EN PERSPECTIVE - Le mépris du peuple

Un nouveau Sénégal émerge. Wade et Idy ne le savent peut-être pas au moment où ils décident de se retrouver. En agissant comme il veut où il le veut dans le pays depuis son arrivée au pouvoir, Wade nostalgique d’un Sénégal d’un autre temps, nous renvoie à l’époque des servitudes, de l’esclavage et de la colonisation. La règle étant d’obéir ou de subir les affres du roi.

Idrissa Seck qui l’aura appris à ses dépens depuis sa disgrâce devrait avoir compris qu’en dehors des salons du roi, il y a une autre vie, que mènent quotidiennement des milliers de Sénégalais qui pensent autrement que les affidés du régime de Wade. Humiliés dans leur vie et dans leur rapport avec le pouvoir qu’ils ont aidé à installer, ils subissent le dictat d’un régime qui s’est accaparé sans honte de tous les symboles de la nation. Parmi lesquels le médium le plus visible, la télévision dont les contenus sont conçus uniquement pour Wade et sa dynastie. Cela au détriment des activités quotidiennes du peuple qui travaille. Sacré Wade.

La République est morte. Vive le roi. On serait tenté de le dire, au vu du cumul d’erreurs, d’approximations et de tâtonnements qui ont entouré la gestion du pouvoir par Me Abdoulaye Wade sur la période 2000-2007. Sans se culpabiliser sur une méthode qui a failli, il se réfugie dans ses idées, n’écoute personne, « réunit la famille ou renvoie le fils rebelle quand et comme il veut ». Au mépris de ce que peuvent penser les Sénégalais de ces arrangements qui semblent se faire sur leur dos.
N’est-ce pas Alioune Tine, qui disait récemment que « Depuis les indépendances, la plupart des chefs d’Etats africains se comportent et se sont dotés des mêmes droits que les anciens gouverneurs de colonies dans l’Afrique occidentale française (Aof). » Ceci explique cela et Wade confirme l’adage.

L’attente d’une nouvelle génération politique

Est-ce cela le véritable problème qui intéresse aujourd’hui tous ces milliers de Sénégalais, dépassés, heureux de vivre dans le pays qui les a vus naître et qui n’attendent que de confirmer ou d’infirmer en toute démocratie, leur vote du 19 mars 2000. Déçus et dépités, mais fiers de garder la tête haute, ils sont des milliers à être debout, dégoûtés par la manière dont le pouvoir est exercé depuis six ans.

Sans voix, ils souffrent en silence, dégoûtés par le mépris que le régime a montré aux cadres, ingénieurs autres universitaires de ce pays depuis son arrivée au pouvoir. Munis de leurs cartes d’électeurs, tous ces gens sont à l’affût et attendent.

Idrissa Seck joue sa dernière carte

Fort des études qu’il a faites, Idrissa Seck n’a jamais cessé de jouer avec les Sénégalais. Histoire de leur montrer toute la panoplie qu’il possède comme manœuvrier politique. Mais est-il vraiment, un homme intelligent et mûr comme le font penser certains de ses admirateurs ? Sa décision dans les jours qui viennent devrait le prouver ou l’infirmer. Il joue l’une de ses cartes politiques les plus sensibles sinon la plus dangereuse.
Futé, il ne l’est pas plus que tous ces gens qui l’écoutent en attendant de connaître sa décision. Il risque, à force de calculer, de dribler et de jouer, de perdre, comme son maître Wade est entrain de le faire. Cela, parce que la politique et les hommes sont entrain de changer au Sénégal comme ailleurs. Parce que Idrissa Seck, comme Wade ne l’ont pas compris, une autre génération d’hommes politiques est entrain de se positionner. On peut citer parmi celle-ci, Mame Adama Guèye, avocat, ancien Secrétaire exécutif du forum civil. L’homme est limpide dans ses approches et ses discours. Il connaît son pays. Il n’a pas un passé de professionnel de la politique.
Mamadou Lamine Diallo, fils d’ancien ministre qu’il ne clame pas partout, est aussi un homme affable qui connaît très bien les dossiers de l’Etat, pour avoir été longtemps à la primature aux côtés des hommes d’Etat. Parmi eux encore, le professeur Yoro Fall, ancien chef du département d’histoire de l’université Cheikh Anta, l’homme connaît l’administration pour avoir longtemps travaillé à l’Unesco et au sein d’autres grandes universités européennes. Tous ces hommes ont une certaine carrière derrière eux. Ils ne le clament pas partout. C’est cela qui fera leur force pour l’avenir.

