Femmes et politique : De plus en plus présentes et exigeantes

De l'indépendance à nos jours, les femmes ont incontestablement joué un rôle assez important dans les partis politiques. Confinées hier au rôle « d'applaudisseurs » voire d'animatrices des manifestations politiques, elles se logeront d'abord au Parlement avant d'intégrer, toujours sous Léopold Sédar Senghor, le gouvernement. Sous le magistère du successeur du premier président du Sénégal indépendant, Abdou Diouf, elles prétendront à l'exercice des affaires. Sous Me Abdoulaye Wade, Mame Madior Boye dirigera l'exécutif. Pour cette présente campagne présidentielle, leur cercle s'élargit autour de bien des candidats.

Après environ un demi-siècle d'indépendance, qui a vu défiler trois présidents de la République c'est seulement au début de ce siècle qu'une femme a été portée à la tête d'un gouvernement. Une ascension qui n'a été ni évidente, ni de tout repos.

Au début était Caroline Faye Diop

Le Sénégal indépendant en 1960, ce ne sera que trois années après (1963) qu'une femme siégera à l'Assemblée nationale d'abord, puis dans le gouvernement, comme ministre délégué en 1969. Elle s'appelait Mme Caroline Faye Diop. Epouse d'un célèbre compagnon du président Senghor, Demba Diop, plus tard assassiné lors d'un meeting à Thiès. Dans le parti unique de l'époque, l'Union progressiste sénégalaise (Ups) qui deviendra le Parti socialiste (Ps), l'affermissement de l'importance des femmes dans la vie d'un parti politique sera traduite par la création d'un mouvement national qu'elles animeront avec toutes leurs spécificités . Après Mme Caroline Diop, rappelée à Dieu le 29 juillet 1992, c'est à sa sœur de parti, Mme Maïmouna Kane, qui sera la deuxième Sénégalaise a être honorée au rang de ministre de la Promotion humaine. A l'Hémicycle, c'est Mme Awa Dia Thiam qui prendra le relais en 1971 à l'âge de trente cinq ans. Avec Abdou Diouf, feue Mantoulaye Guène et Ndioro Ndiaye démontreront que ce que l'homme pouvait faire, la femme également. La vie politique nationale sera aussi rythmée par des figures de proue comme Adja Arame Diène, « mère du Parti socialiste), rappelée à Dieu il y a deux ans, et Mme Coumba Bâ, ancienne responsable nationale des femmes du Parti démocratique sénégalais, récemment disparue. Puis l'immixtion des femmes ira crescendo ; même dans les partis « clandestins », c'est-à-dire non autorisés. Dans ce registre, force est de citer la compagne du leader de And Jëf, Mme Marie Angélique Savané, qui a bravé la prison pour affirmer ses convictions. Avec l'élargissement de « l'ouverture démocratique », concédé par Abdou Diouf au début de son mandat en 1981, les femmes trouveront l'occasion de s'adonner à la politique, au même titre que les hommes. Ainsi quelques-unes d'elles, comme Mme Aminata Tall, à l'époque opposante, et Aminata Mbengue Ndiaye du Ps, démontreront aux affaires que l'expertise n'était pas que masculine. Mais c'est seulement sous le régime de Me Wade qu'une femme sera nommée Premier ministre en mars 2001. Il s'agit en l'occurrence de Mame Madior Boye, émérite juriste. Bien avant cette séquence, en mars 1998, pour la première fois dans l'histoire politique du Sénégal indépendant, une femme mettra sur pied un parti politique : Marième Wane Ly créera en effet à cette date Le Parena (Parti pour la renaissance africaine) et annoncera sa candidature à la présidentielle de 2000, avant de se retirer de la course. Une attitude qui rappelle celle récente de Ndella Diouf, qui avait agité sa candidature à la présente présidentielle. D'ailleurs pour cette course, qui prendra fin le 25 février prochain, les femmes sont logées à meilleure enseigne.

