TAPHA TINE APRÈS SA VICTOIRE SUR ELTON : « Balla Gaye 2, n’a qu’à m’affronter »

Chemise blanche sur un jean bleu, le tout assorti d’un t-shirt et des baskets noirs, Tapha Tine dégage une allure de Bad Boy. Ses gestes accentuent son « look » à l’Américaine. Les cheveux teintés, le patron de Baol Mbollo qui s’entend bien avec ses camarades d’écurie, revient de long en large sur son combat avec Elton de l’école de lutte Balla GayeI. Le vainqueur du lieutenant de Balla Gaye II a dans son viseur ce dernier. « Balla Gaye ne peut pas m’éviter », ainsi s’est déclinée la conviction de Tapha Tine. Ses ambitions, sa reconversion, son plan de carrière, ont été passés en revue par le champion qui dit avoir sa place dans le cercle restreint des ténors de l’arène Sénégalaise. Tapha Tine se lâche.

Lors de votre combat contre Elton, ce samedi pourquoi avez-vous opté pour la bagarre ? Est ce parce que vous ne pouviez pas le combattre en lutte pure ?

Je remercie d’abord tout le monde. Tous ceux qui m’ont soutenu durant ce combat. Surtout les supporters. Ce combat contre Elton nécessitait beaucoup de chose. Nous avons signé un contrat. Je pense que nous l’avons rempli. Ce combat était très important pour moi. J’avais préparé ce que vous avez vu et je l’avais gardé pour moi, je n’avais pas voulu le dire à personne avant le combat. Parce que mon adversaire a beaucoup bavardé. C’est lui qui me réclamait à travers les journaux et les radios. Finalement des gens me disaient que j’ai peur de lui. Il est allé jusqu’à me mettre en mal avec les amateurs de lutte, sinon avec tout le Sénégal, en disant que j’ai peur de l’affronter. Alors j’ai pris la décision : le rouer de coups et le terrasser. Je savais qu’il ne pouvait pas me battre en aucune façon.

C’est-à-dire le corriger pour lui montrer que vous êtes plus fort que lui ?

Oui. Parce que je voulais le bastonner et le terrasser. Parce que je sais qu’il ne peut rien faire contre moi, en lutte pure. Ce que j’ai fait dans la lutte traditionnelle, lui, il ne l’a pas fait. Je ne suis pas son égal. C’est pourquoi j’ai pris cette décision de le battre par la boxe.

Au fait comment avez-vous préparé ce combat ?

Bon ! J’ai bien préparé le combat. Comme d’habitude. Moi je me prépare tout le temps, avant et après les combats. Je n’attends jamais d’avoir un combat pour me préparer. Je me prépare toujours en conséquence. Si je n’ai pas de combat chaque jour je fais une séance d’entraînement. Parce que si vous attendez d’avoir un combat pour vous préparer vous risquez d’être saturé. C’est pourquoi je procède ainsi.

Etes-vous satisfait de cette victoire ? Surtout de cette manière ?

(Ndlr, Tapha Tine a battu Elton suite à une décision médicale, le 30 juillet 2011). Moi je voulais le battre par ko. Mais ainsi que Dieu a décidé. Je n’y peux rien. Mais les médecins ont dit qu’il ne pouvait plus continuer. J’étais prêt à continuer. Car après je me suis repositionné pour l’attendre. Mais finalement après décision, l’arbitre a soulevé mon bras pour me donner la victoire.

On sait que votre adversaire encaisse bien des coups. Il ne recule pas. C’est comme s’il voulait en finir une bonne fois pour toute. Est-ce une stratégie selon vous ? Comment appréciez-vous cette façon de lutter d’Elton ?

Il est brave. Il lutte comme ça. Je l’ai toujours suivi. Il ne recule pas. Il encaisse. On m’avait dit que c’est un grand encaisseur. Mais je me dis que cela dépend des coups et de la force de frappe de son adversaire. Il ne pouvait pas me contenir.

