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[ Contribution ] Me Ousmane Ngom : un traitre repenti en service commandé[1]

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[ Contribution ] Me Ousmane Ngom : un traitre repenti en service commandé[1]

Son réveil fut particulièrement brutal à l’aube du lundi 20 mars 2000, quand il s’est rendu compte que la défaite de son candidat ne faisait plus l’objet d’aucun doute. Le 1er avril 2000, Me Ngom – c’est bien de lui qu’il s’agit –, a observé de loin, et sûrement avec beaucoup de regret, l’installation officielle du vainqueur. Pendant les quatre longues années qui ont suivi, il a broyé du noir, rasé les murs et tiré désespérément le diable par la queue. Les gens qui le connaissaient de près disaient de lui qu’il ne tenait plus le coup et perdait manifestement de sa superbe. Les plus méchants avançaient même qu’il  maigrissait terriblement. N’en pouvant plus, il a commencé à manœuvrer et à grenouiller pour se faire pardonner et retrouver la place qu’il n’aurait jamais dû quitter. A force d’acrobaties, il y réussit et regagna « la maison du père », au moment où son pire frère ennemi (Idrissa Seck) la quittait. On connaît la suite : bien incrusté dans le système libéral et ayant désormais son passé lourd et compromettant derrière lui, il devient particulièrement arrogant et injurieux vis-à-vis de l’opposition pour laquelle il n’a plus aucun respect. A l’image de son maître, il nous tient dans le mépris le plus total.

Ainsi, on l’entend, à l’occasion de nombreuses sorties, notamment au cours du débat organisé par la télévision « nationale » le 31 décembre 2009, après le message à la Nation du président de la République, avancer des contrevérités et charger sans ménagement les Socialistes. Il se comportera de la même manière au cours d’un autre débat sur le bilan des dix ans de l’alternance. « Avec les Socialistes, c’était l’immobilisme. Quand nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons trouvé des terres en friche », lançait-il, condescendant. Le pouvoir et ses délices corrompent et rendent vraiment fou ! Notre homme a déjà oublié que, le 19 mars 2000, il a voté pour le candidat Diouf qui incarnait « l’immobilisme » et les « terres en friche », le candidat Diouf dont il était l’un des porte-parole lors de la campagne électorale ! « Nous avons trouvé des terres en friche » ! Mais, il n’était pas de la partie ! L’a-t-il déjà oublié ? Apparemment, il oublie tout ou pense, comme son maître, que nous sommes amnésiques. Administrons-lui quand même la preuve qu’il n’en est rien, et rappelons-lui son passé peu valorisant qui va du 18  juin 1998 au 19 mars 2000 !  

Nous nous souvenons qu’après les élections législatives du 24 mai 1998, Me Ousmane Ngom, qui dirigeait la liste départementale (Pds) de Saint-Louis, a été battu à plate couture. Ayant mal supporté sa défaite et reprochant vivement à Me Wade « sa gestion antidémocratique du Pds et la manière dont les investitures avaient été menées »[2], il rompit les amarres avec ce parti et son chef, après un compagnonnage de plus de 20 ans. Il péta d’ailleurs carrément les plombs et adressa à Me Wade un véritable brûlot qui, semble-t-il, l’avait beaucoup affecté. Dans cette lettre incendiaire, Me Ngom écrivait notamment : « Vous pensez pouvoir toujours, par la ruse, dérouter et déstabiliser vos interlocuteurs (…). Mais cette fois-ci, la ficelle est trop grosse et la manœuvre ne passera pas. » Au fur et à mesure, le ton monte et devient plus fielleux. « Vous parlez comme un démocrate et vous agissez comme monarque », lui assène Me Ngom qui poursuit, avec cette terrible confession qui suscite encore bien des questions :

« Avec vous, après vingt quatre ans sous votre ombre, j’aurais appris beaucoup de choses qu’un homme doit faire ; mais aussi trop de choses qu’un homme ne doit pas faire. C’est pourquoi je reprends ma liberté et je demande pardon à Dieu. »

En conclusion de sa lettre, Me Ngom évoque la succession au sein du Pds sous la forme d’une invite à méditer l’anecdote relative à Nietzche qui, « au soir de sa vie, (réunit) ses disciples pour leur demander de brûler tous ses livres. » Le philosophe allemand expliquait ainsi sa demande : « Mon vœu le plus ardent est que mes disciples me dépassent plutôt que de replonger en permanence dans mon œuvre. » Il continuera de plus belle ses sarcasmes contre son ancien mentor et créera son parti, le Parti libéral sénégalais (le PLS), le 18 juin 1998. Il ne ménagera plus aucun effort et s’investira à fond dans les différentes entreprises menées pour empêcher Me Wade d’accéder à la magistrature suprême.