Présidentielle 2007 : les femmes plus proches des candidats

La singularité de la présente élection n'est pas que le nombre de candidats (quinze). Sa particularité est de projeter plus de femmes dans les états-majors politiques. En effet, le candidat Talla Sylla a choisi comme directrice de campagne Rahmatou Sow Dièye. Son concurrent Mamadou Lamine Diallo en a fait autant, en désignant au même poste l'avocate Mme Ndéye Fatou Touré. Pour sa part, Me Mame Adama Guèye a choisi comme chargé de communication Mme Fatou Mboup, et comme attachée de presse une autre femme, notre consoeur Toutane Diack. C'est leur sœur Khady Diop qui s'occupe des questions organisationnelles. Ici et ailleurs, les épouses des candidats sont également bien en vue. Les épouses des candidats : présences discrètes mais décisives En dépit des rigueurs attachées à, la campagne présidentielle elles ont tenu quand même, presque toutes, à être aux côtés de leurs époux, comme pour rappeler que le mariage, c'est pour le meilleur et le pire. C'est le cas de l'actuelle Première Dame du Sénégal. Viviane Wade, après s'être battue vingt-six années durant aux côtés de son mari, ne peut que poursuivre son combat auprès de Me Wade, candidat à sa propre succession. D'ailleurs, comme consciente que la mise en compétition du fauteuil de celui-ci était inéluctable, elle a dès le début de l'alternance mis sur pied la fondation « Education-Santé ». Son cœur palpite depuis le 4 février dernier au rythme de la présente campagne. Robert Sagna a aussi à ses côtés sa Marie Jeanne Diouf Sagna, une descendante du Buur Sine Coumba Ndofféne. Sérère, elle a fait allégeance à son mari Diola qu'elle suit partout, pour lui préparer ses mets préférés. La campagne nécessite des forces ; ce qui passe par une riche et variée alimentation. Marianne Cissé, c'est un secret de Polichinelle, suit partout Moustapha Niasse, telle son ombre. Discrète, elle est généralement dans les cérémonies officielles où est présent son époux, en évitant toutefois de faire ombre aux « amazones » de celui-ci. Pour sa part, l'épouse du candidat Idrissa Seck est réputée pour sa légendaire discrétion. Ndèye Penda Tall semble opter pour la posture d'une épouse pieuse et vertueuse, plus à l'aise dans son rôle de la bonne maîtresse de maison. Elle ressemble à bien des égards à l'épouse du candidat Doudou Ndoye. Et pour cause, Mme Ndoye est une descendante du fondateur du Mouridisme. Elle est Mbacké-Mbacké. C'est tout comme le cas de la moitié de Cheikh Bamba Dièye, Ndéye Marième Guèye, qui cherche depuis le début de la campagne à éviter l'œil des caméras et les autres micros des journalistes. Discrète aussi est l'épouse de Modou Dia, dont bien des Sénégalais ne retiennent d'elle, qu'elle est une nièce de l'actuel président de la République , Me Abdoulaye Wade. Inaperçue, passe également l'épouse de Mamadou Lamine Diallo, pourtant censée être rompue dans la diplomatie, du fait des fonctions de son mari. S'il est connu que Lalla Aïcha Diop est l'épouse de Me Mame Adama Guèye, rares peuvent attester l'avoir vue au quartier général de ce candidat indépendant. On pourrait classer dans le même registre des épouses « discrètes », celle de Louis Jacques Senghor. Par contre, Marie Angélique Savané, compagne de Landing Savané et militante active de leur parti, ne rate que rarement l'occasion de s'afficher aux côtés de son camarade. Est-ce parce qu'ils sont des polygames ? Quoi qu'il en soit, les épouses de Ousmane Tanor Dieng, Talla Sylla et Elhadj Alioune Mbaye dit Petit se contentent pour l'heure d'attendre leurs « lutteurs » à domicile. De leurs rangs ou de ceux des femmes politiquement engagées, surgira-t-il au prochain scrutin une Ségolène Royale ou plus même une Hélène Sirleaf Johnson ? L'avenir le dira. Mais une chose est sûre : aux prochaines législatives et municipales, les femmes seront des batailles.