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LES CONFLITS, CITOYENNETE ET RECONSTRUCTION DE L’ETAT AFRICAIN : Préalables à un gouvernement de l’Union

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LES CONFLITS, CITOYENNETE ET RECONSTRUCTION DE L’ETAT AFRICAIN : Préalables à un gouvernement de l’Union

Les rideaux sont tombés sur la rencontre de Bissau des 26 et 27 juin dernier sur le thème : « Conflits, citoyenneté et reconstruction de l’Etat en Afrique ». Troisième du genre, à l’initiative du Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (Codesria), en collaboration avec l’Instituto nacional de estudos e pesqisa (Institut national d’études politiques (Inep) de la Guinée-Bissau. Une déclaration générale réaffirmant les principes et dégageant les conclusions générales des discussions a sanctionné les travaux. Bien que générales, celles-ci de manière prémonitoire, ont montré la voie à suivre avant toute installation d’un gouvernement de l’Union que certains chefs d’Etat, notamment le président Wade et le guide libyen, Momar Kadhafi ont appelé, de tous leurs vœux à Accra, capitale du Ghana de Kwamé Nkrumah quelques jours après.

Des quatre présidents de République que sont Me, Abdoulaye Wade du Sénégal, Blaise Compaoré du Burkina Faso, Pedro Pires du Cap-Vert et Joao Bernardo Viera de la Guinée-Bissau qui devaient rehausser de leur présence les assises sur le Dialogue politique en Guinée-Bissau, troisième du genre, organisées par le Codesria et l’Inep, seul Nino Viera, hôte de la rencontre aura finalement fait le déplacement à l’hôtel Palace de sa capitale. Le président sénégalais sera cependant représenté à un haut niveau par le 1er vice-président de l’Assemblée nationale, le Pr. Iba Der Thiam. L’historien et homme politique sénégalais n’était point dépaysé au milieu de ses collègues chercheurs, universitaires, décideurs politiques du continent, de la diaspora et du monde universitaire qui ont été conviés à « dialoguer » depuis Bissau sur le thème : « Conflits, citoyenneté et reconstruction de l’Etat en Afrique ». La cérémonie d’ouverture des travaux qui ont démarré mardi 26 juin a été donc présidée finalement, en l’absence de ses pairs africains pressentis, par le président guinéen, Joao Bernado Viera.

N’empêche, plus d’une centaine de personnalités politiques, scientifiques et universitaires venues des différents pays du continent ainsi que des représentants d’organismes internationaux ont pris part à cette réunion de deux jours.

Les participants ont abordé des sujets ayant trait aux défis économiques, sociaux et politiques auxquels les populations africaines sont actuellement confrontées. Ils vont tenter par la même occasion d’apporter des solutions à la construction d’une nouvelle citoyenneté africaine, comme d’esquisser des pistes pour la prévoyance et le règlement des conflits dans le continent.

A-t-on bien écouté Bissau avant d’aller à Accra ?

Les partisans des Etats-Unis d’Afrique ont dû revoir à la baisse leur ambition de la former un gouvernement de l’Union ici et maintenant. Celle-ci s’est ébréchée sur les réticences « objectives ? » de ceux-là qui ont pensé qu’il fallait régler auparavant quelques préalables, ceux-là que l’on a qualifiés depuis la capitale ghanéenne de « gradualistes ». Les vœux des défenseurs-acharnés d’une seule Afrique gouvernée certainement depuis Addis, n’ont pas reçu onction et bénédiction à Accra, pourtant la capitale du pays du « prophète » de l’Union africaine, Kwamé Nkrumah. La majorité de leurs pairs s’est montrée plus prudente et s’est voulu chantre d’une avance progressive vers l’union politique à la place d’un gouvernement imposé par le sommet ici et maintenant. Cette majorité précautionneuse a voulu se donner la peine de mûrir le projet. Et même si le débat n’est pas clos, car il s’invitera assurément au prochain sommet, à Addis-Abeba, en janvier 2008, il reste évident que l’Afrique ne pourra pas faire l’économie des préalables qui se dressent objectivement vers la formation d’un gouvernement unique du continent.

