« L’As » l’avait mis à sa « Une », en exclusivité, le lundi 20 mars, au lendemain du Magal : Idrissa Seck, candidat à la Présidentielle de 2007. De même, Omar Sarr a confirmé hier sur les ondes de la Rfm, comme nous l’écrivions le week-end dernier, que onze partis politiques ont décidé d’investir l’ancien Pm. La sortie de Idrissa Seck, hier, a fait « trembler » certains de ses partisans qui croyaient dur comme fer que le régime allait, de nouveau activer la Division des investigations criminelles (Dic), pour arrêter leur leader sous la pression du Président de la République, Me Abdoulaye Wade. Mais au fond de lui, le maire de Thiès sait que rien ne va bouger et pour cause. Il garde jalousement un document dont la publication pourrait renverser le régime de Wade. Enquête.
Au cœur des négociations entamées par Me Ousmane Sèye et Me Nafissatou Diop Cissé, l’avocat de l’Etat avait dit à Idy que le Président avait des conditions à lui poser pour qu’il soit totalement blanchi. L’ancien Pm fera semblant d’accepter et exigera que ces propositions figurent sur un document écrit datant du 22 décembre 2005 et qui porte la signature de Me Ousmane Sèye. Ce qui fut fait et le document transmis à Idy. Dès sa sortie de prison, l’ancien Pm dribble Me Ousmane Sèye et Wade : il rejette catégoriquement leur proposition qui était d’ordre financier et politique (c’est pourquoi dans son Cd il a parlé de demande de rançon) et décide de garder le document et de le publier dans la presse au cas où... D’ailleurs, lorsqu’elle a été convoquée par la Dic, Me Nafissatou Diop Cissé n’avait aucun doute : on cherchait à l’intimider pour faire reculer Idy afin que ce dernier revoie sa position.
Effectivement, c’est une histoire d’argent qui, au-delà de l’affaire des chantiers de Thiès, est à l’origine de la rupture entre Wade et Idy. Mais, comme seuls eux deux savent réellement ce qui s’est passé, la publication du document signé par le chef de l’Etat et demandant de l’argent à son ex-dauphin peut causer beaucoup de dégâts. D’autant que, comme le dit Idy dans son Cd, cela confortera les arguments selon lesquels les magistrats sont aux ordres de l’exécutif. « Je ne me reconnais pas dans cette affaire », clame Me Ousmane Sèye joint au téléphone par la Rfm. Pourtant, c’est lui qui l’a remis à l’ancien Pm en présence de Me Nafissatou Diop Cissé. « Ils n’ont qu’à le toucher encore et ce document sera sur la place publique », affirme une source proche de l’ex-Pm.
En annonçant sa candidature, Idy sait qu’il vient de déclencher une bataille à mort. N’empêche. C’est durant son séjour carcéral qu’il avait pris cette décision. Et son premier séjour à Paris après son élargissement a été l’occasion pour lui de théoriser sa ligne politique. Son ami, l’intellectuel et philosophe Bernard Henry Lévy, l’aura beaucoup aidé dans ce projet lors de conversations qui se déroulaient souvent à l’hôtel Saint-James. Convaincu que sa position était la bonne, Idrissa Seck rejettera en bloc les propositions que lui feront des émissaires envoyés par le Président Wade, parmi lesquels un célèbre avocat anciennement à Dakar et officiant aujourd’hui à Paris.
Serigne Saliou Mbacké, informé le premier
Au début, il était retenu que la déclaration de candidature soit faite après le Gamou. Mais « connaissant Me Wade », Idy a voulu faire mal, très mal, en frappant cinq minutes seulement après que le Président eut fini de s’adresser à la Nation lors de la cérémonie de clôture de la fête de l’Indépendance, hier. Auparavant, l’ancien Pm avait pris la peine d’avertir Serigne Saliou Mbacké, khalife général des mourides, à qui il a envoyé un émissaire chargé de lui annoncer sa candidature à la présidentielle. D’autant que lors du Magal de Touba, reçu par Serigne Saliou, Idy lui avait dit son intention de se présenter.
En même temps que Serigne Saliou Mbacké, l’ancien Pm a aussi tenu à informer ceux qu’il appelle ses futurs alliés. Ainsi Pape Diouf, maire de Bambey et Awa Guèye Kébé, se sont rendus tour à tour chez Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng pour leur annoncer la nouvelle. Talla Diouf avait effectué un déplacement sur Banjul où se trouvait Serigne Mamoune Niasse avant qu’Idy, lui, ne rencontre personnellement Jean Paul Dias et Talla Sylla du Jëf-Jël qui se sont dit partants pour la coalition que compte mettre sur pied le maire de Thiès. Amath Danskho, lui, a été joint au téléphone par Idy depuis Paris.
La ligne Aminata Tall-Fada
Comme il l’a affirmé dans son Cd, l’ancien Pm compte puiser dans le Pds où il compte des soutiens cachés. Parmi ces derniers, le ministre d’Etat Aminata Tall. Cette dernière consulterait tous azimuts ses proches en attendant le signal de Idy pour claquer la porte. Idy et Aminata Tall, après leur brouille, ont maintenu des contacts discrets via Pape Diouf, maire de Bambey. Il en est de même de Modou Diagne Fada, ancien ministre de l’Environnement limogé sans être recasé. Jeune responsable dont la popularité est reconnue, Fada, tout comme Idy, confie à ses amis qu’il ne reconnaît plus le Pds. Récemment, il avait même pris la décision de se lancer dans les affaires, et à refuser même un ministère si on le lui proposait. Il faut dire que ce qui a le plus fâché le responsable de Darou Mouhty, c’est le comportement des autorités étatiques : vingt-qautre heures avant son limogeage, les plus hautes autorités lui avaient garanti qu’il y aurait réaménagement, et lui Modou Diagne Fada aurait une promotion. Un cynisme sans précédent qui a fini de rebeller l’ancien ministre de l’Environnement. À ses proches, il confie souvent : « Si je parle, la déclaration de Aminata Tall ne sera rien par rapport à ce que je dirai ».
Un homme extrêmement renseigné
L’ancien Premier ministre a une force redoutable qui lui permet de contre-carrer les moindres offensives venant du sommet de l’Etat : il saurait presque tout ce qui se passe au Palais et dans les cercles du Pouvoir, chaque heure. Comment ? Sans doute à cause de liens solides qu’il a su tisser. À ses proches, il confie : « quand on a été dans un Etat, on y reste pour toujours » . Pour exemple, une semaine avant que « L’As » et le journal « Le Quotidien » ne révèlent que Wade l’avait blanchi devant des congressmen américains de l’accusation d’atteinte à la sûreté de l’Etat, il avait été mis au parfum. Interpellé par un de ses proches qui était venu lui rendre visite en prison, Idy lui a dit tout en riant : « J’ai été informé le même jour » .
Autre exemple : pendant qu’il était chez lui et que la Dic entendait l’entrepreneur Bara Tall lorsque l’enquête était au stade administratif, l’ancien Pm était au courant des moindres détails de l’audition, lui qui, dès son arrivée à la Présidence, avait confié à Wade : « le pouvoir, c’est le renseignement ».
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