Même s’il trouve quand même «bizarre que cette mutuelle rurale
soit la seule auditée durant cette période par le corps de contrôle du
ministère des Finances», en dénonçant «la manipulation politique de
cette institution», Aly Ngouille Ndiaye, président du Conseil
d’administration de la Mutuelle d’épargne et de crédit du Djoloff
(Djomec), est épinglé dans le rapport qui a fait suite à la mission des
Inspecteurs généraux des Finances. Un rapport qui met à nu des travers
de gestion qui ont fait que «le résultat d’exploitation a connu une
chute drastique de 96%, passant de 59,9 millions de F Cfa en 2005 à 5,8
millions en 2006 et 2,5 millions en 2007», selon les vérificateurs. Ils
ont relevé les faveurs faites au Pca avec des prêts sans garanties et
des découverts, de même qu’à d’autres membres de l’institution. Mis
aussi en lumière «un tissu dense de liens de parenté» à tous les nivaux
de la mutuelle dont les politiques d’épargne et de crédit ont été
jugées non viables.
Le
rapport de la mission de vérification dépêchée à la Mutuelle d’épargne
et de crédit du Djoloff (Djomec) qui compte sept agences fonctionnant
en rŽseau, par lÕInspection gŽnŽrale des finances (Igf), du 27 fŽvrier
2009 au 19 mai 2009, a rŽvŽlŽ que des Çfaits non-conformes aux r?gles
de gestion saine et prudente ont favorisŽ les contre-performances de
Djomec dont le rŽsultat dÕexploitation a connu une chute drastique de
96%, passant de 59,9 millions de F Cfa en 2005 ˆ 5,8 millions en 2006
et 2,5 millions en 2007È.
Le Pca s’en donne à cœur-joie pour les prêts et découverts
Ce
qui a particulièrement frappé les vérificateurs, c’est «le traitement
de faveur fait au président du Conseil d’administration de Djomec qui
bénéficient de prêts et de découverts sur son compte d’épargne, selon
ses besoins et sans aucune condition». Pourtant, disent-ils, «ces
facilités qui rendent souvent débiteur le compte d’épargne du
bénéficiaire ne sont pas autorisées par la politique d’épargne de
l’institution». Ils jugent cette pratique «contraire aux règles de
gestion saine et prudente des ressources mobilisées», et contrevenant
aux principes coopératifs régissant le fonctionnement de l’institution.
C’en est ainsi de l’«octroi d’un prêt de cinq millions de F Cfa (le 14
mars 2005) sans garantie au Pca. Ce prêt qui n’a pas fait l’objet d’un
dossier de crédit était en souffrance de dix mois au passage de la
mission et aucune pénalité n’a été appliquée au débiteur».
Il est
indiqué qu’«après deux remboursements honorés (le 14 avril et le 14 mai
2005), aucun autre remboursement n’a été effectué sur ce prêt jusqu’au
14 mars 2006, soit un retard de 10 mois». Les vérificateurs citent
également le cas de la radio communautaire «Djoloff Fm» - d’après le
Pca, il est propriétaire de ladite radio - qui a bénéficié d’un prêt de
deux millions de F Cfa le 10 janvier 2007, sans aucune garantie. Un
seul remboursement de 78 000 F Cfa a été effectué, soulignent les
auditeurs qui déplorent le fait que «le recouvrement au sein de Djomec
n’est pas systématique et se fait de façon informelle».
Les autres membres de l’institution ne sont pas oubliés
Un
autre cas soulevé : «le bâtiment de deux niveaux qui abrite au
rez-de-chaussée l’agence de Linguère et au premier étage la Direction
générale de Djomec appartient à Aly Ngouille Ndiaye, le Pca». Et le
contrat de location qui n’a pu être fourni aux auditeurs que lors de
leur mission d’inspection complémentaire met en relation le Directeur
général de Djomec, au nom de l’institution, et Mamadou Faty Ndiaye,
représentant le propriétaire Aly Ngouille Ndiaye. A préciser que
Mamadou Faty Ndiaye frère du Pca est aussi fournisseur de Djomec.
Il
n’y a pas que le Pca qui bénéficie de faveurs. Le rapport révèle que
«la durée maximale de crédit autorisée dans la politique de crédit de
Djomec (60 mois) n’est pas respectée car des prêts sont accordés au
personnel et aux élus sur des durées qui dépassent cette limite». Il
est fait cas du «membre/personnel n°1500298 qui a bénéficié d’un prêt
de 5,8 millions de F Cfa pour une durée de 132 mois)» alors que le
membre/personnel n°1200110 a bénéficié de 5 million pour 120 mois.
