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IBRAHIMA SENE SUR LA CRISE GEORGIENNE ET SES CONSÉQUENCES SUR LE PLAN INTERNATIONAL : " L’Afrique, encore moins le Sénégal, n’a rien à gagner dans le retour à l’équilibre de la terreur "

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IBRAHIMA SENE SUR LA CRISE GEORGIENNE ET SES CONSÉQUENCES SUR LE PLAN INTERNATIONAL : " L’Afrique, encore moins le Sénégal, n’a rien à gagner dans le retour à l’équilibre de la terreur "

Ayant longtemps séjourné en Russie, Ibrahima Séne nous parle de la récente crise entre Moscou et Tbilissi. Pour ce membre du Pit, l’Afrique et le Sénégal n’ont aucun intérêt pour ce qu'il appelle un retour à la «  barbarie » sous couvert de la «  mission  démocratique » de l’Occident. Entretien. 

LE MATIN : Le 08 août dernier, les forces géorgiennes sont entrées en Ossétie du Sud. Début d'une crise qui va secouer les relations entre la Russie, l'Amérique et l'Union européenne. Croyez-vous à un retour de la guerre froide?

IBRAHIMA SENE : Il n’est pas exact de penser que la crise occasionnée par l’agression de la Georgie contre l’Ossétie du Sud, et l’intervention da la Russie dans ce conflit, soient un signal d’un retour quelconque à la «  guerre froide ». En effet, la «  guerre froide » est une époque historique, durant laquelle deux camps s’affrontaient à mort pour faire triompher leur «  idéal de société » à travers le monde, à l’issue de la deuxième guerre mondiale. Il y avait, d’un côté, le camp du « bloc occidental » constitué des Etats Unis et les pays européens membres de l’Otan, de l’autre, il y avait le camp du «  bloc de l’Est », constitué de l’URSS et des pays membres du «  Pacte de Varsovie ». Les tensions, que ces deux camps ont généré, ont occasionné, d’une part, la partition de l’Allemagne en deux Etats, une folle course aux armements, et dans la conquête de l’espace à des fins militaires, et d’autre part, un affrontement sanglant, par pays du tiers monde interposés, dans les zones de libération nationale contre le colonialisme, et en Afrique du Sud contre l’apartheid. Le soutien militaire et économique de l’Urss aux mouvements de libération nationale en Asie ( Vietnam, Cambodje), en Afrique ( Algérie, Guinée Bissao, Angola, Mozambique, Namibie, Zimbabwe, et Afrique du Sud), et en Amérique Latine ( Cuba, Niccaragua), se heurtait au soutien militaire et économique du camp du « bloc occidental » à ceux qui luttaient contre ces mouvements. Cette situation de tension généralisée en Europe et dans le Tiers monde avait connu son paroxysme avec la «  crise des missiles » que l’Urss voulait installer à Cuba, victime d’agressions répétées de la part des Etats Unis. Cette période historique a été dépassée depuis l’avènement de Gorbatchev à la tête de l’Urss, avec sa «  Prestroika » en 1985. Ce dépassement a été consolidé par le retrait des forces Soviétiques d’Allemagne, la réunification de ce pays en un seul Etat, et la fin du «  Pacte de Varsovie », suite à l’implosion de l’Urss. Désormais, dans le monde, il ne reste qu’un seul camp, celui de l’Occident, qui a conservé, contre toute attente, son organisation de coopération militaire. Cette suprématie militaire du «  bloc occidental » n’est pas remise en cause par la crise en Georgie pour que l’on puisse parler d’un retour à la «  guerre froide ». Au contraire, elle a été renforcée grâce à la crise en Georgie qui a crée, en Europe, un climat de tension qui a désarmé la forte opposition qui s’y développait contre l’installation du «  bouclier anti missile » des Usa en Pologne. Cette situation de tension a donc permis aux Usa d’obtenir la signature de l’accord du gouvernement Polonais, qui a longtemps hésité par peur de manifestations massives contre ce projet.

La Russie a réagi en occupant la Géorgie et en reconnaissant les Etats séparatistes de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie. Croyez-vous cette démarche fondée compte tenu des réalités géopolitiques sur le terrain?

La réaction de la Russie n’est pas une remise en cause de cette suprématie militaire du «  bloc occidental », mais elle est bien contre le renforcement de celle-ci à son détriment par l’entrée de la Georgie et de l’Ukraine dans l’Otan et dans l’Union Européenne ( Ue ). Depuis la crise Tchéchenne, la Russie a conscience, qu’après l’implosion de l’Urss, l’objectif du camp occidental, est son démantèlement en de nombreux micro Etats pour les placer sous la domination économique et politique des Usa et de l’Ue. Le bloc occidental a déjà expérimenté, avec succès, cette stratégie de soumission des peuples de la Yougoslavie, en démantelant cette Fédération, construite dans la résistance. Les Russes ont donc compris, que la « guerre en Georgie » qui a permis l’installation en Pologne du «  Bouclier anti missile » américain, n’est que le prélude de la «  guerre en Crimée » que les Usa préparent activement avec la complicité de l’Ue, en usant du prétexte de la volonté des dirigeants actuels de l’Ukraine d’intégrer l’Ue et l’Otan. Cette «  guerre en Crimée » entre deux Etats dotés d’armes nucléaires, risque d’être fatale pour l’humanité. Le « Bouclier anti missile » est conçu dans cette optique pour protéger les Usa et l’Ue, tout en laissant le reste du monde exposé aux conséquences de cette «  guerre en Crimée ». L’occident compte sur ce «  Bouclier » et sur une forte pression internationale pour faire capituler les dirigeants Russes devant la volonté des Usa et de l’Ue de démanteler leur Etat, pour éviter un guerre nucléaire. C’est dans cette optique qu’ils veulent présenter la Russie comme responsable du retour à la « guerre froide » pour assouvir son ambition de reconstituer « l’empire soviétique » dans les pays et territoires de l’ancien «  bloc de l’Est ». Mais il reste évident, pour tout observateur objectif, que la Russie ne cherche pas à reconstituer un camp quelconque, mais qu’elle cherche à préserver l’intégrité de son territoire et à assurer son indépendance contre toute velléité de sa domination.