Maintenant que vous avez battu Elton, vous l’avez déclassé. Vous avez dit que ceux qui sont sur votre ligne de mire se connaissent. Qu’en est-il de Balla Gaye II ? Car vous avez défié le vainqueur entre lui et Tyson ?

Je veux lutter avec lui. Oui. (Il insiste). Je sais de quoi je parle. Ce sera une bonne affiche et un agréable combat de lutte. Balla Gaye II ne peut en aucune façon me refuser. Je suis prêt à l’affronter.

Y-a-t-il d’autres potentiels adversaires ?

La saison est finie, pour le moment on attend pour voir ce qui va se passer l’année prochaine. Si on cite dix personnes parmi les ténors de l’arène, on ne peut pas ne pas penser à moi. Alors, il n’y a pas de problème attendons de voir.

On reproche souvent aux lutteurs de refuser parfois certains adversaires, choisis par les promoteurs. Eux-mêmes disent que c’est ce qui fait que vous pouvez rester un bon moment sans avoir de combats. Est-ce votre cas ?

En tout cas, aujourd’hui, j’ai des choix. Et ce, depuis ma victoire contre Thièk. Seulement, j’ai accepté de lutter avec Elton parce qu’il criait partout pour me réclamer. Alors, je l’ai pris et me suis débarrassé de lui. Mais, je suis dans la cour des grands, on doit me donner de grands lutteurs. J’appartiens à ce cercle restreint des grands lutteurs. J’ai dépassé ce niveau. Bombardier a terrassé Thièck. Et moi, j’ai terrassé celui-ci, c’est ça.

Alors quelles sont véritablement vos cibles ? Parce que l’on dit que vous devez donner la chance aux plus jeunes...

D’aucuns disent que je dois donner des chances aux autres. Mais je ne suis pas à ce niveau. Je suis jeune. J’ai travaillé dur pour arriver à ce stade. Je mérite d’être parmi les ténors. C’est Tyson qui est notre grand, qui peut donner des chances. Lui peut le faire. Moi, aujourd’hui, je suis dans la cour des grands. Je suis parmi les ténors. Je n’y pense même pas. Ce n’est pas aisé de me faire sortir de ce cercle. Je ne suis entré dans la lutte qu’en 2005.

Après votre victoire sur Thièck, vous êtes resté longtemps sans combat. Qu’est ce qui explique cette longue attente ?

Je dois dire que je n’ai pas eu d’année blanche depuis 2005. Peut-être que les combats sont trop espacés. C’est parce que j’ai lutté avec Thièck en fin de saison, l’année dernière, comme cette année d’ailleurs. C’est cela.

Comment analysez-vous, en tant que lutteur le combat Balla Gaye II-Tyson ?

Bon c’était un combat de lutte. Balla a battu Tyson. Celui-ci est son grand. C’était juste sa chance, ce jour-là.

D’ailleurs, êtes-vous prêt à affronter Tyson ?

Mais oui. C’est un lutteur comme tout le monde. C’est un grand. Mais je veux croiser le fer avec Balla Gaye II. J’ai terrassé son lieutenant, Elton, alors qu’il m’affronte. Il ne peut pas m’éviter. Il doit accepter de lutter avec moi.

Est ce que Balla ne vous a pas dépassé aussi ?

(Catégorique) Non. Lui ne peut pas me déclasser. Non.

Mais lui pense à Yékini ?

D’accord. Comme moi aussi je pense aussi à Yékini.

Parlons maintenant de votre écurie Baol Mbollo. Vous êtes la tête de file, souvent les têtes de file n’encadre pas les jeunes. Quel est votre rôle dans votre écurie ?

Assister les lutteurs. Chaque fois que quelqu’un a un combat, je l’aide. Et le jour du combat, je vais au stade, je l’assiste. Je n’ai pas ce problème vraiment. Je n’ai aucun problème. Ils sont tous mes partenaires.

Alors une bonne relation avec vos camarades lutteurs ?

Nous avons de très bonnes relations. On mange ensemble. On est tout le temps ensemble.