L’argent n’est pas la dignité

La tonne de salive versée par des gens vexés avant-hier lundi, ne résume pas toute la colère des Sénégalais. Il est le produit d’un mal être. D’un malaise profond. Entre argent, arnaques et combines, le génie politique de Wade semble avoir vécu. L’homme n’a plus de hauteur, parce qu’il n’est plus à la hauteur de la mission que lui ont confiée les Sénégalais depuis février 2000. La réalité de l’exercice du pouvoir lui ayant complètement échappé ces dernières années, Wade et certains de ses alliés ont montré qu’ils ne savaient rien faire d’autres, qu’exacerber les conflits, en profiter le maximum pour rester. Les Sénégalais, (même s’ils comprennent le geste de Serigne Abdou Aziz Sy Junior), ne peuvent passer leur temps à suivre les feuilletons des conflits qui se règlent sur fond de combine au palais.

Les Sénégalais pour un nouveau leadership

En se débarrassant de Niasse, Mame Madior Boye, Abdoulaye Bathily, et d’autres technocrates comme Eva Marie Coll Seck, Wade a choisi de ne plus faire confiance qu’à son instinct de vieux politicien. En abattant chaque fois qu’il en était besoin, la seule carte qui lui restait : l’argent ou la corruption. La dernière affaire de « tunes » soulevée par la presse entre le ministre Thierno Lo, et le directeur de publication du journal « Le Quotidien » confirme bien cet état de fait. La manière dont certains « râleurs pros » pour paraphraser l’hebdomadaire « Le cafard libéré », comme Djibo Ka, Me Abdoulaye Babou, Abdourahim Agne, Me El Hadji Diouf, ont été recrutés pour devenir des porte-voix du « roi », est aussi signe de ce mépris de la vérité du peuple.
De ses opinions et points de vue sur le mode de gouvernance attendu de l’Etat. Wade qui accusait naguère le Parti socialiste d’être un parti-Etat, un parti-administration, (lisez son livre « Un Destin pour l’Afrique »), ne semblait être mû que par son obstination à accéder un jour au pouvoir. Suivent encore, toute la stratégie qui a consisté à diaboliser le Ps et son maître de l’époque, Abdou Diouf. Attaques, provocations, destruction du patrimoine de l’Etat, l’homme a usé de tout pour mettre à genoux ce régime. Il n’y serait jamais parvenu sans le peuple.

Debout, les Sénégalais exigent, quoi qu’il arrive, la vérité sur les audits et les chantiers de Thiès. On attendait un pouvoir apaisé, il nous a apporté bien des soucis en matière de sécurité des biens et des personnes. L’affaire Talla Sylla est encore là bien pendante. On attendait la paix des cœurs, les déchirures sont partout dans les familles. En Casamance comme ailleurs au Sénégal. On attendait la transparence et la bonne gouvernance, il nous a endormi sur les audits, préférant à chaque fois, les arrangements politiciens.

En termes de bilan, ce sont là quelques pistes qui auraient dû intéresser tous les experts en audits au moment où Me Wade est entrain de rater challenge qui aurait du être exceptionnel. Un septennat majeur pour le Sénégal. Cela ne sera malheureusement pas le cas à quelques semaines de la fin de son premier mandat à la tête du Sénégal.