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Au Maroc, arrestation du « fixeur » d’une équipe de Canal+

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Canal +, bouquet de chaînes de télévision
Casablanca, 11 heures, lundi matin 30 novembre. Deux hommes en civil, visages fermés, attendent devant le 105, rue Mostafa-El-Maani, en centre-ville. Ils s’adressent au portier à qui ils demandent un certain Mohamed Drissi.
Au deuxième étage de cet immeuble moderne, planté dans cette artère populeuse, les équipes du site d’information en ligne ledesk.ma s’activent. Parmi eux, Mohamed Drissi, surnommé Simo par ses proches, 36 ans. Il est le directeur artistique du site d’information lancé début novembre et dont l’objectif est de renouveler les médias en ligne au Maroc, avec de l’enquête et du grand reportage.
Simo quitte son bureau et va à la rencontre de ses visiteurs restés sur le pas de la porte. Puis il remonte parmi ses collègues, ramasse ses affaires et part entouré des deux hommes qui ne sont autres que des fonctionnaires de la gendarmerie royale, qui enquêtent sur un documentaire sans lien avec les scoops déjà révélés par ledesk.ma.
« Il a été conduit dans un premier temps dans les locaux de la gendarmerie de Casablanca avant d’être emmené à Chefchaouen [à 330 km au nord de la capitale économique du royaume, dans le Rif] »,confie un collègue.
Diffusé le 18 novembre sur Canal+, Aux royaumes du shit est un film documentaire que la chaîne cryptée présente comme « une immersion sans précédent au cœur de l’un des commerces criminels les plus lucratifs de la planète ». Pour l’émission « Spécial investigation », le réalisateur Jérôme Pierrat, spécialiste du grand banditisme, a suivi pendant un an toutes les étapes de la filière du trafic de cannabis marocain. De la petite exploitation agricole aux confins du Rif, jusqu’à la traversée vers l’Espagne sur un Zodiac chargé de drogue, en passant par les ateliers où se confectionnent les « valises marocaines » (des blocs de résine de 25 kg), l’enquête donne la mesure d’une production de cannabis à l’échelle industrielle.
Et pointe des complicités au sein des autorités censées lutter activement contre le trafic.
Si Mohamed Drissi est en délicatesse avec les autorités marocaines, c’est parce qu’il a brièvement travaillé avec les équipes de Canal+. « C’était en juin. Nous avons employé Simo pendant quelques jours. Il nous a mis en relation avec un agriculteur. Son rôle était strictement celui d’un fixeur sur une mission ponctuelle et anodine », déclare au Monde Afriquele producteur, Marc Berdugo. Ce quinquagénaire, ancien grand reporter à l’agence Capa, est l’un des dirigeants de Magnéto Presse, qui a produit Aux royaumes du shit.
Pour un documentaire sur un sujet aussi sensible au Maroc – le royaume est le premier producteur exportateur de résine de cannabis en Afrique, selon le dernier rapport de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (ONU) –, l’équipe a dû jouer avec les contraintes locales. En premier lieu, l’administration : « Nous avons demandé l’autorisation de tourner, sans jamais recevoir de réponse des autorités, affirme Marc Berdugo. Mais nous avons continué. C’était un travail de longue haleine qui a nécessité plusieurs séjours sur place. Simo n’a travaillé que quatre jours en juin. »
Obtenir une autorisation de tournage est souvent un sujet de crispation entre les chaînes de télévision étrangères et le gouvernement marocain. De fait, le ministère de la communication marocain, sur son site Internet, conseille « aux demandeurs d’autorisations de tournage de ne se déplacer au Maroc qu’après l’obtention des autorisations ».
Or les équipes de journalistes n’ont souvent d’autre choix que de filmer clandestinement, ce que les autorités ne peuvent ignorer. « A l’époque où Simo a été brièvement fixeur, nous étions toujours en contact avec les autorités, poursuit Marc Berdugo. Comme nous l’avons fait avec la Guardia civil espagnole, nous voulions interroger les responsables de la lutte contre le trafic de cannabis, côté marocain. » Une demande là aussi restée sans réponse.

