Au cœur de la polémique, le Valaisan a reçu «Le Matin Dimanche» pour évoquer sa relation au pouvoir et sa foi, voire sa fonction messianique, à la tête de la première économie mondiale.
Viège n’est pas exactement la première marche vers le pouvoir. Comment êtes-vous devenu le Valaisan le plus puissant du monde?
Quand
j’étais jeune, j’ai travaillé de nombreuses années, l’été, dans les
hôtels. On y rencontrait plein de gens et ça m’a toujours donné envie
d’aller voir d’où ils venaient. Parce que les montagnes sont trop
étroites, je devais sortir, j’avais cette très grande envie
d’«extérioriser».
«Forbes» vous classe parmi les hommes les plus puissants du monde. Vous ressentez-vous comme quelqu’un de puissant?
Je
suis le seul Suisse dans ce classement… Mais ce qui est puissant, c’est
le jeu, le football lui-même. Parce qu’il est basé sur le mouvement
instinctif de l’être humain de donner des coups de pied. Chaque homme
naît footballeur. La fascination pour le football est presque
philosophique puisque, quand on se met à en jouer, on tend vers le
déséquilibre: on tire sur un seul pied. Ensuite, d’autres symboles très
forts viennent s’ajouter: la balle est la sphère qui reflète la terre,
nous sommes dans un jeu qui a un but, au propre comme au figuré.
Soit, mais vous êtes un homme puissant, ne le niez pas.
Oui.
Mais justement parce que le football rassemble les peuples et leur
donne ce dont ils ont tellement besoin dans ce monde perturbé: des
émotions. Parce que, aussi, ce sport maintient l’espoir. Ces cinq
dernières années, en Irak, par exemple, personne n’a interdit le
football. Nous avons même pu installer une ligue féminine en Palestine.
C’est cela qui donne de la popularité et de la puissance à la FIFA, donc
à son président. On me reproche d’avoir trop de pouvoir, de cumuler les
fonctions de président et directeur général, soit, mais cette situation
est venue de la croissance rapide de ces dernières années. Nous allons
en changer.
Franchement, du pouvoir, vous en avez et vous aimez ça.
Oui,
j’en ai bien sûr. Mais je ne suis pas comme Machiavel qui disait: «A
quoi sert le pouvoir si ce n’est pas à en abuser?» Je mets toujours le
pouvoir en balance avec la responsabilité. En fait, je suis extrêmement
seul. J’ai un gouvernement qui n’est pas nommé par moi, mais par les
continents. Ceux-ci n’ont pas les mêmes priorités. Quand ils viennent
chez moi, ils défendent leurs intérêts.
A quel moment avez-vous ressenti ce vertige de la solitude devant une décision à prendre?
D’abord,
quand j’ai voulu convaincre mon comité exécutif d’organiser, un jour,
une Coupe du monde en Afrique. J’étais seul. Personne n’y croyait, tout
le monde pensait que nous perdrions de l’argent. Or nous n’en avons
jamais gagné autant. Pas seulement nous, la FIFA: aucune nation n’a
autant profité du Mondial que l’Afrique du Sud. Ce pays fait partie du
G20. Des entreprises européennes lui demandent même de l’aide. L’autre
moment de solitude, c’était pour ma réélection, en 2002. Là, c’était
d’une telle méchanceté, on n’en parle même pas. Cette année aussi,
devant le Congrès, j’étais seul. Mais dans cet isolement, je me sens
bien. J’ai une force intérieure, une petite voix qui me pousse. Corinne,
ma fille, me dit parfois: «Pourquoi tu continues? Laisse-les.» Mais je
dois le faire. Je n’ai pas fini.
La Coupe du monde en Afrique était un but suprême. Vous auriez pu vous arrêter là?
Non,
je vous le répète, je ne peux pas partir maintenant, je n’ai pas fini
ma mission. Il faut améliorer l’image de l’organisation. La FIFA, c’est
une population de 300 millions de personnes, soit à peu près la taille
des Etats-Unis. Dans un pays aussi grand, il y a forcément des crimes,
des tricheries. Mais personne ne dit jamais que les Américains
dysfonctionnent, que leur Constitution est mauvaise, que leur président
est corrompu. Pour la FIFA, on ne se gêne pas. On dénigre
systématiquement une institution qui sauve des vies, qui aide les
peuples, qui donne des émotions.
Vous avez un grand sens politique. Auriez-vous rêvé d’être conseiller fédéral?
La politique directe ne m’a jamais tenté. On m’avait approché pour être élu en Valais, mais j’ai refusé.
Vous auriez eu moins de pouvoir.
Oui, et je vous citerai Confucius: «Si tu as été cheval, ne deviens pas âne.»
Avez-vous les portables de Clinton, d’Obama, de Medvedev?
