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« L’Afrique doit d’abord investir dans ses infrastructures»

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« L’Afrique doit d’abord investir dans ses infrastructures»

Forte d’une croissance robuste l’Afrique va devoir, pour rattraper son retard, investir près de 93 milliards de dollars, chaque année, dans ses infrastructures.

Par Olivier Lumenganeso, économiste, stratégiste et consultant senior

Alors que la consommation privée compte désormais pour près de 60% de la croissance économique du continent, la contribution de la formation brute de capital fixe ne dépasse pas les 25%, ce qui est bien inférieur à celle en Asie du Sud Est, par exemple. Pire encore, le continent perdrait, chaque année, deux points de pourcentage de sa croissance économique, et sa productivité serait réduite de plus de 40% à cause du mauvais état de ses infrastructures, à savoir ses services d’électricité et d’eau, ses routes, et ses services de technologie de l’information et de la communication.

Déficit d’énergie

L’énergie en Afrique coûte deux fois plus chère que dans d’autres régions en développement, et son approvisionnement n’est pas fiable. La capacité de production installée globale des 48 pays d'Afrique subsaharienne est estimée à peine près de 68 gigawatts. L'Afrique du Sud exclue, ce total tombe à 28 GW, ce qui équivaut à la capacité installée de l'Argentine. De plus, de nombreux problèmes tels la vétusté des centrales électriques vieillissantes et le manque de maintenance font que 25% de ces 28 GW de capacité installée ne sont pas disponibles pour la production. Exprimée en capacité par million de personnes, la capacité installée de l'Afrique subsaharienne, hors Afrique du Sud, dépasse à peine le tiers de celle de l'Asie du Sud (alors que ces deux régions étaient au même niveau en 1980) et n’atteint que le dixième de celle de l’Amérique Latine. Seul un africain sur quatre a accès à l'électricité (près de la moitié en Asie du Sud et plus de 80% en Amérique Latine). Dans plusieurs pays, la croissance des connexions des ménages au réseau électrique est inférieure à la croissance de la population. Les entreprises de nombreux pays africains indiquent que les contraintes électriques sont l'obstacle le plus important à la pratique des affaires.

Télécoms, une chance à saisir

Ce sont les technologies de la communication qui rendent la mondialisation actuelle différente de toutes les autres, argumente le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Un grand nombre de pays en développement tirent d’ores et déjà parti de ces réseaux, avec à la clef des progrès significatifs sur le plan du développement humain dans l’éducation, la recherche scientifique, l’industrialisation, la santé, etc. Un réseau de télécommunications étendu et résistant permet donc une circulation rapide de l’information, ce qui accroît l’efficience économique générale.

Selon l’Union Internationale des Télécommunications (UIT), le marché cellulaire africain est celui qui a augmenté le plus rapidement ces dernières années par rapport aux autres régions du monde.

Cette révolution de l’information offre au continent une opportunité gigantesque de bondir dans le futur. A l’échelle planétaire, néanmoins, le continent parait débranché. L’Afrique est absente des cartes de flux de données, elle ne compte pas plus de lignes téléphoniques qu’une ville comme Tokyo, par exemple, et le nombre d’ordinateurs connectés à internet reste très faible.

Services bancaires trop chers

Les services bancaires coûtent également très cher en Afrique, comme en atteste le niveau élevé des différentiels et des marges d’intérêt. Et l’écart entre les taux de dépôt et du crédit n’incite ni à l’épargne ni à l’emprunt. Cependant, malgré des coûts et des risques élevés, les banques sont très rentables. En effet, les filiales de banques étrangères en Afrique subsaharienne ont un rendement de l’actif et des capitaux propres plus élevé que les filiales de ces mêmes banques dans d’autres régions du monde.

Partenariats public-privé

Aujourd’hui, l’Afrique dépense près de 45 milliards de dollars par an pour ses infrastructures. Une grande partie de cette dépense provient des sources nationales.

Pour rattraper son retard infrastructurel sur les autres parties du monde, atteindre ses objectifs du millénaire pour le développement et réaliser ses objectifs de développement nationaux, elle devra dépenser 93 milliards de dollars chaque année, dont près de la moitié pour assurer uniquement l’approvisionnement du continent en électricité.

Pour réduire le gap, la participation du secteur privé, qui a des réelles capacités à produire et à délivrer des projets d’envergure, est fortement nécessaire et souhaitée. Les secteurs publics et privés devraient continuer à regrouper leurs forces, à travers des partenariats public-privé (PPP), pour encourager l'investissement dans la production des capacités du continent. Les institutions financières internationales et autres agences de développement multilatérales jouent aussi un rôle important dans le financement et la réalisation des projets d'infrastructure en Afrique.

