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Economie

Entretien avec… Cheikh Tidiane Kâne Diallo, économiste assureur-crédit : ‘Il y a nécessité de créer une banque du commerce extérieur au Sénégal’

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Entretien avec… Cheikh Tidiane Kâne Diallo, économiste assureur-crédit : ‘Il y a nécessité de créer une banque du commerce extérieur au Sénégal’
Malgré ses nombreux atouts, le Sénégal peine toujours à développer son commerce extérieur. Une situation qui irrite l’économiste et assureur-crédit Cheikh Tidiane Kâne Diallo. Dans l’entretien qu’il a nous a accordé, ce titulaire d’un diplôme de 3e cycle en économie internationale et Développement de Paris 1 donne la clé de la solution.

Wal Fadjri : Le Sénégal peine à développer ses exportations, quelle en est la cause selon vous ?

Cheikh Tidiane Kane Diallo : Effectivement, le Sénégal éprouve d’énormes difficultés pour développer ses exportations. Les causes sont nombreuses et sont de divers ordres. Le cadre adéquat pour permettre à l’entreprise exportatrice d’être compétitive n’est pas défini. L’environnement dans lequel doit baigner cette entreprise est défavorable. On note des facteurs bloquants comme les lenteurs administratives qui découragent les opérateurs économiques. Malgré la mise en place de Trade-point, ce problème tarde à se résoudre. L’exportation relevant du professionnalisme, nos entreprises gagneraient à disposer de toute la logistique nécessaire pour préparer la commande à expédier. Mais en tout état de cause, le principal facteur est l'absence du nerf de la guerre, c'est à dire le financement des exportations pour permettre aux Petites et moyennes entreprises (Pme) exportatrices d'obtenir des financements pour faire face aux bons de commande.

Wal Fadjri : Quel est le rôle des banques dans tout cela ?

Cheikh Tidiane Kane Diallo : Au Sénégal, les banques traditionnelles n'ont pas à jouer ce rôle. Elles sont des institutions privées avec une certaine logique à respecter et à suivre. Donc, il ne leur appartient pas d’exploiter ce genre de financement. Pour un certain nombre de petites et moyennes entreprises, l’accès au financement au niveau des banques pose problème. Pour les Pme /Pmi, les conditions d’obtention d’un financement ne sont pas réunies. ‘Pas de garantie, pas de financement’, disent les banques traditionnelles. Mais, nous pouvons les comprendre dans la mesure où elles sont tenues de respecter la déontologie. Si l’on sait que le tissu économique du Sénégal est composé de Pme/Pmi, il urge de mettre en place des mécanismes qui puissent prendre en charge les desideratas de cette catégorie d’entreprise dont le dénominateur commun est l’absence de trésorerie pour faire face aux coûts de fabrication des produits destinés à l’exportation. Et aider la Petite et moyenne entreprise c’est participer au développement du Sénégal.

Wal Fadjri : Dans ce cas, quelle est la solution si l’on sait que le Sénégal ne semble pas avoir trouvé la bonne formule malgré les nombreuses initiatives comme le Cices, l’Asepex, le domaine industriel, entre autres ?

Cheikh Tidiane Kane Diallo : L’Etat du Sénégal, dans le cadre de sa politique de promotion des exportations, a toujours cherché à équilibrer sa balance commerciale. De nombreuses initiatives sont prises dans ce sens. Le Centre international du commerce extérieur (Cices) a été mis en place pour faciliter les échanges entre nos opérateurs économiques et le reste du monde. En somme, il devrait faire des efforts dans la recherche de débouchés et dans l’analyse des marchés à l’étranger en vue de rapprocher l’offre à la demande. L’Agence sénégalaise de promotion des exportations (Asepex) se veut une plateforme intégrée des services export en faveur des entreprises et de leurs associations professionnelles. Elle a donc pour objectif principal de favoriser le développement continu et durable de même qu’une diversification accrue des exportations. Il en est de même pour les domaines industriels. Et malgré toutes ces initiatives, nos exportations ne décollent toujours pas. Donc fort de ce constat, l'Etat du Sénégal devrait songer à mettre en place une banque qu'on pourrait appeler, par exemple, la Banque sénégalaise pour le commerce extérieur dont le rôle sera de financer les exportations. Dans ce cas, elle peut mettre deux types de financement à la disposition des entreprises exportatrices. Il s’agit des financements avant et après expédition. Dans le financement pré-expédition, on pourrait aider l'entreprise exportatrice à pouvoir faire face aux coûts de fabrication et même à l'exportation du produit. Sous ce rapport, l'exportateur pourrait faire face par exemple au coût de fret, un facteur souvent bloquant pour l’exportateur sénégalais. Ce type de financement pourrait donc prendre en charge les besoins qu’éprouvent les entreprises pour être de véritables exportatrices professionnelles.

