Si la responsabilité des Occidentaux dans la traite transatlantique n’est plus à démontrer, il n’en demeure pas moins que les élites autochtones ont eu à jouer un rôle de premier plan dans ce commerce odieux. Ainsi, du point de vue de l’analyse historique, il est prouvé que les élites africaines ont eu à livrer, mains et pieds liés, leurs millions de frères aux marchands d’esclaves.
Chaque année, le Sénégal, à l’instar du monde entier, célèbre ‘la journée du souvenir des victimes de l’esclavage et du commerce transatlantique des esclaves’. C’est l’Assemblée générale des Nations unies qui a décidé, en décembre 2007, de consacrer chaque année le 25 mars comme étant la Journée internationale de célébration du bicentenaire de l’abolition de la traite transatlantique des esclaves. Et choix ne pouvait être meilleur que l’île de Gorée, en particulier la maison des élèves Mariama Bâ pour abriter la cérémonie. Et conférencier ne pouvait être meilleur que le Pr Ibrahima Thioub, spécialiste avéré de la question de l’esclavage à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, pour en parler devant des élèves et des responsables d’Organisations non gouvernementales.
D’emblée, le Pr Ibrahima Thioub a retracé les mécanismes qui sont à l’origine de la traite transatlantique d’esclaves. Entre autres facteurs déclencheurs de la traite négrière, il y a le développement technologique, économique et social de l’Europe entre le 13e et le 15e siècles. Ces circonstances ont été le prétexte pour les puissances européennes de l’époque d’aller à la découverte du ‘nouveau monde’, c’est-à-dire l’Amérique. Les Portugais et les Espagnols seront les premiers à se livrer à ce commerce, avant d’être imités par les Anglais, les Français et les Hollandais. Ainsi, pendant 400 ans, de 12 à 15 millions d’Africains ont été traînés de force, après des voyages périlleux en navire, dans les Amériques où ils ont été réduits en esclavage dans les plantations de coton, maïs, café, banane et dans les mines d’or.
Cependant, si la responsabilité des Occidentaux dans ce qui s’est passé lors de la traite négrière est pleine et entière, il n’en demeure pas moins que les élites autochtones africaines ont vendu aux Blancs leurs propres frères mains et pieds liés. Selon le Pr Ibrahima Thioub, la plupart des acheteurs d’esclaves restaient sur les côtes et ce sont les Africains qui allaient chercher les esclaves à l’intérieur des terres. Cela est d’autant plus vrai qu’à ses yeux que ‘si l’Afrique a été vaincue au 19e siècle, ce n’est nullement à cause de sa faiblesse technologique’. Bien au contraire. Car, informe l’historien, ‘aux 14e et 15e siècles, l’Europe et l’Afrique étaient au même niveau de maîtrise de la métallurgie’. En plus, ajoute-t-il, ’des peuplements technologiquement moins nantis ont réussi à vaincre de grandes puissances. C’est le cas du Viêt-Nam qui a remporté une guerre devant les Usa et des Afghans qui ont neutralisé les Russes’. Pour lui, ce qui a fait la défaite de l’Afrique au 19e siècle, a été ‘la grande rupture entre les élites et le reste de la population pendant toute la période de la traite négrière qui a duré 300 ans’. Conséquence, dit-il, ‘quand l’Europe a pris la décision de la conquête, les peuples n’ont pas senti la nécessité de défendre les Etats qui ont participé à trois siècles de pillages et de razzias. Donc, les élites se sont senties isolées. Même ceux qui ont tenté des réformes en se rapprochant de l’islam ou de la religion chrétienne ont été très vite mis en minorité’.
Plus de deux cents ans après l’abolition de commerce odieux, les séquelles sur le continent africain restent irréparables. Et de l’avis de l’historien Ibrahima Thioub, la situation actuelle de l’Afrique et les rapports entre les élites politiques et les populations ne sont que les avatars de cette histoire peu glorieuse qui nous poursuit. ‘L’Afrique est restée sur ses positions subalternes. Cette situation résultant du commerce transatlantique des esclaves n’est pas encore achevée. Cette situation prend des formes nouvelles. Avec l’abolition de l’esclavage au Sénégal, on va faire face à la colonisation agricole avec la dictature de la culture de l’arachide. Après l’abolition de l’esclavage, les puissances européennes ont lancé la colonisation. A l’issue des combats qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale et l’accession à l’indépendance, les anciennes puissances ont maintenu le dispositif de domination par le renforcement de la présence militaire et le capital colonial s’est maintenu dans les différentes colonies. Même du point de vue culturel, le transfert du pouvoir politique s’est fait au profit d’élites complètement acquises à cette domination’, analyse-t-il.
Faisant un parallélisme entre les pratiques des dirigeants actuels de l’Afrique et ceux de l’esclavage et de la colonisation, le Pr Thioub y voit des résurgences de ce lourd héritage. Selon lui, malgré l’indépendance, les élites politiques ne sont pas parvenues à coller aux besoins sociaux des populations. ‘Il y a beaucoup de similitude entre ce qui s’est passé à la fin du 19e siècle en Afrique et ce qui se passe aujourd’hui sur le continent’, reconnaît-il. Ce qui fait que certains dirigeants sont particulièrement isolés par les populations soumises à la dictature et aux privations de toutes sortes. D’où les révoltes et les conflits armés qui sont légion sur le continent. Conséquence, les populations choisissent une intervention étrangère avec ses multiples effets néfastes que de vivre dans une dictature.
5 Commentaires
Movez Foy
En Mars, 2011 (03:48 AM)Dpapis4
En Mars, 2011 (04:09 AM)Alphaone
En Mars, 2011 (04:16 AM)Reply_author
En Novembre, 2021 (07:58 AM)Reply_author
En Novembre, 2021 (09:29 AM)Undefined
En Mars, 2011 (01:59 AM)Pape
En Mars, 2011 (13:56 PM)please read the book : the slave ship!
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