Je
n’ai pas leurs lignes directes, mais je sais comment les atteindre. Le
football joue un rôle social et politique si important que le président
de la FIFA est reçu partout comme un chef d’Etat.
Vous parlez souvent de votre foi, de votre sens de la mission. La fonction de pape vous aurait-elle plu?
Au
Collège de Saint-Maurice, j’ai été tenté un moment par une sorte de
vocation mystique. Je me sentais bien entouré, dans un internat très
religieux. Mais l’été je retournais dans le monde hôtelier, et la vie
était trop plaisante.
Dieu aime-t-il le foot?
Ah ça, oui, bien sûr!
Comment pouvez-vous en être sûr?
Je
peux vraiment vous l’assurer. Si le Bon Dieu n’aimait pas le football,
nous aurions eu des problèmes énormes en Afrique du Sud. Dieu nous a
protégés. J’étais allé prier la Madone à Einsiedeln avant de partir. J’y
suis retourné après. Cela dit, prier ne suffit pas, à côté il faut
bosser.
En Afrique du Sud, on vous ressentait comme un missionnaire.
Oui,
d’une certaine façon. Mon travail dans le foot, je l’avais commencé en
1976 à Addis-Abeba. J’essayais d’appliquer les programmes de
développement et les Africains m’ont tout de suite soupçonné d’imposer
des règles européennes. J’ai dû m’expliquer, j’ai compris. Après, nous
avons organisé plein de choses là-bas. Quand l’Afrique du Sud a été
choisie pour la Coupe du monde, Nelson Mandela a remercié «Blatter
l’Africain». C’était une belle reconnaissance.
Dans quel état voulez-vous laisser la FIFA?
Je
suis certain que nous arriverons à redorer un peu son image. Pour le
reste, la FIFA est solide. Elle est bien la maison de la FIFA. Elle abat
un travail énorme, dans le monde entier. Regardez: le football est la
première économie mondiale, avec un chiffre d’affaires annuel de 300
milliards de dollars.
On vous prête un instinct redoutable.
J’ai
d’abord un instinct de survie. Je suis né prématurément, avec deux mois
d’avance. On m’a jeté dans une petite corbeille à linge pendant des
semaines, il n’y avait même pas de berceau. Mais avant l’instinct, je
crois, il y a la conviction de faire juste. Quand vous êtes seul à
décider, sans personne vers qui vous tourner, cette conviction est
indispensable. Un autre principe que j’ai appris est de sentir
intuitivement si un problème doit être résolu tout de suite, ou si le
temps peut le régler. C’est un facteur de succès très important.
Quand
vous avez des phrases «chocs» sur le racisme, ou sur les footballeuses
qui devraient porter des shorts moulants, est-ce de l’instinct ou du
calcul politique?
Non, je ne calcule pas. Je dis ce que
je pense, c’est purement instinctif. Je suis toujours étonné des
réactions que je provoque.
Franchement? Un homme malin comme vous?
C’est
toujours ce qu’on me dit… Mais je suis sincère. Les shorts pour les
femmes, qu’ai-je dit de choquant? Regardez le volleyball, avec ses
petites tenues. Mon idée, ce n’est rien du tout, c’est un non-lieu. Dans
l’affaire du racisme, j’ai dit que sur un terrain de football les
insultes devraient finir par une poignée de main. On en a déduit que
Blatter niait l’existence du racisme. Moi, je ne calcule pas, je ne
provoque pas. Je dis ce que je pense. Et je vais vous le dire: si nous
tirons le bilan de mes années à la FIFA, les faits parlent pour moi. En
toute immodestie.
Vous vous êtes débarrassé de tous vos ennemis. Quel est votre secret?
Ecoutez…
Ça fait mal, tout de même. Il faut le dire: ça fait mal. En 2002, onze
membres du comité exécutif ont tenté de m’envoyer en prison. De ses onze
personnes, deux siègent encore.
Vous n’avez pas réussi à les éliminer?
Ce n’est pas nécessaire. Ils sont devenus de bons serviteurs du football.
Mais vous gagnez tout le temps. Quel est ce talent particulier?
Dans
votre journal, il y avait une caricature de l’équipe de Suisse. Un
joueur avait encore raté un penalty et ne savait plus comment les tirer.
L’entraîneur lui disait: «Demande à Blatter, il réussit tout.»
Pourquoi la presse anglaise vous déteste-t-elle autant?
Dans
les années 60-70, les grandes fédérations sportives étaient en main
britanniques. Ce n’est plus le cas. Les Anglais ont perdu le pouvoir et,
plus récemment, la Coupe du monde 2018. Ils y tenaient beaucoup, bien
plus qu’aux Jeux olympiques. Ils estimaient que le football devait
rentrer à la maison. Ce Mondial leur revenait de droit: quand ils sont
venus ici, avec Beckham, le prince William, et le premier ministre
Cameron, ils étaient sûrs de gagner. Or ils ont fait deux voix. Depuis,
ils cherchent par tous les moyens à justifier leur défaite.