Des préalables qui ont fait l’objet d’un examen à la loupe à Bissau quelques jours auparavant dans le cadre du dialogue politique initié par le Codesria et l’Inep sur le thème : « Conflits, citoyenneté et reconstruction de l’Etat en Afrique ». Le chef de l’Etat Bissau guinéen, fort de son expérience propre et celui de son propre pays, la Guinée-Bissau qui a souffert des affres des crises politico-militaires qui jalonnent sa marche et dont la plus dure selon ses propres termes a été l’épisode de la mutinerie de juin 1998-janvier février 1999. Il a campé à l’entame de son discours d’ouverture des travaux des chercheurs, décideurs et témoins de l’époque de Bissau la problématique sur les crises qui fragilisent les Etats africains, ouvrent la porte aux aventuriers, notamment les narcotrafiquants, plombent les économies nationales, paupérisent davantage les couches les moins favorisées, hypothèquent le développement de nos pays. Le président Viera a montré, pour illustrer, qu’avant la crise de 1998, son pays connaissait une croissance de l’ordre de 4 à 6 %. Depuis, il peine à atteindre 1 %. Tirant sommairement les leçons de la crise Bissau guinéenne, il a exhorté l’assistance à réfléchir sur les voies et moyens de juguler les séquelles traumatisantes qui se font encore ressentir dans son pays, pour la reconstruction d’Etats forts, la consolidation de la démocratie. Toute chose qui ne peut exister sans un investissement conséquent sur la citoyenneté et les responsabilités qui vont avec, dira-t-il. Il a conclu son plaidoyer en lançant un appel pour une lutte sans merci contre les narcotrafiquants, l’immigration clandestine et pour une consolidation des institutions républicaines. Toute chose qui participe des préalables qu’Accra aurait dus certainement régler ou aurait pris en compte avant d’aller à la formation d’un gouvernement « unifié » de l’Afrique.

L’universitaire-chercheur en science sociale, le Pr. Adebayo Olukoshi, directeur exécutif du Codesria n’a pas dit autre chose à Bissau. Durant les années de l’immédiat après indépendance, exposera-t-il, l’une des priorités pour les jeunes Etats africains était de construire des nations fortes, unies et indivisibles et faire du nationalisme anti-colonial une force d’intégration de populations fractionnées en multiples entités ethniques et culturelles sur lesquelles reposait le pouvoir colonial. Mais, poursuivra-t-il, l’expérience post-coloniale a vite révélé que cette tâche était beaucoup plus complexe et difficile à accomplir. Malgré donc l’ouverture démocratique des années 90 qui était censée élargir l’espace politique, les pouvoirs publics sont demeurés incapables de modifier le cycle de l’instabilité, de désintégration et d’éviter les confrontations violentes en Afrique…

Face à ce qui est considéré comme la faillite de l’Etat, à quelle instance confier la tâche de prévenir les conflits, ou les contenir de manière à éviter le délitement total, s’est-il interrogé. Le Directeur de l’Inep de Bissau, Dr. Mamadou Jao a abondé dans le même sens.

Le Pr. Iba Der Thiam, bien que se voulant le chantre d’une Afrique unie ici et maintenant tout au long de son intervention à ces assises, en revisitant l’histoire de la marche du continent et de ses souffrances, situant au passage les responsabilités exogènes, invitant également au passage à un humanisme de respect et de solidarité comme solution aux crises sociales et politiques, n’en pas moins reconnu qu’il y avait des préalables à solutionner. Des préalables que la déclaration de Bissau clôturant les travaux interpellent comme la nécessité objective « d’offrir à nos pays des bases consolidées d’institutions fortes susceptibles de fournir aux peuples des espaces de sécurité, de prospérité et de liberté politique et syndicale et sociale ». Ainsi que la nécessité objective de prévoir en considérant que les conflits aux causes diverses sont à l’origine des dislocations des tissus sociaux et des déséquilibres nationaux qui empêchent à nos pays de faire face avec efficacité aux exigences de développement, tout antagonisme possible dans une prospective sociale bien pensée. Cela à partir d’un « dialogue politique global, franc et objectif, mais suffisamment flexible pour prendre en charge les aspirations essentielles des populations et même des minorités ».

