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REPORTAGE : HAUSSE DU COUT DE LA VIE : Bars et restos de Dakar trinquent

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REPORTAGE : HAUSSE DU COUT DE LA VIE : Bars et restos de Dakar trinquent

Désormais, prendre du bon temps est devenu un luxe pour les Sénégalais. La baisse constante du pouvoir d’achat est, sans aucun doute, passée par là. Nos concitoyens n’empruntent plus le chemin des restaurants ou autres bars pour se payer un repas ou, pourquoi pas, boire un pot en galante compagnie ou en famille. L’heure est plutôt à la privation. Cela, au détriment de ces établissements qui sont desservis par la réticence des Sénégalais à dépenser. En effet, pour les rares encore habitués des lieux, ils se contentent d’un plat et d’eau fraîche. Les apéros et desserts ne figurent plus dans leurs menus. De ce fait, certains tenanciers de restos sont obligés de compresser leur personnel ou d’augmenter  leurs tarifs pour essayer de s’aligner sur la fureur de la mercuriale. Tandis que d’autres, à force de se vider, rendent tout simplement le tablier.

Aller au restaurant pour se faire plaisir, en famille, en rendez-vous galant ou d’affaires ? Qu’importe la raison, ces convoitises ne sont plus permises aux Sénégalais. Pourtant, il y a encore quelques années, c’était presque un cliché que de voir un bar restaurant faire le plein de monde de jour comme de nuit. Somme toute, ce sont des effets de la conjoncture qui a fini d’étendre ses tentacules dévastateurs. Et ce, jusqu’à atteindre les attraits des Sénégalais qui en sont réduits à se serrer la ceinture. Travailler à longueur de journée pour pouvoir payer les factures et manger, devient une obligation. Se payer du bon temps, un luxe qui n’est pas donné à n’importe qui. De ces luxes, les établissements culinaires  et ceux à exploitation de débit de boissons, en font partie. Ceux-là, à force de subir les rigueurs de la hausse du coût de la vie, commencent par se vider petit à petit. Seuls les habitués restent fidèles. Les tenanciers des restaurants bars n’ont plus d’autres choix que d’augmenter leurs tarifs ou réduire leur personnel pour essayer de tenir le coup. Peine perdue, certains en arrivent à fermer boutique. Une petite virée dans quelques coins de Dakar nous en dit plus.

Pas l'ombre d'un chat

Fin d’après midi au Point E. Le soleil pointe encore ses quelques rayons sur les passants. Un bouchon monstre s’est formé sur l’avenue Cheikh Anta Diop. Universitaires et automobilistes, après une dure journée de labeur, se disputent la chaussée pour regagner leurs maisons. Sur le chemin, se trouve un célèbre bar restaurant, le Just For You. De prime abord, le décor aux couleurs jaune et orange attirent notre attention. Une scène prévue pour les artistes est disposée juste en face de l’entrée. Un ancien tube du chanteur sénégalais Omar Pène est distillé à travers des baffles fixés un peu partout sur les murs. A droite et à gauche de l’établissement, deux bars campent l’ambiance à la beuverie. Mais  tel n’est pas le cas : les tables sont vides, il n’y a pas même l’ombre d’un chat, à part quelques membres du personnel qui sont occupés à ranger les boissons dans le bar. Un serveur souriant, attentionné nous accroche, pensant sans doute que c’était enfin pour une commande. Une fois au courant de notre visite, il nous prie de prendre place en attendant un responsable. Quelques minutes après, Awa Ndiaye, l’assistante de Direction fait son apparition. Interpellée sur la désaffection des lieux à pareille heure, elle répond : «La baisse du pouvoir d’achat est passée par là. Il ne nous est plus possible de faire le plein maintenant. Seuls les habitués continuent à venir se restaurer du fait de la proximité de l’endroit avec leurs bureaux. Sinon, ce sont les soirées en live que nous organisons tous les week-ends qui nous permettent de nous en sortir un peu. Et là encore, les clients préfèrent manger chez eux avant de venir et  consommer un verre pour toute la soirée». Revenant sur les mesures prises pour contrer cette conjoncture, Mme Ndiaye nous confie qu’ils ont été obligés de diminuer du personnel et d’augmenter leurs prix, même si cela n’amoindrit en rien les charges (taxes, factures, etc.)

