Le Sénégal a connu plusieurs catastrophes, dont l’explosion d’une citerne d’ammoniac en 1992 dans l’usine de la Sonacos à Dakar, les intempéries survenues dans les régions Nord et le naufrage du bateau Le Joola en 2002. Ces accidents se sont traduits par un lourd bilan en vies humaines et en matériels. La survenue de ces sinistres a montré l’urgence d’avoir une bonne connaissance de la nature des risques qui menacent les populations, de leur localisation et des moyens adéquats à mettre œuvre pour prévenir ces situations. Cependant, au vu des nombreux autres dangers qui guettent les populations comme l’accident survenu avant-hier sur la route de l’aéroport avec le renversement d’un camion-citerne de la compagnie Shell Sénégal, l’on peut s’interroger sur l’efficience de cette prévention.
En effet, cet accident qui n’a pas fait de pertes en vies humaines, est révélateur de l’imminence du danger. La négligence qui nous avait menés au naufrage du Joola avec près de 2 000 mille morts aussi. Sinon, comment comprendre l’absence de mesures idoines et immédiates contre le transport de produits dangereux tels que le carburant qui fait très mal parler de lui en cas de catastrophes.En effet, il ne passe pas un jour sans que ces nombreux camions-citernes remplis de produits inflammables sillonnent le pays avec tous les risques que cela comporte, sans que rien ne soit fait pour garantir la sécurité des populations face à de telles menaces. Pourtant, non loin de nous, au Kenya, un tel phénomène, qui a connu la même négligence, avait provoqué la mort de plus de 133 personnes et causé des blessures à 130 autres, lors de l’explosion d’un camion-citerne transportant du carburant. Comme lors de l’accident de la Sonacos, ce sont les plus curieux qui ont payé un lourd tribut dans cet accident. Eux qui, après le renversement du camion, se sont empressés de récupérer du carburant. Et la même attitude était visible avant-hier avec des jeunes qui essayaient de recueillir quelques litres de carburant en vue de le revendre par la suite.
Au Sénégal, il existe pourtant un arrêté du gouverneur de la région de Dakar qui fixe les horaires de circulation des véhicules de transport de marchandises. Selon ce texte, ce type de véhicules est interdit de circulation de 7 h à 10 h et de 16 h à 21 h.
Interpellé sur la question, le capitaine Amadou Fall Canar Diop de la Direction de la protection civile explique cela par une absence de réglementation en la matière. ‘Le carburant constitue un danger moindre. Il fait partie de ce qu’on appelle les transports de matières dangereuses (Tmd). Il y a des produits beaucoup plus dangereux que le carburant. Il y a des produits chimiques beaucoup plus dangereux qui quittent le port de Dakar pour les pays limitrophes pour l’extraction de l’or dans les mines et qui ne sont pas assujettis à une réglementation sénégalo-sénégalaise’, renseigne le capitaine Diop. Qui annonce qu’une étude a été faite par ses services en suivant ces camionneurs qui transportent le carburant. ‘Cela fait deux ans que la Direction de la protection civile n’a pas donné d’agrément de sécurité pour l’escorte du transport des produits dangereux. Nous l’avons arrêté pour trouver une réglementation parce que la réglementation sénégalaise est muette sur le transport des matières dangereuses’, déclare-t-il. Cependant, pour parer au plus pressé, le chef de la Division des équipes et des opérations de la Direction de la protection civile révèle : ‘Nous avions demandé aux autorités municipales et administratives à l’intérieur du Sénégal d’interdire la ville à ces camionneurs et de leur faire des parkings à l’extérieur de la ville pour qu’ils s’y garent. Car, dans le circuit qu’on avait fait, on savait que ceux qui allaient au Mali prenaient leur café au marché de Kaolack, le dîner à Tambacounda. C’est cette solution qui a été trouvée, en attendant que les textes sortent pour que l’on puisse être beaucoup plus contraignant par rapport à ce transport de matières dangereuses’, soutient-il.
Sur le rôle que doit jouer la Direction de la protection civile en cas d’accident du genre, Amadou Fall Canar Diop informe : ‘Nous anticipons. Nous faisons tout pour qu’il n’y ait pas d’accident. Maintenant, s’il y a accident, le bras armé de la protection civile, c’est le Groupement national des sapeurs-pompiers qui va intervenir pour circonscrire l’accident et l’anéantir et des rapports seront faits. Après quoi, la police sera saisie pour en connaître les causes. Et si ces causes sont techniques, on fera des arrêtés et textes réglementaires pour éviter que ces défaillances techniques ne se répètent ailleurs’, ajoute-t-il.
De leur côté, les usagers de la route interrogés sur la question manifestent toute leur désapprobation sur l’heure de circulation de ces dangers ambulants. ‘Ces véhicules n’ont pas leur place dans le circuit routier pendant la journée. Ils doivent céder la route aux véhicules de transport et aux particuliers la journée. Ils ne doivent circuler que la nuit. Cela amoindrirait les dégâts en cas d’accident parce qu’il y a moins d’usagers de la route la nuit. Le gouverneur doit donc agir pour fixer la tranche horaire à laquelle ils doivent circuler’, déclare l’un d’eux croisé au pont Malick Sy.
Au niveau des stations services de la capitale, il n’y a pas une heure indiquée ou des mesures prises pour éviter de faire circuler les camions-citernes. Les heures sont différentes et dépendent généralement du circuit que doit emprunter le camion, renseigne-t-on dans les différentes stations où nous nous sommes rendus.
Ainsi, malgré les nombreux cas d’accidents qui défilent tristement dans la mémoire collective des Sénégalais, les sources de sinistres demeurent toujours présentes. Et celui de ces camions-citernes transportant du carburant en plein jour en est un.
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