Pour exemple, le nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD), s’est engagé en Afrique de l’Ouest, aux côtés des pays, pour développer une autoroute côtière transafricaine de 4500 kilomètres reliant Nouakchott à Lagos. Les pays d’Afrique de l’Ouest ont achevé plus de 83 %, soit 3777 kilomètres, de l’autoroute côtière, selon la Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). En Afrique australe, la Banque Africaine de Développement (BAD) a consenti en juin 2009 deux prêts d’un montant total de 181 millions de dollars pour financer la construction d’un corridor qui devrait relier le Mozambique au Malawi ainsi qu’à la Zambie. Au total, plus de 1000 kilomètres de routes seront construites. Cette route constitue l’un des projets prioritaires de la Communauté de Développement de l’Afrique australe (SADC).

Pays amis

Les amis du continent sont aussi très actifs dans le financement et la réalisation des projets de capacité. La Chine, l'Inde et quelques pays du Golfe participent de plus en plus au développement des infrastructures en Afrique subsaharienne. Leurs engagements d'investissement sont passés de moins d'un milliard de dollars par an, avant 2004, à près de 5 milliards de dollars en 2007, toujours selon la BM. 35 pays africains ont reçu des financements chinois en matière d’infrastructures. Le montant de nombreux projets s’élève à moins de 50 millions chacun. Il y a également une poignée de transactions qui ont une valeur de plus d’un milliard de dollars. Les termes du financement varient selon les pays, mais généralement engendrent un élément de subvention à hauteur de 33 %, proche du niveau déterminant d’un financement à des conditions favorables. De nouveaux partenariats dans le domaine des infrastructures se développent donc ainsi en Afrique, encouragés par une croissance économique solide dans la région, un meilleur climat commercial, et une demande croissante en matière de pétrole et autres matières premières.

Les allocations de portefeuilles

Avec 93 milliards de dollars à investir chaque année, des besoins d’entretien et de maintenance, une population en croissance, des appétits grandissants d’urbanisation, l'Afrique possède donc pléthore de projets d'infrastructure potentiels. Dans une perspective d’allocation industrielle de portefeuille, il y a des fortes opportunités d'investissement dans les transports, la construction, les télécommunications, l’énergie, la santé, l’éducation, les services publics, l’eau et le traitement des eaux, etc.

Les investissements dans les infrastructures prennent aussi depuis peu une part très importante dans l’allocation des portefeuilles de valeurs mobilières des investisseurs privés et institutionnels, avec le développement des fonds dédiés, bien que non listés, surtout dans les marchés financiers développés. Deux raisons principales expliquent cet élan : (i) la forte demande par les investisseurs, surtout institutionnels, pour des véhicules d’investissement générant des revenus garantis, de long-terme, ajustés au risque ; (ii) les besoins des gouvernements, à l’échelle mondiale, de trouver des alternatives de financement pour construire, entretenir et exploiter les infrastructures publiques. Parmi ces alternatives de placement, le profil rentabilité-risque offert par un fonds d’investissement en infrastructure se situe entre l’immobilier pur, les obligations à revenus fixes, et le capital-investissement (private equity). A cet égard, l’infrastructure constitue désormais une vraie classe d’actif, largement prise en considération dans le processus d’allocation d’actifs dans la gestion de portefeuille.

Investir dans ces fonds dédiés équivaut à faire des placements de capitaux privés dans des projets de réalisation, de construction, et de maintenance des capacités physiques et économiques (aéroport, routes, ponts, tunnels, transits urbains, chemin de fer, ports maritimes, barrages, générateur d’énergie, eau potable, eaux usés, déchets dangereux, réseau de distribution d’énergie, etc.), mais aussi sociales (transports publics, hôpitaux, écoles, prisons, routes à péage, bureaux gouvernementaux, etc.). Dans certains portefeuilles globaux, cette allocation peut même dépasser les 10 milliards de dollars, selon. En 2008, près d’une trentaine de fonds dédiés avaient levé pour près de 200 milliards de dollars. L’Afrique semble, néanmoins, très peu attirer l’attention de ces fonds dédiés infrastructure globaux ou marchés émergents, et ce malgré les portefeuilles d’opportunités dans la région.

Olivier Lumenganeso
 
Diplômé en économie et finance de l’université de Genève, Olivier Lumenganeso est analyste financier et stratégiste global, spécialiste des marchés émergents dans la banque privée. Il a aussi une expérience dans l’enseignement universitaire et dans la recherche appliquée au sein, notamment, des organisations internationales comme le fonds monétaire international et la banque mondiale.



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