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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

L’Arche de Ndéné

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L’Arche de Ndéné

Ceux qui approuvent une opinion l’appellent opinion ; 
mais ceux qui la désapprouvent l’appellent hérésie
T. HOBBES

 

C’est une règle qu’il s’impose avec la plus grande rigueur. A chaque fois qu’il se libère d’un ennemi, Abdoulaye Wade en crée un autre. Dès qu’il sort d’un combat que l’on croyait sans fin, il se charge de rameuter des hordes encore plus cruelles. Le chef de l’Etat s’y applique avec une telle obstination qu’on le croirait victime d’un ensorcellement. Je trouve déplacé de dire ici l’insigne honneur qu’il me fait d’entretenir les éditeurs de presse d’un sujet me concernant. Je l’occupais déjà de nuit. Ses proches m’ont confié qu’il ne rencontrait plus jamais Morphée  sans se lamenter de vive voix du mal que je lui fais. Viviane y était tellement habituée qu’à chaque fois qu’elle demandait à son mari quel démon avait encore dérangé son sommeil, il répondait inlassablement : « C’est encore le diable qui est au Canada. » Mais au lieu de garder le seul ennemi que j’étais, il s’en est fait plusieurs en une soirée. Thierno Talla paie pour une vieille histoire que nous connaissons tous. Lors du départ précipité d’Abdoulaye Wade du gouvernement d’Abdou Diouf, à la veille des élections de 1998, il s’était illustré par une question qui n’avait pas plu à l’ancien opposant, déjà très acariâtre. Pour l’humilier, Abdoulaye Wade l’avait accusé publiquement d’avoir été envoyé par Ousmane Tanor Dieng, le plus grand péché de l’époque. Entre les deux tours de la présidentielle, Thierno Talla avait encore commis l’imprudence de parler d’un « malaise de Wade » au cours d’une rencontre avec des militants du Pds venus de Malika. C’était suffisant pour faire de l’actuel Directeur du quotidien l’As un ennemi éternel. 
Mais penser que les éditeurs de presse sont assez benêts pour se laisser manipuler depuis le Canada est la plus grossière injure qu’on puisse leur faire.  Dès la publication des résultats des élections locales, un rapport présenté au chef de l’Etat expliquait déjà comment, en complicité avec des organes de presse basés au Sénégal, j’ai fait perdre Karim Wade. C’était la meilleure manière de couvrir ses insuffisances et de pointer du doigt la méchanceté des autres. J’étais moi-même stupéfié par la somme des révélations contenues dans ce « document ». C’est à peine si on ne m’attribuait pas la même capacité de nuisance que Ben Laden. J’ai déjà dit au président de la République, ensuite à son fils, qu’ils me donnaient trop de pouvoirs. J’ai déjà dit à leurs avocats, qui me demandaient si un nommé Bara Tall avait financé mon livre sur Wade, que je n’avais jamais rencontré ou parlé à ce monsieur avant sa publication. Mon livre, faut-il le rappeler, a été publié aux éditions L’harmattan et à ce jour, ne n’ai pas touché le moindre centime sur mes droits. 
Abdoulaye Wade s’en était déjà pris aussi violemment à Madiambal Diagne. Il ne peut pas entamer une réconciliation avec des membres d’une corporation en les accusant de corruption. En déclarant surtout que des ministres lui ont avoué qu’ils ne sont jamais attaqués dans la presse parce qu’ils paient des journalistes. Malheureusement, dans l’esprit du président de la République, tous les conflits relèvent d’une question d’honneur qui se règle par l’épée ou par la paie . C’est encore un marchand d’illusions qui lui fait croire qu’il est possible de soumettre toute la presse à sa volonté. Une sénile illusion, il faut dire !
 
