Charles Taylor derrière les barreaux

Charles Taylor a été incarcéré à la prison du tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL), qui va le juger pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité en lien avec son rôle dans la sanglante guerre civile de Sierra Leone.

Menotté et l'air hagard, l'ancien seigneur de la guerre a été transféré de l'hélicoptère qui l'avait amené de Monrovia dans le pénitencier où se trouvent neuf autres détenus arrêtés dans le cadre de la guerre qui a ensanglanté la Sierra Leone de 1989 à 2002. Il était attendu par des diplomates et le personnel du TSSL, rassemblés autour du procureur Desmond de Silva.

Peu avant, à Monrovia, où il était arrivé à bord d'un avion de la présidence nigériane, la police libérienne a bastonné les journalistes qui tentaient de s'approcher de l'appareil sur le tarmac de l'aéroport, placé sous haute sécurité par les forces de la MINUL.

Charles Smetter, directeur des médias d'Etat libériens, a pu voir le prévenu le plus célèbre d'Afrique, vêtu d'une tenue grise légère et l'air sombre, monter à bord de l'hélicoptère de l'ONU, 45 minutes après son arrivée à l'aéroport de son ancienne capitale.

L'ex-chef de guerre Charles Taylor avait été arrêté dans la nuit alors qu'il tentait de franchir la frontière avec le Cameroun, le président Olusegun Obasanjo réclamant son expulsion immédiate vers le Liberia. Taylor avait "disparu" de la résidence de Calabar où il vivait depuis sa chute, deux jours après que le Nigeria ait accepté avec réticences de le remettre au Liberia. La nouvelle présidente Ellen Johnson-Sirleaf avait fait savoir qu'elle le transmettrait au TSSL, craignant que sa présence à Monrovia ne suscite des troubles dans le pays à peine stabilisé.

Lâché par tous et mis en cause par la justice internationale, Taylor avait obtenu l'asile au Nigeria en 2003 dans le cadre d'un accord qui prévoyait son abandon du pouvoir sous la pression internationale et avait contribué à mettre fin à 14 années de guerre civile au Liberia, qui ont fait quelque 200.000 morts.

Charles Taylor est accusé d'avoir soutenu les rebelles de la terrible guerre de Sierra Leone, qui utilisaient des enfants-soldats et ont semé la terreur dans la population, en se livrant à des mutilations systématiques. Si les accusations du TSSL portent uniquement sur le conflit dans ce pays d'Afrique de l'Ouest, il est également reproché à Taylor son rôle dans la guerre dans son propre pays. Et d'avoir accueilli des terroristes d'Al-Qaïda, auteurs des attentats contre les ambassades des Etats-Unis au Kenya et en Tanzanie en 1998.

L'ancien président libérien, économiste de formation, qui s'était évadé d'un établissement pénitentiaire du Massachusetts en 1985, devrait ainsi devenir le premier dirigeant africain jugé pour crimes contre l'humanité. Le Conseil de sécurité de l'ONU avait exprimé sa surprise et sa préoccupation après la disparition de Taylor. Le secrétaire général des Nations unies Kofi Annan, qui projetait d'interroger les autorités nigérianes, avait exhorté tous les pays à refuser d'accueillir Taylor.

Le procureur du tribunal de l'ONU, Desmond de Silva, a estimé que Charles Taylor était une menace pour la paix et la sécurité de l'Afrique de l'ouest. Nombre de combattants fidèles à l'ancien président se trouveraient au Liberia, en Sierra Leone et en Côte d'Ivoire.