Aujourd’hui le côté mystique a atteint un niveau très élevé dans l’arène. Comment avez-vous préparé ce face-à-face contre Elton. Parce qu’il n’est pas négligeable quand même. C’est un grand lutteur ?

Si Elton me battait, ce serait la catastrophe pour moi. J’allais avoir un grand problème. Parce qu’il m’a tant réclamé qu’il était hors de question pour moi de perdre. Sinon je serais à l’étroit dans l’arène. C’est pourquoi j’ai tout fait pour le battre. J’ai tout dépensé sur le mystique. Je n’avais rien négligé. J’ai dépensé tout mon cachet. Parce qu’il ne fallait pas que des petits comme Elton me barrent la route.

Le mystique est aussi important à ce point pour vous ?

C’est très important. Mais franchement, dès que je suis dans l’enceinte avec mon adversaire, j’oublie l’aspect mystique. Je ne compte plus sur cela. Je ne pense qu’à ce que j’ai travaillé durant la préparation du combat. C’est cela qui est important pour moi. Voilà !

Permettez-moi d’insister, au lendemain du combat Tyson-Balla, beaucoup de personnes disaient que le chef de file de Boul Falé ne voyez pas son adversaire, malgré tout cela vous réclamez autant Balla Gaye II.

(Il parle avec assurance). Vous savez nous sommes des Sénégalais. Nous avons trouvé nos grands parents avec le « mystique ». Nous suivons leurs pas. Le jour de la confrontation Tapha Tine-Balla Gaye II, chacun ira voir ses parents. Et l’on verra. Le « mystique » et la lutte vont de pair. Je prends des bains, je bois et le reste… Je n’ai pas peur de Balla Gaye II sur le plan mystique.

Vous est-il arrivé de ne pas voir votre adversaire au cours d’un combat ?

Non franchement. Cela ne m’est jamais arrivé.

Pour en revenir aux promoteurs, le constat serait qu’aujourd’hui chaque lutteur à son promoteur préféré. Etes-vous dans cette dynamique ?

Non, moi je n’ai pas de promoteur préféré. La preuve, j’ai lutté pour beaucoup de promoteurs : Gaston, Luc Nicolaï, Serigne Modou Niang, Pape Abdou Fall…Baol Mbollo, cela dépend du promoteur qui organise. ` Mais comment voyez-vous cela ? Pensez-vous que cela fait avancer la lutte ?

Non. Je ne suis pas d’accord sur cela. Ça ne fait pas avancer la lutte.

D’aucuns disent aussi que des lutteurs, avec l’aide des promoteurs, cherchent des raccourcis pour « monter » dans l’arène. À la limite il saute des étapes ?

Effectivement, cela existe. Il y a des lutteurs qu’on pousse. On leur fait sauter des étapes. Mais je n’en fais pas partie. Si vous regardez mon parcours, vous verrez. Je ne cite pas de noms. Il y a des lutteurs qui ont brûlé des étapes. Chaque saison devient plus difficile pour moi. Mais si vous regardez mes combats contre Abdou Diouf, Thièck.. C’est toujours comme ça pour moi. Mais je suis venu gérer tout cela et je les ai terrassés eux tous.

Aujourd’hui les lutteurs ont l’habitude de préparer leur combat à l’extérieur. Songez-vous le faire devant un Gris-Bordeaux ou un Balla Gaye II

J’y pense vraiment. D’ailleurs, d’ici peu de temps j’irai aux Etats-unis. Mais ce n’est toujours pas évident. Car on a vu des lutteurs, lors d’un combat contre Tapha Tine, aller se préparer aux Etats-Unis et pourtant je les ai terrassés. Contre Abdou Diouf, on m’a appelé pour me parler de son état de forme. On me disait que c’est un suicide de l’affronter. Mais je l’ai terrassé sans problème. Thièck je l’ai battu alors qu’il est allé se préparer en Angleterre

Mais vous partirez pour bâtir votre physique ?

Oui. Et d’ici peu temps.

Quel a été le montant de votre cachet contre Elton ?