Le financement post-expédition permet à l'exportateur, en attendant de recevoir le règlement d'une créance, de bénéficier d'un autre financement pour préparer un nouveau bon de commande. Surtout qu'il n'est pas indiqué que l'entreprise exportatrice pourrait attendre 3 mois voire un an (durée du crédit), pour recevoir le règlement de sa créance. Il aurait, en échange, l’opportunité de lui faire bénéficier d'un financement en attendant que le règlement de la créance de l'autre expédition soit effectif (...).

Wal Fadjri : Dès lors, quel sera alors le rôle de l'assureur-crédit au profit des entreprises exportatrices ?

Cheikh Tidiane Kane Diallo : Dans ce cas de figure, l’assureur-crédit jouera, dans un premier temps, un rôle de prévention à partir de ce qu’on appelle l’information financière et commerciale (Enquêtes de solvabilité). Mais aussi un rôle indemnitaire sans oublier qu’il se chargera aussi du recouvrement de la créance en cas d’impayé. Mais il ne faudrait aussi pas oublier le rôle le plus important. A savoir qu’à partir du nantissement de la police d’assurance-crédit au profit de la banque, l’exportateur peut facilement bénéficier d’un financement. Ainsi à la place des sûretés traditionnelles exigées auparavant, se substitue le nantissement de la police. Par ailleurs, en amont, avec les garanties dites ‘assurance prospection’ et ‘assurance foire’, l’exportateur pourrait facilement promouvoir ses produits aux fins d’obtenir des débouchés sans gêner la trésorerie. Ce qui fait qu’en amont, l'assureur permettra à l'entreprise exportatrice de bouger et de faire de la prospection dans les marchés. Car, il faut que les exportateurs sortent pour faire connaître leurs produits. Les garanties ‘assurance prospection’ et ‘assurance foire’ doivent aussi être créées au Sénégal car la Société nationale d'assurance du crédit et du cautionnement (Sonac. Sa) ne l'exploite pas encore. Et pourtant, ce sont des types d'assurance qui facilitent les déplacements des exportateurs pour chercher des clients à l'étranger. En ce moment, il y aura une indemnisation à recevoir si la prospection est négative. De la même manière, la garantie ‘assurance foire’ va aussi vous dédommager quand elle ne revient pas avec des bons de commande. Ces deux actions relèvent de l’aléatoire. Par conséquent, l’entreprise hésite à préfinancer ces actions hautement stratégiques dans le développement des exportations. En définitive, il faut retenir que l'assurance-crédit à l'exportation assure la rentabilité financière de l'entreprise. Notamment en lui permettant d’augmenter son chiffre d’affaires. Mais aussi la rentabilité économique en ce sens que des rentrées de devises seront enregistrées pour le compte de l’économie nationale. Il répond également au déséquilibre de notre balance commerciale.

Wal Fadjri : Autant dire qu’on n'a pas au Sénégal un bon produit en assurance-crédit à l'exportation ?

Cheikh Tidiane Kane Diallo : On remarque que la Société nationale d'assurance du crédit et du cautionnement (Sonac) développe plus l'assurance de crédit intérieur, du crédit à la consommation. Elle garantit les banques, fait de la caution commerciale, professionnelle et des marchés, fait de l'assurance perte de loyer. Elle donne des garanties pour certaines banques. Des produits qui n'ont rien à voir avec la garantie à l'exportation. Mais, on la comprend dès lors qu'elle veut assurer une certaine rentabilité après la privatisation de l'agence. Malheureusement, le rôle originel de la Sonac qui s'appelait l'Agence sénégalaise d'assurance pour le commerce extérieur (Asace), est négligé. La Sonac.Sa n'a pas réellement un portefeuille assuré consistant en assurance-crédit à l'exportation. Peu d'entreprises exportatrices sollicitent aujourd'hui la Sonac.

Je suis pour que les moyens de cette société soient renforcés. Ce qui lui permettra d’être en mesure d’exploiter d’autres types de garantie qu’elle n’est pas en mesure de délivrer à l’heure actuelle. Comme par exemple la garantie des investissements qui pourrait jouer un rôle déterminant dans l’économie nationale.

Wal Fadjri : La structure du commerce d'exportation de certains pays comme le Sénégal subit des changements profonds depuis plusieurs années maintenant. Qu'est ce qui l'explique ?

Cheikh Tidiane Kane Diallo : La forte dépendance à l'égard des exportations de produits primaires fait place à un accroissement régulier des exportations de produits manufacturés. Cette évolution met en évidence les insuffisances des moyens de financement des exportations existantes. Devant l'accroissement de la concurrence entre fournisseurs, les échéances des crédits à l'exportation ont été allongées et les conditions de crédit ont été libéralisées. De ce fait, le succès des efforts déployés pour promouvoir les exportations de leurs produits manufacturés et intensifier le commerce entre eux dépendra dans une large mesure de leur aptitude à offrir des conditions de crédit qui soient compétitives.

Comme les facilités de crédit qu'un exportateur peut offrir aux acheteurs au moyen de ses propres ressources sont limitées, il doit chercher à obtenir d'autres moyens de financement de ses exportations. Ce financement peut lui être accordé selon les deux modalités sus-citées.



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