Parlons du football romand. Vous inquiète-t-il?
La
situation en Europe est devenue globalement très difficile, car la
Ligue des champions écrase tout. Les pays souffrent. En Suisse, à deux
exceptions près, les clubs vivent au jour le jour, en cherchant des
mécènes et en oubliant de former des joueurs locaux.
Mais qu’arrive-t-il à Servette, à Xamax, à Lausanne?
Dans
le passé, la ligue a laissé Servette partir en faillite quand elle a
découvert que Marc Roger, l’agent français aux ambitions démesurées,
n’avait pas d’argent. Il arrivera pareil à Xamax. Avec les investisseurs
étrangers, on ne fait pas assez attention. Cela dit, Neuchâtel n’avait
déjà plus de public, comme Lausanne où l’engouement est trop faible.
Servette, lui, s’en sortira. C’est un bon marché. Pour moi, à l’opposé
de toute logique, il y a le FC Sion. Ce club est le contre-exemple
parfait. Il est devenu une institution valaisanne, un lieu de
rassemblement, quels que soient les joueurs alignés sur le terrain.
Partagez-vous
la philosophie «altermondialiste» de Michel Platini, qui regrette le
rachat du Paris Saint-Germain par des capitaux qatariens?
Michel est destiné à la plus haute fonction du football.
La vôtre?
Pour moi, c’est clair.
Vous dialoguez souvent, de là-haut, avec votre père. Ce père est-il fier de vous aujourd’hui?
Il
est très fier, ça oui! Mon père était un ouvrier, il a fini comme
mécanicien pour vélos. Il m’a vu entrer à la FIFA, avant d’être écrasé
par une voiture. Il disait que je ne gagnerai jamais ma vie avec le
football. Et là, il est fier, je le sais.
EN DATES
1936 Prématuré
Joseph Blatter naît le 10 mars à Viège, avec deux mois d’avance. Son père est ouvrier chez Lonza.
1960 Droit au but
«Bon petit avant-centre au FC Sierre», en première ligue, il passe un diplôme de commerce et d’économie politique à HEC Lausanne.
1970 Voies multiples
Il entre à la direction de Neuchâtel Xamax, après avoir été journaliste sportif, directeur des relations publiques à l’Office du tourisme valaisan, et secrétaire général de la Ligue suisse de hockey sur glace.
1975 Grande entrée
Il intègre la FIFA, dont il est le douzième employé (contre 350 aujourd’hui), à la tête des programmes de développement.
1998 Indétrônable
Il est élu président, puis reconduit en 2002, malgré des accusations de gestion frauduleuse stimulées par ses ennemis politiques. Nouvelles réélections en 2007 et le 1er juin de cette année, avec un suffrage soviétique (91,63% des voix), après que son sérieux rival, Mohamed Bin Hamman, ait écopé d’une radiation à vie pour corruption.
16 Commentaires
:down:
En Décembre, 2011 (23:27 PM)Funckie
En Décembre, 2011 (23:34 PM)pouffffffffffffffff vous tombez bas
De qui vous vous foutez??? hein seneweb vous voulez attirer les polémiques? maintenant c'est ça vos sujets sensibles Dieu, Islam.............. bla bla
Makadaam
En Décembre, 2011 (23:56 PM)Laui
En Décembre, 2011 (00:11 AM)Zac
En Décembre, 2011 (00:18 AM)pour vous montrez combien ce monde est futile et amer ,dans un futur très prés nous serons rassemblé devant LUI donc pourquoi hâter sa colère.
souvenez vous lorsque vous étaient a l'école primaire à aujourd'hui :on dirait que c'était hier tellement le temps nous trompe .
et le jour j est irrévocable
Nafi
En Décembre, 2011 (00:36 AM)Lol
En Décembre, 2011 (00:43 AM)Kkhaly
En Décembre, 2011 (04:06 AM)Abced
En Décembre, 2011 (05:34 AM)Sos
En Décembre, 2011 (07:49 AM)cette information m'a été révélée par un de ses confréres que j'ai revu des années aprés et qui été stagiaire à l'époque dans son cabinet dentaire.
aujourd'hui les dégats sont énormes et couteux. je veux faire le bon choix cette fois!
C...con...
En Décembre, 2011 (08:20 AM)....
Lili
En Décembre, 2011 (10:21 AM)Lunique
En Décembre, 2011 (13:34 PM)Kheusba
En Décembre, 2011 (16:24 PM)Mamadou Antou Faye
En Décembre, 2011 (13:19 PM)Neene
En Décembre, 2011 (12:37 PM)si votre probleme n a pas encore trouve solution je vous recommande un excellent praticien rue Carnot pas loin de la pharmacie qui fait angle avec Lamine Gueye
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