Production d'engrais : Les Ics dans l'attente des 3 milliards promis par l'Etat du Sénégal

L'Etat avait promis de débloquer 3 milliards pour le compte des Ics. C'était le mois dernier lors de la réunion préparatoire à la campagne agricole 2006-2007. Cette enveloppe qui devait servir à la production des engrais, n'est toujours pas disposnible. Faute d'argent, la Senchim, filiale des Ics, ne pourra donc pas répondre aux besoins des agriculteurs. Ce qui risque d'avoir une incidence sur les rendements.

L'Etat tarde à tenir sa promesse de verser aux Industries chimiques du Sénégal (Ics) les 3 milliards pour l'achat de matières premières. Des matières premières nécessaires à la production des engrais pour la campagne agricole 2006-2007. Une campagne qui risque d'être compromise. En effet, les Ics sont en rupture d'approvisionnement en matières premières. Pire, sa filiale, la Senchim, est à l'arrêt depuis plusieurs mois. Elle n'est donc plus aujourd'hui à mesure de produire de l'engrais pour les paysans. Ce qui aurait une incidence dans les rendements de la prochaine campagne. Alors que les objectifs de production escomptés cette année est de : 1 million de tonnes pour le maïs, 1 million de t pour le manioc, 100 000 t pour le sésame, 10 000 t pour le fonio, 5 000 t pour le tournesol et autant de tonnes pour le bissap.

Des objectifs que le ministère de l'Agriculture a affichés, la semaine dernière, au cours d'une tournée que M. Farba Senghor a effectuée dans le département de Kaffrine. Mais tout laisse croire que le ministre ne maîtrise pas tous les paramètres liés à la production d'engrais. Lui qui a déclaré par la même occasion que les Industries chimiques du Sénégal, au sortir de leurs difficultés, sont disposées à produire la quantité d'engrais nécessaire aux agriculteurs sénégalais à partir du 15 juin prochain. A cause notamment de la crise qui avait affecté les Ics, il était en effet prévu d'acheter l'engrais à l'extérieur, avait révélé M. Farba Senghor. Comme si les Ics ne sont plus en crise.

Le ministre serait en train de transférer tout bonnement sa responsabilité envers les agriculteurs sur le compte des Ics, notamment en ce qui concerne les engrais. Sans pour autant se demander si au-delà d'être seulement disposées, les Ics seront dans la capacité effective de produire les engrais avant la saison des pluies qui s'est d'ailleurs signalée dans certaines zones, notamment dans l'Est du pays.

Le ministre de l'Agriculture s'est-il assuré que les Ics disposent des financements requis auprès des banques, relativement à l'approvisionnement de matières premières qui, selon nos sources, n'ont toujours pas été achetées, et ce, sur un marché international fortement haussier. A titre d'exemple, le Dap (engrais complexe) a augmenté de plus de 25 dollars la tonne.

Il faut se rappeler que les délais d'approvisionnement nécessaires de ces matières premières sont relativement longs compte tenu des opérations de chargement, de transit maritime et de déchargement sans faire état des délais nécessaires pour le redémarrage de l'usine de Mbao. N'est-ce pas l'obligation du ministre de l'Agriculture de s'assurer de ce qui précède avant de se permettre de telles déclarations. Farba Senghor serait-il sous informé par rapport aux difficultés auxquelles sont confrontées les Ics ? Des difficultés qui seront ressenties par l'agriculture sous-régionale d'autant plus que le Mali, le Bénin, le Togo, le Burkina Faso, etc. importaient d'engrais du Sénégal.

L’un des problèmes évoqués au cours des rencontres avec les représentants des organisations paysannes et des interprofessions comme le Ciriz (Comité interprofessionnel de concertation sur la filière riz local) est le problème de stock de l’engrais Urée, principal facteur de croissance pour le riz.

Les agriculteurs sont aujourd'hui inquiets par rapport à cette situation. Une situation qui risque de compromettre les productions pour cette campagne agricole. Déjà que l'utilisation d'engrais dans la culture des arachides avait enregistré un nouveau repli, passant de 45 500 tonnes pendant la saison 1997-98 à seulement 25 000 tonnes en 2001-2002, selon les derniers chiffres disponibles. Les rendements ont reculé dans les mêmes proportions, entraînant dans leur chute les revenus des agriculteurs.

Pour cette année, la Senchim ne pourra pas honorer ses engagements si l'Etat ne tient pas sa promesse. Certains accusent le directeur de l'Approvisionnement, Aymérou Gningue, de ne pas être à la hauteur. Cet ingénieur diplômé de la Roumanie, ancien de Petrosen (dirigé à l'époque par Ousmane Ndiaye, actuel Dg des Ics) est un proche lui aussi du Premier ministre Macky Sall. En cas d'échec dans la mise à disposition de l'engrais, on ne manquera pas d'imputer la responsabilité au chef du gouvernement à qui le chef de l'Etat a confié le dossier des Ics. ‘Le Premier ministre est en train de faire des efforts énormes dans ce cadre. Par ailleurs, il faut dire que le directeur de l'approvisionnement ne peut rien dans cette situation. C'est un problème d'argent, de stratégie à mettre en œuvre. Tous les ans, il y a toujours un retard dans la livraison des engrais. Mais la Senchim a besoin de l'aide de l'Etat pour finaliser l'opération’, précise un cadre. Une aide attendue avec impatience aux Ics.