Dans sa croisade féroce contre celui qui est devenu désormais l’ennemi à abattre, il se retrouve avec deux anciennes connaissances, Jean Paul Dias et le Pr Serigne Diop, qui avaient eux aussi quitté « la maison du père » et créé leurs propres partis, respectivement le Bloc des Centristes Gaïndé et le Pds-Rénovation. Pour une raison ou pour une autre, tous les trois en voulaient particulièrement à leur ancien mentor. A quelques encablures de la déterminante élection présidentielle du 27 février 2000, ils portèrent sur les fonts baptismaux la fameuse « Convergence patriotique », et rivalisèrent d’ardeur à critiquer régulièrement et sévèrement Me Wade, confortant ainsi notablement les Socialistes, dans leur volonté alors farouche de diaboliser celui qui était considéré comme leur principal adversaire. Ils franchirent finalement le Rubicon et apportèrent publiquement, à un peu moins de trois mois de l’important scrutin présidentiel de l’an 2000, leur soutien au candidat sortant Abdou Diouf. Le samedi 18 décembre 1999, ils réunirent ce qu’ils appelaient alors la convention nationale d’investiture de la «Convergence patriotique». Dans la déclaration-résolution qui sanctionnait les travaux de ladite convention, les trois compères déclaraient sans état d’âme :

« Vu la menace que représente l’ascension au pouvoir d’hommes caractérisés par une ambition personnelle manifeste de gouverner, le peuple sénégalais doit refuser les promesses irréalisables et démagogiques de ces marchands d’illusion ».  La même résolution poursuivait son sévère réquisitoire contre Me Wade en ces termes :

« Convaincus de la menace que représenterait pour notre patrie l’ascension au pouvoir d’hommes caractérisés par une ambition personnelle qui a fini de les aveugler, une incapacité et une inconséquence avérées dans le comportement, les militants et les militantes du PDS-R, du BCG et du PLS ont décidé d’investir le candidat Abdou Diouf»[3]. La résolution se fit plus explicite et plus dévastatrice encore. Elle martèle :

« Après avoir reconnu avoir combattu ouvertement Diouf et à visage découvert, nous nous sommes rendu compte que ceux en faveur de qui nous nous mobilisions ne le méritaient pas. Alors, nous avons marché sur notre orgueil pour converger vers la patrie. » Ils exprimèrent ensuite leur refus catégorique de continuer de cheminer avec cet homme (Me Wade) caractérisé « par une ambition personnelle qui a fini de l’aveugler, une incapacité et une inconséquence avérées dans le comportement ».

Ces amis que j’appelais alors les trois « mousquetaires » de la « Convergence patriotique », investirent donc le candidat Abdou Diouf et se lancèrent avec lui dans la conquête du Palais de l’avenue Léopold-Sédar-Senghor. Me Ousmane Ngom en particulier, se distinguait dans ses attaques en règle contre le candidat de la Coalition Alternance 2000 (Ca 2000). Nous nous souvenons encore comme si c’était hier, de cette fameuse jonction, qui a eu lieu devant la Rts, entre le cortège du candidat Diouf et celui de la « Convergence patriotique », chacun en provenance de l’endroit où il avait terminé d’organiser son meeting. On était alors en pleine campagne pour l’élection présidentielle cruciale de l’an 2000. Nos mémoires sont encore fraîches de ce spectacle émouvant d’un Me Ousmane Ngom se jetant en pleurs comme un enfant dans les grands bras de son « candidat de l’avenir au soir de sa carrière »[4]. Reprenant ses esprits après quelques tapotements de son candidat lui-même au bord des larmes, Me Ngom s’exclama, joignant le geste à la parole : « Abdu ca kanam !»  Ce qui signifie : « En avant Abdou pour la victoire ! »

Rappelons que Me Ngom avait jeté le discrédit et dirigé sur Me Wade tous les soupçons, en confessant que ce dernier lui avait appris tout ce qu’un homme devait savoir, mais également ce qu’il ne devait jamais faire, apportant ainsi délibérément et abondamment d’eau dans le moulin des adversaires les plus irréductibles de Me Wade, qui l’accusaient alors de tous les pêchés d’Israël, y compris d’être partie prenante dans l’ignoble assassinat du juge Babacar Sèye.

Me Ngom n’avait pas manqué non plus de tirer à feux particulièrement nourris sur Me Wade, suite à ses fameuses déclarations de Paris considérées, à l’époque, comme un appel à l’armée (cf chapitre III de mon livre « Me Wade et l’Alternance : le rêve brisé du Sopi »). Me Ngom était alors en tournée politique dans la Région de Ziguinchor. Il qualifia sans ambages et sans précaution l’appel de Me Wade de subversif. « Ce qui, précisa-t-il, au regard de la constitution, de nos lois, est un délit grave ». Et il enfoncera le clou en ajoutant ceci : « Ce qui est sûr, c’est qu’il ne restera pas impuni ».