Un silence propice à la sieste 

A quelques encablures du Just For You, se trouve le Pen-Art, un autre bar- restaurant, également très fréquenté. Le décor essentiellement marqué par des troncs de joncs évidés,tranchés et séchés, propice à l’évasion. Un silence de cathédrale y règne, on entendrait même les mouches voler. Seul un monsieur est assis sur une table, tenant une chope de bière à la main, avec un air pensif. En face de lui, derrière le bar, une jeune dame est occupée à essuyer des verres. Refusant de se prêter à nos questions, elle nous apprend que le tenancier des lieux est absent, qu’il faudra repasser. Pas la peine d’insister, elle tourne les talons et vaque à ses occupations, en route pour le Bolong. Toujours au Point E, précisément  à la Maison de la Douane. Il est plus de 19H, le soleil s’est couché, laissant la place au halo lunaire. Devant la porte de l’établissement, on se rend compte qu’elle est close. Des jeunes hommes assis à quelques mètres de là, soutiennent : «Ils n’ouvriront pas aujourd’hui». Ceci étant, cap sur la Provence. Là aussi, la désertion des clients se fait sentir. Des jeunes filles tergiversant autour d’une table, tirent à pleine bouffée sur des cigarettes. Léna, ancienne employée du restaurant, déplore les conditions qui lui ont fait perdre sa place. «Avant, on faisait le plein matin et soir. Depuis que la conjoncture s’est installée, on n’arrive plus à vendre le matin. Le propriétaire a été obligé de supprimer le fast-food, à défaut de pouvoir régler ses employés. Là où on faisait 50000F par jour, on ne peut même plus faire 10000F. Jusqu’à présent, les choses n’ont pas évolué, ainsi il s’est séparé de certaines  d’entre nous».

La Senelec sur la sellette

La hausse du coût de la vie n’arrange vraiment pas les propriétaires de bars restaurants. Même si bon nombre d’entre eux ont augmenté leurs tarifs pour se conformer à la situation, ils n’arrivent toujours pas à joindre les deux bouts. Ceci, du fait de l’électricité qui constitue un grand problème. Le gérant du club Mélissa, Trézeguet de son petit nom, affirme que ses clients ne sont pas trop touchés par la conjoncture car ce sont pratiquement tous des étudiants étrangers qui perçoivent chaque fin du mois de l’argent de leurs parents. Seulement, le seul souci qu’il a à se faire vient de l’électricité. Avec les délestages, ils sont obligés d’utiliser un groupe électrogène qui malheureusement  n’alimente pas les climatiseurs. Ce qui pousse le plus souvent les clients à déserter les lieux. C’est le même cri de détresse du côté de Liberté 6 extension, au restaurant bar Nawéli. Le propriétaire M. Diallo, brandissant deux factures d’électricité d’un montant total de 380.000F, semble dépassé par les événements. «Je vous assure que pas plus tard que ce matin, on nous a coupé le courant. J’ai été obligé de me rendre à la Senelec pour solliciter un moratoire de 48H. L’électricité nous coûte excessivement chère. J’ai éliminé beaucoup d’appareils ménagers, ce qui ne contribue pas au confort et au bon service de ma clientèle. En plus je perds beaucoup de denrées. S’agissant du loyer, cela fait deux mois que je n’ai pas payé. Et pourtant, avant la hausse des prix, mon établissement me rapportait facilement 200000F par jour. Aujourd’hui, je ne peux pas faire un bénéfice de plus de 50000F par jour»,  avance-t-il. Toujours selon M. Diallo, les gargotes et les clandos, qui font dans le «n’importe quoi», sont mieux habilités à s’en sortir. Ce qui laisserait penser que la seule solution  à cette situation, serait la réduction du coût de la vie de façon à permettre aux Sénégalais de renouer avec leurs bonnes veilles habitudes.

…AUX ALMADIES : La concurrence se mêle à la conjoncture

Reconnu pour être un quartier bourgeois de Dakar du fait de ses belles maisons, le secteur des Almadies c’est aussi la crème des bar- restaurants, discothèques, nigths clubs… En effet, les endroits parmi les plus fréquentés de Dakar y sont nichés. Entre autres le K-Club, Papagayo, Blue Note, Patio, Nirvana, Monte Cristo, Duplex…etc. Et la plupart de ces établissements se font concurrence, à cause de leur proximité. Et davantage, face à ce contexte de crise économique.

