Quand il s’agit de parler des conséquences de l’arrivée massive d’émigrés clandestins aux Iles Canaries, les responsables d'associations sénégalaises d’Espagne n’y vont pas par quatre chemins. Ainsi, pour Madiop Fall, président de l’Association des Sénégalais de Fuerteventura, une des îles de l’Archipel des Canaries, ‘à cause du phénomène des embarcations de fortune, l’image du Sénégal se dégrade de jour en jour’. Et M. Fall de se rappeler ‘la fierté de (ses) compatriotes quand on parlait du Sénégal tout en bien’. Ce qui n’est plus le cas, car de l’avis d'El Hadji Ngaïdo, président des Sénégalais de Tenerife, une autre île devenue tristement célèbre par l’arrivée sur ses côtes de milliers de subsahariens depuis le début de l’année 2006, les Espagnols ont une autre image du Sénégal en général et des Sénégalais en particulier. ‘Avant, on forçait le respect et la considération, mais maintenant on est vu sous un angle dévalorisant’, se désole-t-il.
El Hadji Ngaïdo n’est pas le seul à manifester ce sentiment de frustation. Il le partage avec Amsatou Mboup de l’association des sénégalais de Las Palmas de Gran canaria, la capitale économique de l’Archipel. Pour ce dernier, il faut tenir un langage de vérité aux jeunes sénégalais restés au pays. ‘On ne demande à personne de ne pas tenter sa chance en émigrant, mais que les gens le fassent de manière légale’. D'après lui, les Sénégalais d’Espagne, hier respectés, font de plus en plus l'objet d'actes de xénophonie. Il en veut pour preuve les grafitis sur les murs comparant les Sénégalais à des ‘singes de m...’. Des signes de racisme qui inquiètent Luc André Diouf Dioh. Secrétaire de la section Migration au niveau de la Commission ouvrière des Canaries, lui et d’autres membres d’associations pour la défense des droits humains, avaient convoqué dimanche derner un rassemblement à Las Palmas pour, disent-ils, barrer la route au racisme et à la xénophobie. ‘Les habitants des Canaries faisaient partie des gens les plus tolérants d’Espagne, mais avec le phènomène des pirogues et l’exploitation qu’en font les politiques, on note de plus en plus des cas de racisme et de xénophobie’, regrette Luc André.
Si la montée du racisme est à ses premiers balbutiements, les contrôles de police, eux, sont devenus plus fréquents, au grand dam des sans-papiers. Ce que confirme le président de l’Association des Sénégalais de Fuerteventura, Madiop Fall : ‘Maintenant les Sénégalais sont très contrôlés, et ceux qui n’ont pas de permis de séjour, en souffrent le plus’. Cette situation fait que certains irréguliers qui vivaient jusqu’à présent et de manière plus au moins paisible dans les îles Canaries, sont obligés de déplacer vers les Iles Baleares ou la péninsule pour s'y installer. Mais là aussi, l’image du Sénégal a connu une grande dégringolade à la bourse des valeurs des pays les plus côtés en matière d’émigration car les immigrés clandéstins libérés après 40 jours de détention, y sont transférés. D’ailleurs, dans les provinces sous le contrôle du Parti populaire, la principale formation de l’opposition, on parle de saturation. Pas plus tard que dimanche dernier, Mariano Rajoy, le leader du Pp, faisait référence à la métaphore d’un hôtel plein à craquer pour soutenir et défendre que l’Espagne ne peut plus recevoir d’émigrés clandestins.
Mais pour Moctar Bâ, coordinateur du projet Migration et développement, à Llerida, en Catalogne, ce n’est pas que dans l’Archipel des Canaries que l’image du Sénégal s’est dégradée. ‘Partout, on nous voit maintenant d’un autre œil. L’image du Sénégal est vraiment ternie’, regrette-t-il. Analysant les causes de l’émigration clandestine par le biais d’embarcations de fortune, il pense, à l’instar de ses compatriotes des mouvements associatifs, que cela ne vaut pas la peine de risquer sa vie dans les pirogues d’autant plus que l’Europe n’est pas un Eldorado. ‘Il est temps que les jeunes prennent conscience des problèmes socio-économiques auxquels l’Europe est confrontée aujourd’hui’, conseille le coordinateur du projet Migration et développement, une Ong qui vient de publier une étude dans laquelle il est mis en exergue le rôle des immigrés dans la satisfaction des besoins vitaux des parents restés au pays ainsi que leurs différentes réalisations. D’où ‘l’espoir et l’illusion qu’ont certains jeunes qu’ils peuvent eux aussi s’en sortir en Europe’.
Moctar Bâ est aussi d'avis que le gouvernement du Sénégal a une grande part de responsabilité dans cet exode massif des jeunes. A l’en croire, il n’y a aucune politique adéquate de développement et de création d’emploi adaptée à nos réalités. Madiop Fall, El Hadji Ngaïdo, Luc André Diouf, Amsatou Mboup et autres plaident tous pour la mise en place de projets de développement à même de redonner espoir aux jeunes sénégalais. Cependant, ils sont unanimes à recître que certains immigrés, de par leurs comportements, ont eux aussi une part de responsabilité dans le phènomène des embarcations de fortune. ‘Certains de nos compatriotes ne disent pas la vérité sur la réalité économique et sociale en Europe. En plus, ils cachent délibérement leur condition de vie’, soutiennent-ils, le cœur meurtri par la dégradation de l’image du Sénégal au royaume d’Espagne. Un pays où le Sénégalais n’a plus la cote, encore moins bonne presse.
1 Commentaires
Senior Sabodala
En Septembre, 2014 (15:24 PM)Participer à la Discussion