Me Ngom ne ménageait donc pas le moins du monde le principal adversaire du candidat Diouf. Toutes les occasions étaient bonnes pour tirer à bout portant sur lui et s’incruster ainsi dans les bonnes grâces de son « candidat de l’avenir au soir de sa carrière ». Il poussera le bouchon jusqu’à cette terrible affirmation : « Il est préférable de confier les destinées du pays à un mouton plutôt qu’à Me Wade. » Dans quelle galère s’est-il donc engouffré aujourd’hui, en étant ministre d’Etat dans le gouvernement de celui qui vaut moins qu’un mouton et qui « parle en démocrate et agit en monarque » ? Celui qui lui a appris « trop de choses qu’un homme ne doit pas faire » ?

Voilà le vrai Me Ousmane Ngom, qui fait feu de tout bois aujourd’hui sur les plateaux de télévision, pour faire oublier son passé et rester dans les bonnes grâces de l’homme qui ne serait jamais devenu président de la République, si ses vœux avaient été exaucés. Cet homme qui valait moins qu’un mouton avant le 19 mars 2000, est devenu presque un Dieu aujourd’hui, qui réussit tout ce qu’il entreprend. Voici comment Me Ngom peint aujourd’hui, celui qui parlait en démocrate et agissait en monarque, le « marchand d’illusion » d’hier, qui « (pensait) pouvoir toujours, par la ruse, dérouter et déstabiliser (ses) interlocuteurs », et enseignait « trop de choses qu’un homme ne doit pas faire » :

« Lorsque j’ai vu le majestueux bateau Aline Sitoé Jaata, je pensais que le père Noël était arrivé beaucoup trop tôt. Et que je vois le maire de Dakar et le secrétaire exécutif de l’Anoci Abdoulaye Baldé, traverser le tunnel de Soumbédioune, je me suis dit que le père Noël était apparu au grand jour. Mais quand j’ai vu arriver les nouveaux passeports à puces numérisées, j’ai eu la certitude que le père Noël était réel, qu’il était en chair et en os et a pris les traits et le visage d’un homme. Et c’est Me Abdoulaye Wade. »[5]

Propos dignes du courtisan, du traitre repenti qu’il est. Propos indignes d’un ministre de la République, et qu’on n’entend jamais dans la bouche d’un ministre américain, canadien, français, allemand ou anglais. Propos qui nous en apprennent un peu plus sur l’homme qui nous gouverne : c’est un père Noël, un nom qui lui colle parfaitement.

Enfin, je suis sûr que s’il devait répéter aujourd’hui ces propos, Me Ngom se garderait bien de faire état de ces fameux « nouveaux passeports à puces numérisées ». Trop de mystères entourent ces passeports, ainsi que les cartes d’électeurs et d’identité numérisés. Des dizaines et des dizaines de milliards ont été engloutis sans contrôle dans leur confection. Pourquoi, tout d’un coup, aucun Sénégalais ne peut-il se faire délivrer un passeport ou une carte d’identité ? Demain, quand la gestion libérale, et principalement celle des passeports, des cartes d’électeurs et d’identité numérisés auront livré tous leurs secrets, de nombreux compatriotes rendront sûrement compte de leurs graves forfaits. Me Ousmane Ngom, le président de la République et son conseiller chargé Tic le savent parfaitement. Le Sénégal est un petit pays où tout ou presque se sait. C’est pourquoi Me Ousmane Ngom gagnerait à être moins arrogant et moins injurieux vis-à-vis de certains de ses compatriotes dont le seul tort est de ne pas être d’accord avec l’immonde gouvernance libérale. Tout au plus, peut-il continuer à loisir, à déverser des tombereaux de louages sur l’homme qui peut à tout moment ressusciter un certain passé, dont il ne veut plus entendre parler !

 

Mody Niang, e-mail : [email protected]


[1]  L’homme n’a plus pour nous aucun respect. Nous devons lui rendre coup pour coup, à lui-même et à tous les autres courtisans qui veulent nous empêcher de nous exprimer, y compris celui qui porte avec zèle cette parole publique qui ne vaut plus un sou. 

[2]  Il aurait préféré se retrouver sur la liste nationale beaucoup plus sécurisante.

[3]  Le Soleil du lundi 20 décembre 1999.

[4]  L’expression est de Me Ousmane Ngom.

[5]  Walf’Grand-Place du 28 décembre 2007.



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