La crise qui secoue les bars- restaurants par ces temps qui courent continue de faire son bonhomme de chemin. Elle est même arrivée à atteindre le quartier réputé chic et bourgeois des Almadies. Ce quartier qui, à part le centre-ville, abrite le plus de bars- restos. On en trouve pratiquement dans chaque coin de rue. D’ailleurs, il y en a qui se font face, tandis que d’autres sont côte à côte. Ainsi, il est facile de deviner la rude concurrence qui y règne pour certains. Latyr Diop, propriétaire de la célèbre boîte de nuit, également bar-restaurant, n’a pas de souci à se faire de ce côté, selon ses propos. Sans doute à cause de la catégorie de personnes qui fréquente son établissement, les VIP (very important person), comme on n’aime à les qualifier. Ceux de la trempe des El Hadj Diouf, Henry Camara  (internationaux sénégalais)…etc. Toujours- est- il que la préoccupation de M. Diop est ailleurs. Le fait que les clients soient de moins en moins enclins à s’offrir un repas ou un verre au resto. Ce qui sans conteste fait pencher du mauvais côté la balance de ses statistiques de plus de 80 %. «Les temps sont durs, les gens ne sortent plus. J’ai essayé d’améliorer l’endroit, mais peine perdue. Le restaurant ne marche presque plus le matin. J’ai été obligé de réduire mon personnel au minimum», affirme-t-il. Par contre, si pour le K-Club, la concurrence est moins rêche, elle l’est davantage pour d’autres. Le Blue note qui est aussi un club de Jazz, souffre de sa proximité avec les bar- restaurants des environs. Ses employés prennent du service à 11H et pourtant à 12H30mn, il n’y a aucune odeur de mets qui s’échappe des cuisines. Mieux, au bar, personne n’est assis, encore moins à la place du barman. C’est à voir s’il y a quelqu’un derrière les fourneaux, seul le vigile nommé Soriba semblait être sur les  lieux. Celui-ci, avec un air désolé, lâche : «Je ne suis vraiment pas habilité à vous parler, mais je peux quand même vous assurer qu’en ce moment, c’est vraiment la dèche. Je travaille ici depuis deux ans,  j’ai bien remarqué que les clients ne viennent plus comme avant et le personnel a diminué. Tandis que les factures d’électricité se font de plus en plus chères. Sans compter la terrible concurrence qu’il y a dans ce secteur, nous sommes pratiquement tous proches. Cette proximité nous cause des ennuis incommensurables». Un autre jeune homme accroché également dans un resto-bar, sous le sceau de l’anonymat, nous confie que la concurrence est un réel handicap, même si la conjoncture est pour grand-chose dans leurs déboires d’aujourd’hui.  

Pendant ce temps, les gargotes et les clandos de rues se frottent les mains…

Ils sont implantés dans plusieurs quartiers de Dakar, les restaurants et les clandos de rues. Le plus souvent, ce sont des endroits pas très salubres et qui n’ont même pas d’enseigne, cependant très cotés.  

 Les plats y sont à de vils prix : entre 600F et 1000F, tout dépend de leur composition. Les gargotes, très visibles dans les rues de Dakar, ont beaucoup la cote. On en dirait tant des restos ambulants, du genre fast-food-car. Ils se déplacent parfois avec une sorte de roulette et vendent des sandwichs. Les prix varient de 250 à 5OOF. Les dibiteries Haoussa, quant à eux, ont fini d’occuper Dakar avec leurs brochettes à 50F l’unité. Les Sénégalais ne rechignent pas à se bousculer aux pas de leurs portes. Idem pour les «Forox thiaya» (viande cuite à la vapeur). D’ailleurs, nos concitoyens sont nombreux à racler le fond de la marmite, rien que pour boire la sauce provenant de leur cuisson. À l’heure actuelle où la conjoncture pèse sous nos cieux, les Sénégalais ne se font aucunement prier pour aller se restaurer dans  ces gargotes qui, à leur tour, se frottent les mains. Un petit tour en ville et dans le quartier populeux de Rebeuss le prouve aisément. Amy, Sokhna et Fatma, toutes des tenancières de gargotes, avouent qu’elles n’ont pas du tout à se plaindre : «Les denrées ont augmenté, mais cela ne nous handicapent pas trop, du moment que nos prix sont assez raisonnables, comparés aux restaurants de «classe». Faut dire que le montant de nos factures est loin d’être proportionnel au leur. Pour faire face à la conjoncture, nous avons juste augmenté nos tarifs. Et cela nos clients le comprennent parfaitement. Ils continuent à venir comme avant, sinon plus».  Et pendant ce temps, les restaurants, à force de se désemplir, rendent le tablier. Du côté des clandos de quartiers, c’est aussi la grande affluence. Du vin à 1000, wiskhy à 1500F la bouteille et  toutes sortes de liqueurs à portée de main. Toutefois, la qualité laisse à désirer.



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