Le réalisateurJérôme Pierrat est formel : « Mohamed Drissi n’a pas été associé au reste du travail, et notamment le volet trafic. Pour ce type d’enquêtes, les tournages sont très compartimentés. Si nous avons contacté Simo, c’est parce qu’il avait déjà effectué un reportage photo sur ce sujet dans [l’hebdomadaire marocain] TelQuel, en 2014. Nous n’avons rien inventé. »
Jérôme Pierrat enfonce le clou : « Arrêter et poursuivre Simo est aberrant. De tous les interlocuteurs et protagonistes du film, c’est le seul qui n’a rien à se reprocher. Il nous a récupérés, mon cadreur et moi, à Tanger, nous a emmenés à Chefchaouen pour rencontrer un agriculteur et nous a raccompagnés. C’est tout. »

Faut-il y voir dans cette arrestation une tentative d’intimider les fixeurs qui collaborent avec les médias étrangers ou plutôt une mesure de rétorsion contre les producteurs du documentaire Aux royaumes du shit ? Marc Berdugo, lui-même marocain issu d’une grande famille de commerçants proches du palais, botte en touche : « Si un message devait m’être adressé, ça aurait été plus direct. » Jérôme Pierrat, lui, met en avant « l’urgence absolue de libérer Simo ».

Contactés, les proches de Mohamed Drissi sont particulièrement inquiets et se refusent pour le moment à tout commentaire. Des démarches ont été entreprises pour dénouer cette situation qui risque de crisper encore les relations, déjà difficiles, entre la presse et le pouvoir. Or, mercredi 2 décembre, après deux jours de garde à vue et une première prolongation, Mohamed Drissi a été placé en détention provisoire et un juge d’instruction a été désigné. Pour l’heure, l’avocat de Mohamed Drissi, Me Youssef Chehbi, n’a pas eu accès à son client. Faute d’avoir été prévenu à temps, il ne connaît pas encore les charges qui sont retenues contre lui.


3 Commentaires

  1. Auteur

    Passant

    En Décembre, 2015 (20:07 PM)
    Un article du Monde Afrique que le site iGFM s'approprie (intégralement) et que Seneweb reprend, à son tour, d'iGFM (in extenso). Les deux sites "copieurs" (voleurs, plus exactement) ne mentionnent pas la source, si ce n'est l'auteur de l'article lui-même qui cite son journal (Le Monde Afrique) à sa place.



    Ce constat met en lumière deux grandes tares des médias sénégalais : 1) une paresse proverbiale quand il s'agit d'aller chercher l'information ou de l'analyser et 2) une absence notoire de déontologie (non seulement, on ne fait pas l'effort d'enquêter, mais on "vole" éhontément le travail des autres !).



    Pour nous informer de ce qui se passe près de chez nous (Mali et autres pays d'Afrique, par exemple) et parfois même chez nous, nos médias n'ont d'autre choix que de reprendre les journaux étrangers, notamment français, dont ils copient-collent littéralement les articles, sans se soucier fe la dose de propagande qui sous-tend souvent ces publications très orientées et partisanes quand il s'agit de traiter l'information africaine dans les médias occidentaux. Nos journalistes, du moins ceux qui en font office, sont-ils à ce point incapables de regarder nos réalités avec leurs propres loupes et de les analyser avec leurs propres cerveaux ? Plus généralement, nos élites sont-elles condamnées à toujours penser à travers leurs anciens maîtres, pour paraphraser Cheikh Anta Diop ? A quand la véritable indépendance - mentale, intellectuelle et culturelle - de l'Afrique ? Doit-on en désespérer définitivement ?
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  2. Auteur

    Anonyme

    En Décembre, 2015 (23:02 PM)
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    Auteur

    Anonyme

    En Décembre, 2015 (13:43 PM)
    LE MAROC C'EST UNE DICTATURE. LES GENS N'OSENT PAS PARLER DE PEUR QU'ON LES DENONCE
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