Cette crise a le mérite de marquer le retour sur la scène internationale de la Russie, un pays qui a connu des moments difficiles surtout sur le plan économique. Partagez-vous cette analyse?

Cette crise ne marque donc nullement «  un retour de la Russie  sur la scène internationale », mais elle marque bien sa volonté d’exister dans ses frontières issues de l’Urss, et de s’opposer par tous les moyens à son démantèlement. En outre, il ne faut pas oublier que, malgré l’implosion de l’Urss , la Russie n’a jamais quitté la scène internationale. Elle est membre permanent du Conseil de Sécurité de l’Onu, avec un «  Droit de véto », dont elle a usé contre le démantèlement de la Yougoslavie, exécutée unilatéralement par l’Ue sous les auspices des Usa, sans mandat de l’Onu. Elle en a usé aussi contre la guerre contre l’Irak décidée unilatéralement par les Usa. Quant à la coalition internationale contre le « terrorisme », elle a limité son implication dans l’apport d’un soutien logistique contre Al Quaïda en Afganistan, puisqu’elle est instruite de l’appui que les Usa ont apporté aux «  Islamistes » en Tchéchennie .

Ne pensez-vous pas que le monde a besoin de cet équilibre pour que des pays comme les Etats-Unis ne prennent pas l'initiative de s'attaquer à des pays comme l'Irak et l'Afghanistan?

Durant la « guerre froide », le monde a connu un équilibre des forces entre les deux blocs, mais ce fut un équilibre de la « terreur ». Cet équilibre des forces militaires par la « terreur » a été fatal à l’Urss , et a donné naissance à une suprématie militaire incontestée du « bloc occidental », que la Russie ne peut inverser ni dans le court, ni dans le moyen terme. Dans ces conditions objectives, ce qui préoccupe la Russie n’est pas de relancer une course aux armements dans l’espoir d’atteindre un équilibre avec le « bloc occidental ». Ce qui le préoccupe , c’est de développer suffisamment de forces de dissuasion pour préserver l’intégrité de son territoire et son indépendance. Dans cette bataille, si la Russie se rend armes et bagages à l’occident, la Chine avec son «  Tibet », et l’Inde avec son «  Penjab » , doivent être conscients qu’ils seront les prochaines cibles de la stratégie de démantèlement des grands pays émergents, qui sont perçus, par le « bloc occidental », comme des obstacles à leur volonté de dominer économiquement , politiquement et culturellement le monde. Ces deux pays ont donc tout intérêt à soutenir la Russie dans ce bras de fer avec le « bloc occidental », pour créer les conditions d’un nouvel équilibre des forces politiques et économiques du monde, et asseoir le multi latéralisme dans la gestion des problèmes du monde, seul garant d’un monde de paix, de sécurité pour tous, et de coopération entre les peuples.

Une telle redistribution des zones d'influence ne doit-elle pas être encouragée par des pays faibles comme l'Afrique et le Sénégal en particulier pour atténuer les côtés néfastes de cette mondialisation ?

L’Afrique, encore moins le Sénégal, n’a rien à gagner dans le retour à l’équilibre de la « terreur ». Nous avons payé le prix fort en sang et en destructions massives de nos ressources durant la « guerre froide ». Mais l’Afrique et le Sénégal ont tout à gagner en participant à l’édification d’une puissante opinion mondiale, capable de dissuader les Usa et l’Ue, pour qu’ils renoncent à leur stratégie insensée de régenter le monde en démantelant les grands pays émergents. Il faudrait, dans ce sens, combattre sans faiblesse aucune, leur idéologie de division du monde en «  peuples civilisés » et en «  peuples barbares » qu’ils ont pour mission de civiliser, et les Etats, en «  Etats démocratiques » et en «  Etats despotiques », selon le degré d’allégeance de leurs gouvernants à leur égard. C’est de par cette idéologie qu’ils veulent faire croire que la «  Georgie démocratique » est à défendre de la «  Russie despotique » !! Cette idéologie est, sans aucun doute, un retour dangereux à l’idéologie du colonialisme du XIX éme siècle, qui a enfanté les guerres de conquêtes coloniales, et les deux premières guerres mondiales, pour le repartage économique et politique du monde entre les grandes puissances occidentales. L’Afrique et le Sénégal n’ont aucun intérêt dans ce retour à la «  barbarie » sous couvert de «  mission  démocratique ». La « guerre de Crimée » qui se profile à l’horizon va être le signal des guerres de conquêtes coloniales des vastes terres de la Russie, de la Chine et de l’Inde , pour parachever leur main mise totale sur le monde entier. L’Afrique et le Sénégal, de concert avec ces peuples menacés , doivent se mobiliser pour s’y opposer fermement, pour l’avènement de l’idéal de paix et de coopération entre les Nations du monde.



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