Pendant ce temps, un membre élu du Ca n°1600245 a bénéficié d’un
rééchelonnement de son prêt de 3 millions de F Cfa le 18 mars 2008 avec
2,725 millions à rembourser en 76 mois». Pour l’année 2008, «Djomec a
servi 412 575 F Cfa d’intérêt sur l’épargne de certains membres logée
dans le compte ‘243, autres épargnes’ qui enregistre les épargnes
nanties (des garanties) alors que ce type d’épargne ne peut être
rémunéré car étant la garantie d’un prêt».
Les vérificateurs qui ont
examiné des rapports de l’inspecteur de Djomec ont relevé quelques
faits : «une autorisation de dépense cosignée par le Directeur général,
le vice-président du Ca et le comptable et portant cachet de
l’institution pour l’achat d’un ordinateur portable pour le Directeur
général et d’une radio pour la voiture Nissan, mais ladite autorisation
ne faisait mention ni des prix ni de la date d’acquisition de ces
biens». Un autre cas a trait à «des montants de 30 000 F Cfa payés au
Directeur général, de 60 000 F Cfa de carburant et de 30 000 F Cfa
payés au chauffeur alors que ce dernier ne se serait pas déplacé». «En
effet, le document attestant du déplacement de ce dernier (ordre de
mission) n’a pas été mis à la disposition de la mission. En plus la
vérification de l’état de paiement révèle que Alioune Fall (le
chauffeur en question et frère du Directeur général) n’a pas émargé».
Des politiques d’épargne et de crédits non viables
S’agissant
des activités d’épargne et de crédits, elles sont régies par un
document intitulé «Politique d’épargne et de crédit». Mais les
vérificateurs ont relevé beaucoup d’observations. Il n’est précisé ni
l’âge minimum requis (18 ans) pour accéder au crédit, ni les
dispositions à prendre en cas de fausses déclarations de l’emprunteur
encore moins les dispositions relatives aux conditions et procédures
d’octroi de prêts aux dirigeants ne sont pas clairement définies. «Il
n’est pas inscrit dans la politique d’épargne, le montant minimum
(plancher) à constituer pour un dépôt à terme (…) Cette pratique a
conduit à servir des intérêts sur des montants dérisoires (200 F Cfa,
1000 F Cfa, 800 F Cfa par exemple)».
Les politiques et procédures en
matière de renouvellement de prêt ne sont pas définies, «ce qui peut
entraîner un dépassement du coefficient d’engagement de l’institution
et favoriser la non-transparence dans la distribution du crédit». Les
vérificateurs se sont inquiétés du fait que des «dossiers de crédit ne
sont pas conservés de façon sécuritaire. Ils sont rangés dans des
placards accessibles à tous». Pis, «aucun dossier de crédit parmi ceux
examinés par la mission n’a fait l’objet d’un montage exhaustif (…)
ceci dénote l’absence de rigueur dans le montage des dossiers de
prêts». Si «certains crédits sont accordés sans garanties», il a été
déploré le fait que des visites de terrain ne sont pas effectuées par
l’agent de crédit pour s’assurer de la réalité et de la qualité des
garanties proposées».
Erreurs et taxations illégales sur les opérations
Les
vérificateurs soulignent également des problèmes comptables avec
«l’intérêt sur les Dépôts à terme (qui) est mal calculé», «plusieurs
soldes de compte comportent des erreurs (…) la balance produite par
Djomec n’est pas conforme au schéma conventionnel car elle affiche des
comptes présentant à la fois un solde débiteur et un solde créditeur» ;
Ils donnent un exemple : «le compte banque affiche à la fois un solde
débiteur de 37 561 573 F Cfa et un solde créditeur de 430 539 709 F Cfa
au 02 mars 2009». Ce que le Directeur par intérim explique par une
«défaillance du logiciel ‘Syscrempro’ mais également des erreurs
commises lors de la saisie des données au moment de l’informatisation
de la structure».
Djomec est également épinglée pour
prélèvement d’«une commission de 100 F Cfa sur toutes les opérations de
versement et de retrait au titre de frais de quittance. Cette pratique
est assimilable à une taxation, or les institutions de microfinance
sont exonérées de taxe par l’Etat». Tout cela passe pendant que n’est
pas respecté l’article 52 des statuts de Djomec qui dispose que «le
Conseil de surveillance doit effectuer au moins une opération de
contrôle chaque trimestre»
Bisso na bisso : frères, sœurs et consorts forment Djomec
Chose
curieuse, c’est du «bisso na bisso» (nous dans nous) à la Djomec au
niveau des personnels. Selon les auditeurs, «il existe un tissu dense
de liens de parenté entre élus, entre membres du personnel et entre
élus et membres du personnel». Ils citent : «Aly Ngouille Ndiaye, le
président du Conseil d’administration (Ca) est le frère de Mamadou Faty
Ndiaye, Directeur de l’établissement ‘Keur Socé’, fournisseur de
Djomec.