Je vais tout de même confesser une chose. Cet incident malheureux qui met à mal l’institution présidentielle aurait pu ne jamais se produire. Mon nom n’avait rien à faire dans une rencontre de cette nature. Mais les journalistes n’avaient rien à faire au palais de la République. Si Abdoulaye Wade veut dépénaliser les délits de presse -ce qui ne veut pas dire absoudre les journalistes- qu’il s’inspire des conclusions du séminaire de Saly sur le sujet. Les journalistes ne s’étaient pas rencontrés pendant plusieurs jours pour rien. La « dépénalisation » des délits de presse ne concerne pas seulement les éditeurs de presse. Elle concerne aussi les populations et les députés qui seront chargés de voter la loi. Nous nous faisons les complices de l’autoritarisme obstiné du président de la République en lui faisant croire qu’il est la solution à tout. Et depuis sa première élection en mars 2000, il parle du sujet comme s’il faisait œuvre de charité. Ensuite, quelle est cette idée, pour les journalistes, de constituer une délégation pour présenter des condoléances à la « famille présidentielle » ? L’avaient-ils fait pour Senghor, pour Mamadou Dia, pour Kéba Mbaye ; l’avaient-ils fait quand l’ancien président Abdou Diouf a perdu sa mère ? Les journalistes doivent pour une fois des comptes à l’opinion. Ils doivent révéler quel cupide argentier les a conduits devant le président de la République pour les livrer à ce petit marchandage. Officiellement, cette rencontre était prévue pour parler des problèmes de la presse. C’est une fois devant Abdoulaye Wade que les éditeurs se sont rendu compte que c’était pour présenter des condoléances et laisser la parole à Abdoulaye Wade. Si un patron de presse en difficulté financière a voulu se servir de toute une corporation pour sauver son entreprise, il doit être dénoncé avec la plus grande fermeté. Ce n’était peut-être pas l’intention d’Abdoulaye Wade d’ouvrir un nouveau front et de devoir combattre contre de nouveaux ennemis. Mais il ne sait plus contrôler ses nerfs. C’est tout son problème. 
Malgré tout, la détermination avec laquelle le président de la République est en train de se débarrasser de ses collaborateurs véreux est à saluer. Remercier une quarantaine de ministres et conseillers ne s’était jamais fait jusqu’ici. Ceux qui se plaignent de la nomination de Souleymane Ndéné Ndiaye ne doivent pas perdre de vue le fait que dans quelques semaines, il ne sera plus rien. Il aura à sa tête un vice-président, pardi ! Et qu’il soit compétent ou pas, un Premier-ministre n’a jamais servi à rien. C’est Dieu Wade qui donnera ses ordres du ciel. C’est lui qui dira qui il compte sauver de ce naufrage collectif.
Je suis conscient du fait que Souleymane Noé Ndiaye est le plus grand ami de Clédor Sène. Je connais sa légèreté pour l’avoir affronté dans le bureau du président de la République. Mais il est le plus grand adversaire de Karim Wade. Sa nomination elle-même est un symbole. Malgré ses limites évidentes, il a, de la manière la plus claire, affirmé son amitié avec Macky Sall et son refus de se soumettre à Karim Wade. Ce qui est encore plus réconfortant, c’est la noyade des gécéistes Awa Ndiaye et Innocence Ntap. En l’espace d’un mois, Abdoulaye Wade a fait comme si cette nébuleuse n’a jamais existé. Hassan Bâ, l’avionneur de Byinadji, s’en est allé comme il est venu, en piétinant. Malick Sonko, qui avait été chassé de la présidence de la République pour avoir dit ses vérités à Karim Wade, est pressenti dans le nouveau gouvernement au même titre que le fils du président de la République. C’est bien la preuve qu’il sert à quelque chose de rester digne, et c’est à Abdoulaye Wade que nous devons cette belle leçon. Il nous a déjà débarrassés d’Abdoulaye Babou, de maître El Hadji Diouf. Regardez-bien avec quel génie il nous débarrasse de Landing Savané et de Mamadou Diop Decroix ! S’il ajoute à tout cela la dissolution du Sénat, on ne pourra dire qu’une chose : merci l’artiste. Vous avez été un piètre président, mais vous êtes en train de prendre la bonne porte de sortie.
SJD



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