En marge de l’Etat, à la lisière du politique : la citoyenneté en question

Alors que cela faisait six mois que le sommet d’Accra avait été annoncé comme celui du « grand débat sur le gouvernement de l’Union ». Personne n’imaginait à vrai dire jusqu’à quel point ce débat allait monopoliser l’attention des chefs d’Etat… La capitale ghanéenne est restée le sommet où deux conceptions de l’avenir institutionnel de l’Afrique se sont affrontées : les gradua listes, comprenez par là les prudents avec comme tête de file les pays d’Afrique australe, et ceux qui voulaient un gouvernement d’un Etats-Unis d’Afrique sur l’heure, derrière le Sénégal et la Libye. Les partisans d’un gouvernement unique se sont-ils interrogés comme l’a fait à Bissau Aminata Diaw, professeur de philosophie à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar sur la « citoyenneté » dans notre continent, un autre des préalables à un gouvernement de l’Union ?

Dans sa communication, la philosophe trouve en effet, partant de la définition aristotélicienne, que la question « qu’est-ce que le citoyen, soit toujours consubstantielle à cette autre qui demande qui est citoyen ? » En Afrique ? Car dira-t-elle, « si la citoyenneté se pose en terme d’inclusion à l’espace du politique et de rapport à l’Etat, par l’attribution de droits à agir ledit dit espace, il y a lieu de s’interroger sur les dynamiques d’exclusion de la citoyenneté politique (…) ». Selon elle, il importe de « ne pas se limiter à une théorie de l’action, mais de porter l’attention d’une part, sur la citoyenneté de statut dont l’essence est l’attribution de droits particuliers au citoyen pour protéger sa liberté et, d’autre part, sur ce qui remet en cause ce statut ». Toutes questions qui interpellent nos Etats ainsi que les rapports inter-étatiques dans le continent.

En effet, a souligné depuis Bissau Pr. Aminata Diaw, « (…) l’examen d’une certaine littérature qui a eu à décrire, analyser et caractériser la trajectoire de l’Etat en Afrique nous amène à penser que cette concomitance de l’Etat et du citoyen, fondatrice d’une légitimité politique, n’a pas toujours été de mise. La patrimonialisation, la privatisation ou en encore la criminalisation de l’Etat dont ont parlé nombre de chercheurs africains et d’africanistes sont toutes symptomatiques de cette concomitance qui fait du citoyen une figure fantomatique sur la scène politique africaine. A y regarder de près, on peut effectivement parler d’un Etat-messi qui s’est donné comme mission le fait de conduire le sujet africain vers son bien être sans que ce dernier n’ait participé à la formulation de cet objectif… » Bien entendu, le Pr. Invite au fait que le sujet ici ne devrait pas être compris comme le sujet individuel, mais comme le peuple.

Construire l’Etat, libérer le citoyen et mettre fin aux conflits

Alors que quelques jours après Bissau, la discussion sur les Etats-Unis d’Afrique a polarisé l’attention des participants à Accra le lundi 2 juillet dernier. Et qu’une trentaine d’interventions se soient exprimées ce jour sur la question par une longue série de prises de parole, rapporte la presse, qui permet aux deux camps de se compter. Que le président gabonais, Omar Bongo ait cherché à rassurer les sceptiques en déclarant que « la mise en place d’un gouvernement de l’Afrique ne signifie nullement la fin des souverainetés nationales ». Tandis que le Nigerian Yar’Adua et l’Ougandais Museveni ont plaidé plutôt la cause des communautés économiques régionales dont il faut, selon eux, renforcer les pouvoirs. Katy Cissé Wone, juriste et politologue en écho à Aminata Diaw a invité depuis Bissau le 26 juillet dernier, de réfléchir « à la construction de l’Etat, la libération du citoyen et les voies et moyens de mettre fins aux conflits » qui déchirent et plombent le développement de l’Afrique, partant l’épanouissement de ses filles et fils.