Demandez-le à Luc Nikolaï (rires…)

Tapha comment analysez-vous la relation entre la presse et les lutteurs ? On constate que très souvent quand les journalistes posent des questions gênantes, certains lutteurs s’énervent. Il arrive qu’il y ait des menaces.

Là, je ne suis pas d’accord. Parce qu’entre vous (il fait allusion aux journalistes) et nous, il y a un lien extraordinaire. Si on nous connaît aujourd’hui c’est grâce aux journalistes. On est des collaborateurs. Les lutteurs, à mon avis, doivent respect à la presse. Moi je ne crie pas sur un journaliste. Parce que, quoi qu’on dise, vous avez beaucoup participé au professionnalisme des lutteurs. Alors nous devons vous vouer respect et considération. Vraiment.

Parfois l’on appelle pour vérifier une information, mais les lutteurs s’énervent. Pensant que le journaliste est une taupe des adversaires, qu’en pensez-vous ?

Je pense que cela est dû simplement à l’ignorance méconnaissance de la part des lutteurs. C’est un problème de compréhension. C’est juste ça. On peut éviter quand même beaucoup de choses.

Comment gérez-vous votre hygiène de vie ? Des lutteurs disent parfois qu’ils ne vont pas en boîte, ils n’ont pas de copine, alors qu’en réalité ce n’est pas toujours le cas ?

Mois je ne pars pas en boîte. Mais n’empêche qu’il arrive qu’il y ait un ami musicien qui m’invite. Je peux y répondre pour lui faire plaisir. Sinon aller parfois au restaurant, passer un bon moment et revenir. Je fais cela parfois. Mais il y a toujours mon entraîneur qui m’accompagne ou quelqu’un d’autre de mon staff.

Etes-vous marié ?

Non

Mais tu as une copine quand même ?

(Il se marre). Qu’est-ce qui vous l’a dit. Chaque fois on me demande cela. Oui j’ai une copine.

Mais vous pensez à vous marier ?

Non, pas pour le moment.

Pourquoi ? Vous pensez à votre carrière, c’est ça ?

(Il se marre encore). Oui, ce qu’on fait ne rime avec pas avec une épouse, je préfère me faire de l’argent pour le moment.

On voit aujourd’hui que les lutteurs aiment faire le « bad boy ». Ils achètent de belles bagnoles, soigne bien la mise, roulent dans de belles voitures à 50 millions. C’est le cas chez vous ?

Avez-vous vu un lutteur roulez avec une voiture de cinquante millions ?

C’est le cas de Balla Gaye qui roule avec une belle bagnole ou Eumeu Sène.

C’est vrai, ils conduisent de belles voitures, mais je ne pense pas qu’ils les ont achetées à 50 millions. Un lutteur ne fait pas une telle somme pour une voiture. Surtout ceux qui sont au Sénégalais. Mais aussi, si on a les moyens c’est normal.

Avez- vous un métier ?

Pour le moment, je ne fais que lutter. On ne peut allier la lutte avec autre chose. Sinon investir une somme et laisser quelqu’un la gérer.

Mais pensez-vous à votre reconversion ? Investir sur quoi ?

Oui j’y pense. On se prépare pour ça. Maintenant qu’on est jeune. Je songe à investir et construire des immeubles comme le vôtre, (Siège de l’office). Pour quoi pas ?

Vous avez quel âge ?

J’ai 28 ans. Je n’ai pas « retaillé » mon âge. Je le précise. Je ne fais pas comme les autres lutteurs qui disent : « j’ai 23 ans alors qu’ils en ont plus.

Vous comptez arrêter votre carrière à quel âge ? A 45 ans ?

C’est une grande question. Conformément à la carrière d’un lutteur, on ne doit pas dépasser 45 ans. Cela peut être un risque. Des gens ont fait cela, mais ils ont vu les conséquences. Cela ne sert à rien qu’on vous humilie. Il faut s’avoir partir à temps.

Tapha et le ramadan ?

(Il rigole). Franchement, je jeûne. Je respecte ce mois béni.

Le dernier mot ?

Je remercie tout le monde. Mon staff. Tout le monde.