beaucoup de sucre. C’est le café, le lait, le gâteau, mais aussi c’est ces types de pain, ces aliments à base de farine qui sont des sucres lents. En général aussi, le dîner est très huileux. Ce qui fait que la personne, après la rupture du jeûne, se retrouve avec beaucoup de toxines pour son organisme. Il faut donc, à la rupture du jeûne, éviter de manger tous ces sucres-là. Parce que nous ne sommes pas loin de la nuit. Consommer du sucre pour aller dormir, c’est aussi, souvent, favoriser le développement de ces maladies chroniques. Mais manger surtout des aliments riches en calories et privilégier aussi les fruits, après la rupture du jeûne, cela permet aussi de renforcer en calorie l’organisme.

Ramadan rime également avec excès de consommation la nuit, mais également un manque d’activité sportive. Que recommandez-vous aux jeûneurs ?

Ce qui est important, là j’insiste la dessus, c’est qu’après la rupture du jeûne, après avoir mangé, il est recommandé de toujours marcher un peu. Cela va permettre à l’organisme de pouvoir complètement s’accommoder de l’alimentation que le jeûneur vient d’acquérir. Cette marche permet à la personne de dormir dans de très bonnes conditions. Donc, ne pas manger trop sucré, trop salé, mais surtout ne pas manger pour avoir la sensation d’avoir rempli son ventre. Mais manger pour renforcer son organisme en calories. Nous savons qu’au début, c’est souvent difficile, mais au fur et à mesure qu’on s’avance dans le mois de ramadan, on sent que les forces s’amenuisent. Et c’est à cet instant où il faut véritablement redoubler la consommation d’aliments caloriques. Maintenant, quand je parle d’aliments caloriques, c’est essentiellement les fruits et surtout les légumes. Il faut manger des fruits, des légumes, du poisson, de la viande, mais manger aussi des aliments sains.

Qu’appelez-vous manger sain et pourquoi tenez-vous à insister sur ce point-là ?

Cela est important, encore une fois. Pour manger des aliments sains, il faut aller dans les lieux où la vente de ces aliments et contrôlée. Ça aussi, c’est très important. Je crois qu’il faut aussi qu’on le rappelle souvent à nos populations. Pour manger sain, il y a des endroits où les aliments, la viande, le poisson sont contrôlés. Donc, les populations doivent s’habituer à se rendre à ces endroits-là pour faire leurs marchés.

On voit généralement que c’est essentiellement en période de ramadan qu’apparaissent certains types de complications sur des sujets porteurs de maladies chroniques. Que doivent, selon vous, faire ces patients hypertendus, diabétiques et ulcéreux ?

Il est en effet connu que le changement de rythme alimentaire peut souvent entraîner des difficultés, dans le cadre de l’adaptation de l’organisme. Il est important pour les personnes porteuses de maladies chroniques aussi, après le ramadan de retourner auprès de leur médecin pour refaire le bilan. Donc toujours être en relation avec son médecin traitant. Toujours être en relation avec les structures de santé, mais surtout apprendre à manger, durant cette période de ramadan, des aliments contrôlés, avoir une nourriture saine, manger beaucoup de fruits ou de légumes, au moment des deux repas, et surtout éviter de manger trop de sucre parce qu’on voit qu’il y a beaucoup de friandises qui sont très sollicitées pendant ce mois de Ramadan. Je crois qu’il faut qu’on limite cette consommation.

Quels sont les fidèles qui ne doivent pas jeûner du fait de leurs maladies ?

Quand une personne est porteuse de maladie chronique comme le diabète, et que son diabète se décompose, il ne peut plus jeûner. Cela veut dire que quand son diabète n’est pas équilibré, il serait difficile pour cette personne de jeûner. Mais pour qu’on puisse constater que ce diabète n’est pas équilibré, pour qu’on puisse constater que cette personne a une hypertension qui ne lui permet pas de jeûner, il faut que cette personne puisse se rendre avant le ramadan auprès de son médecin traitant. Donc il est important (il se répète) avant de jeûner, que les Sénégalais, surtout ceux qui sont porteurs de maladies chroniques, puissent se rendre dans les structures de santé pour faire leur bilan et échanger avec leurs médecins traitants pour voir les dispositions à prendre dans le cadre de ce ramadan.

Youssoupha MINE