Certes, avait-elle admise, « la construction de l’Etat africain en devenir est un processus à plusieurs séquences dont les acquis, les échecs, les ruptures, les pauses et les bifurcations constituent les caractéristiques d’un parcours qui ne saurait être linéaire. Les crises démocratiques, sociales et économiques avec pour corollaire une explosion de conflits, participent de la formation de l’Etat africain dont la luxuriance des qualificatifs à son propos n’a d’égale que la complexité de sa nature… » Mais et dès lors, « (…) si les causes de conflits en Afrique sont multiples », elle a estimé « que l’avènement d’Etats démocratiques en Afrique en interaction avec l’émergence de citoyens libres et responsables peut contribuer à mettre fin aux conflits sinon à réduire leur ampleur ». N’est-ce pas là une théorie qui ne déparerait point celle des « gradualistes » d’Accra ? Toujours est-il, fera remarquer la « chercheuse » en science sociale, « l’arithmétique n’est pas forcément opérante car les forces en jeu et les stratégies d’accaparement du pouvoir et du contrôle hégémonique, rythment la marche des Etats africains aux prises avec des crises internes et les injonctions du gouvernement tutélaire des institutions de Bretton Woods dans un monde globalisé et conduit par le marché ». Alors, avait-elle pensé et invitait-elle l’assistance de Bissau à en faire de même, « la formulation exacerbée des principes démocratiques, de bonne gouvernance, d’évitement des conflits et de contrôle mutuel à partir du national, du régional et du continental comme lieux d’énonciation, constituent de nouvelles donnes à analyser pour en mesurer la sincérité ou les conditions de possibilité (…) »

S’est-on posé ainsi la question exploratoire avant Accra 2007 pour ce fameux gouvernement de l’Union comme semble ainsi le faire depuis Bissau Katy Cissé Wone ? Toujours est-il que pour l’investigatrice du champ social et politique africain, « qu’au-delà de l’abstraction de l’institution étatique, les valeurs et les comportements des hommes et des femmes qui l’animent sont à questionner dans la recherche des causes de ses tribulations et de ses réussites. Le rôle des élites et notamment des dirigeants des Etats se pose encore comme un aspect fondamental des crises de l’Etat avec une poussée évidente des présidentialismes en Afrique, système qui tend à consacrer et réunir l’omniscience et l’omnipotence au centre d’un individu avec comme toile de fond, la saillante de la culture du commandement dont le titulaire majeur est le président de la République (…) »

Optimisme cependant, non pas à la manière voltairienne du Nègre de Surinam dans Zadig, mais d’un optimisme lucide et engagé, elle indique que la « construction de l’Etat en Afrique est en marche et sa complexité ne signifie pas son impossibilité ; que les processus démocratiques au-delà des effets de manche et de mode doivent être poursuivis pour créer les conditions d’une véritable paix sociale ; que les facteurs de réalisation de ce tableau idyllique doivent être identifiés à travers une démarche holistique prenant en compte tous les aspects existants, le jeu des acteurs et les méthodologies adéquates y compris le déboulonnage des évidences démocratiques et la subversion analytique (…) »

Plusieurs autres communications de chercheurs, décideurs, hommes politiques et militaires Bissau-guinéens et de la part de leurs hôtes venus de tous les coins de l’Afrique et du reste du monde ont enrichi les débats. Elles constituent toutes des questions auxquelles les réponses données constituent assurément des préalables à tout gouvernement de l’Union qui ne peut découler que d’un construit patient et méthodique.



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