Le président du Ca est également le frère de Djiby Ngouille
Ndiaye, conseiller technique chargé d’assister le Directeur général de
Djomec dans la recherche de partenaires techniques et financiers. Aly
Ngouille Ndiaye est aussi le cousin de Ousmane Ibra Diop, membre du Ca
et de Mamadou Ndiaye, l’informaticien». Ce n’est pas tout, car «le
Directeur général de Djomec, Mohamed Fall, est l’époux de Ndèye
Seynabou Seck, membre du Comité de crédit et frère d’Alioune Fall,
chauffeur. Makane Malal Dia, membre du Ca est le frère de Abdourahmane
Malal Dia, chef d’agence de Dahra.
Amadou Bamba Ndiaye, membre du
Conseil de surveillance, est l’oncle de Alé Sy Ndiaye, agent de
recouvrement et de Aliou Ndiaye et Moussa Ndiaye, membres du Ca ; ces
trois derniers étant des frères. Amadou Bamba Ndiaye est aussi le
cousin de Ndèye Khady Ndiaye, chef de l’agence de Barkédji». Les
vérificateurs qui soulignent que «la liste des liens de parenté au sein
de Djomec n’est pas exhaustive», soulèvent un autre cas «Mbaye Lo
Cobar, membre du Conseil de surveillance, est l’oncle de Amath Cobar,
l’inspecteur de Djomec».
Les vérificateurs qui soulignent «le
niveau relativement acceptable du personnel technique de cette
institution (…) après examen des dossiers individuels» regrettent
cependant qu’«au plan de la législation sociale, des manquements ont
été relevés concernant la situation des gardiens puisqu’aucun parmi eux
ne dispose d’un contrat de travail
Octroi des marchés sans respect des procédures
L’octroi
des marchés a aussi inquiété les auditeurs qui soulignent que
«l’institution ne dispose pas d’un répertoire des fournisseurs de
services». S’ils indiquent que «l’attribution de ces marchés a été
faite suite à un appel d’offres lancé au début de chaque exercice», ils
remarquent aussi que «la société ‘Etablissement Keur Socé’ qui
appartient au frère du Pca a été attributaire de tous les marchés de
fournitures de bureau de Djomec». Et souvent, «ledit fournisseur ne
dispose pas toujours d’un stock suffisant pour honorer entièrement ses
commandes». Celle du 19 mai 2009 d’une valeur de 1 875 000 F Cfa
l’illustre, selon le rapport, car «Keur Socé» n’a pu livrer qu’une
valeur de 285 500 F Cfa, soit 15% de la commande.
Il a aussi été
constaté «le non respect des procédures internes de l’institution en
matière d’acquisition de biens et services». Le rapport souligne que
«certaines acquisitions ont été faites sans l’autorisation du Conseil
d’administration, seul l’avis du président a été sollicité par le
Directeur général pour engager la dépense», comme cela a été le cas
avec «l’achat d’un véhicule Toyota à 16 980 461 de F Cfa sans
autorisation du Conseil d’administration ni appel d’offres lancé auprès
des concessionnaires». Il en est de même de «l’achat d’un groupe
électrogène à 3 700 000 F Cfa». Pis, les vérificateurs s’arrachent les
cheveux qu’«à la place de factures définitives de ces transactions,
seuls des bordereaux de livraison ont été présentés à la mission».
Prérogative du Dg, la recherche de financement sous-traitée
Le
Ca de Djomec a donné mandat, le 25 juin 2007, «sous forme de
résolution», à Djiby Ngouille Ndiaye, frère du Pca pour rechercher des
fonds auprès des bailleurs nationaux et internationaux, «moyennant une
commission variant entre 1% et 3% du montant du financement». Il est
débusqué à ce niveau un vice de forme «car sur les 16 membres du Ca,
cinq ne l’ont pas signé, or les résolutions prises par un organe, pour
avoir la même valeur que les décisions adoptées au cours des réunions,
doivent être signées par tous les membres dudit organe». En plus de ce
vice de forme, le rapport souligne que «cette décision déroge aux
principes coopératifs. Elle crée une situation de rente en faveur d’une
personne au détriment des autres membres de l’institution».
Il est
indiqué que ces commissions à verser à Djiby Ngouille Ndiaye sont «un
manque à gagner et une charge inutile pour l’institution», parce que
«la recherche de fonds auprès des partenaires et une tâche qui incombe
au Directeur général». Un mois après la résolution qui lui donne
pouvoir de rechercher des fonds, le même Djiby Ngouille Ndiaye a été
chargé de faire des études et prospections de nouveaux marchés et
d’élaborer un plan d’action commercial et marketing pour l’institution
en tant que conseiller technique de Djomec. En outre, il a été établi
que Mohamed Fall effectue le même travail de recherches de fonds auprès
des bailleurs pour le compte d’autres mutuelles d’épargne et de
crédits, moyennant une commission sur la base de contrat
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