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Politique

ANALYSE : Fiasco électoral

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ANALYSE : Fiasco électoral

Le scrutin législatif qui s’est déroulé hier, dimanche 3 juin 2007, doit d’abord être apprécié, par rapport à lui-même, mais également en relation directe avec le contexte politique dans lequel il a été organisé. Il est donc utile, de ce point de vue, de rappeler ce que le Premier ministre, Macky Sall disait au cours de la campagne : « Dans cette élection, le principal enjeu demeure le taux de participation ». Sous ce rapport, force est de constater que le pouvoir en place a perdu la bataille. Quel que soit le taux officiel qui sera publié demain par la Commission nationale de recensement des votes, les électeurs sénégalais ont boudé les urnes de façon nette et claire. 

A l’heure où nous mettions sous presse, hier dimanche 3 juin, les estimations les plus optimistes prévoient un taux de participation global et définitif de l’ordre de 30 à 35 %. L’opposition nationale la plus significative qui représente un peu plus de 40 % des suffrages des Sénégalais, tels qu’exprimés lors du scrutin présidentiel du 25 février 2007, a déjà crié victoire. Elle n’a pas tort de pavoiser, elle qui avait appelé au boycott. La question qui est maintenant posée, du point de vue de l’analyse politique, n’est pas celle de savoir si les électeurs qui ne se sont pas déplacés pour voter ont suivi ou non le mot d’ordre de boycott, ou si ceux-ci sont des partisans de cette même opposition. La réalité est que, sept ans après l’alternance réussie en 2000 et moins de trois mois après le triomphe du président de la République au scrutin présidentiel de février 2007, les Sénégalais se sont détournés des urnes de façon massive.

Le constat est d’autant plus étonnant, voire amer pour les démocrates qu’ils étaient plus de 70 % de citoyens à voter au cours de l’élection présidentielle passée. Chacun d’eux est tenté de se demander où sont passés les 56 % d’électeurs qui avaient porté le 25 février dernier leurs suffrages sur le candidat sortant. Se sont-ils volatilisés ? Un record d’abstention est battu depuis l’existence du Sénégal comme sujet de droit international. Le taux le plus faible constaté dans ce pays en matière de participation électorale a été celui enregistré aux élections législatives du 24 mai 1998 (3.164.827 inscrits et 1.243.06 votants), soit 39, 28 % des suffrages exprimés. Il a été légèrement en dessous du taux réalisé en mai 1993 (2.580.000 inscrits et 895.250.000 votants).

Au cous de la décennie 90, le citoyen sénégalais et les acteurs politiques, ceux de l’opposition nationale de l’époque dirigée par l’actuel chef de l’Etat ne faisaient aucune confiance au système électoral mis en place. Ils l’avaient, à juste raison, tellement vilipendé et dénoncé qu’ils avaient fini par convaincre plus de 60 % de Sénégalais inscrits sur les listes électorales et qui s’abstenaient régulièrement pendant les scrutins que les cartes électorales étaient d’avance pipées et que les jeux étaient faits avant l’ouverture des bureaux de vote. Et c’est là où réside la réussite de l’opposition. Elle aura convaincu dans des proportions qui vont au-delà de ses bases politiques des citoyens non partisans qui demandent simplement à participer à l’exercice électoral à condition toutefois que le système mis en place lui paraisse crédible et emporte leur adhésion.

Si on a pu penser, du fait de la participation électorale massive notée en février dernier, que cette confiance qui avait été retrouvée en 2000 et 2001 était définitivement acquise, le vote d’hier dit tout à fait le contraire. Et de quelle manière ! Le matin du 26 février 2007, de nombreux citoyens se sont retrouvés dans la situation vécue le lendemain des scrutins de mai 1993 et 1998, après lesquels la plupart de nos compatriotes avaient perdu toute confiance dans le système électoral. La seule différence, entre hier et aujourd’hui, réside dans le fait que l’opposition actuelle a préféré boycotter le prochain scrutin, -celui intervenu hier dimanche, pour amener le pouvoir actuel à négocier, alors que celle d’antan préférait le chaos de la rue au dialogue politique. A défaut de réussir à mobiliser les électeurs, les autorités actuelles expliquent la faillite constatée par des arguments du reste spécieux qui vont jusqu’à considérer que l’Assemblée nationale est presque sans importance.

Du point de vue pratique, elles n’ont pas tort, même si l’argumentaire procède d’un mépris des institutions et d’une conception de la démocratie nettement en porte-à-faux avec ce qu’elle devrait être dans la réalité qui tous les régimes ayant fait le choix souverain de la séparation des pouvoirs. Par ailleurs, dire que de l’idée que le taux de participation réalisé au cours d’un scrutin législatif ne peut pas être comparé à celui enregistré pendant la présidentielle, car il y a toujours eu, comme l’a prétendu Iba Der Thiam sur les ondes de Sud Fm, comme d’autres, avant lui, l’avaient fait ailleurs, ne tient pas la route du point historique.

Entre 1978 et 1988, alors que les scrutins législatifs et présidentiels ont été couplés, on a toujours noté le même taux de participation. Pourtant, les citoyens qui votaient avaient le choix de participer aux deux ou à un seul scrutin, ils ont toujours voté pour l’élection des députés et du président de la République. En 1993, le taux de participation enregistré à l’élection présidentielle intervenue en février était de l’ordre de 51 %, alors qu’en mai les législatives enregistraient un taux de 40,98 %. En 1998, il n y a pas élection présidentielle.

C’est en 2000 qu’un tel scrutin a été organisé, le taux de participation enregistré au premier tour de scrutin était de 62,23 %. Il tombait à 61,07 % au deuxième. La logique de comparaison établie entre les taux de participation voudrait que ceux enregistrés en 2000 soient comparés à celui du scrutin législatif enregistré en mai 2001. Or, de ce point de vue, on note qu’en 2001, la participation aux scrutins législatifs était de 67 %. Soit, six (6), voire sept (7) points de différence entre le taux enregistré à la présidentielle de 2000 et aux législatives de 2001. Comment alors se fonder sur une expérience avérée une fois dans le déroulement de l’histoire de ce pays pour établir une règle politique qui se veut presque immuable.

Cette méthode de discussion procède d’une mauvaise foi manifeste, elle repose en plus sur une mystification des esprits. Ce qui est le propre même des rhéteurs dépourvus d’arguments pour convaincre et qui se contentent de ressasser des poncifs éculés. Or, dans le débat qui s’ouvre dès ce lundi matin, personne dans ce pays, qui qu’il soit, pour autant qu’il se soucie, un tant soit peu de l’intérêt de cette nation, ne peut éluder une réalité, voire un impératif. Le dialogue auquel appelle l’opposition est une nécessité, pour qu’un travail sérieux et honnête de vérification et de contrôle du système électoral, accepté et validé par tous soit mis en place.

Comme ce fut le cas en 1992, lors de l’élaboration du code électoral consensuel et en 2000, pendant toute la période ayant précédé le vote historique du 19mars de la même année. C’est le moyen le plus sûr et l’unique, pour éviter, demain, d’autres fiascos électoraux comme celui constaté hier dimanche 3 juin.



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