COMMENTAIRE DU JOUR : Effrayant !

Effrayant ! On a des sueurs froides en s’imaginant que tout peut arriver aujourd’hui dans notre pays. Heureusement que nous ne disposons pas de la bombe atomique ! L’adage populaire nous dit que « doff dou dioumi. Xel ma dou tey » (rien n’effraie le fou. Plus rien ne le révulse). Traduction approximative qui ne saurait en tous les cas refléter la puissance du verbe, la subtilité du langage, la profondeur de la pensée wolof pourtant si appropriée à la situation que nous vivons présentement si représentative d’une tragédie grecque.

Le président de la République vient de battre encore une fois, le record du remaniement ministériel, pardon, réaménagement gouvernemental le plus rapide du monde. « Harnaché » le vendredi 1er mai, l’attelage du 6ème Premier ministre post-alternance a été en effet, modifié hier, lundi…4 mai. Soit trois jours seulement après sa formation. Ibrahima Cissé, l’assureur « tombé » en politique et propulsé dans l’équipe de Me Souleymane Ndéné Ndiaye, le jour de la fête du travail, aura fait mieux que Marie Lucienne Tissa Mbengue de Thiès, celle-là même qui fut ministre pendant une semaine et remerciée pour « insuffisance de…culture ». Ibrahima Cissé quant à lui a pulvérisé tous les chronos de la durée aux commandes ministérielles sans que l’on ne sache pour l’heure ce qu’on lui reprocherait. Ses parents, amis, alliés et affidés n’ont pas, eux, le temps de le congratuler comme il se doit et ainsi qu’il est de coutume dans ce pays que le voilà déjà inscrit au chômage. Soixante-douze heures de ministère !

On n’en est cependant pas à la seule incohérence dans la constitution de cette nouvelle association gouvernementale dont l’incongruité architecturale par endroits se le dispute à l’anachronisme par moments des appellations de certains ministères. Loin s’en faut ! Compris dans la fournée des « sanctionnés » Saint-louisiens pour avoir perdu les élections locales dans sa ville natale, Me Ousmane Ngom récupère son fauteuil de ministre d’Etat, ministre des Mines, de l’industrie et des Pme. Il a été rappelé hier aux affaires par le Maître. Pendant ce temps, son collègue des Finances, dont le ministère avait été amputé vendredi 1er mai de l’Economie, retrouve toutes ses deux jambes et son rang. Abdoulaye Diop reprend à nouveau l’Economie. Il redevient ministre d’Etat, ministre de l’Economie et des Finances et recouvre son grade protocolaire acquis déjà dans le précédent gouvernement. L’homogénéité de son département est sauvée.

Quant au « congédié » de l’équipe, à moins qu’on lui trouve un autre strapontin rapidement, il aura été un véritable météore. Traversant comme le convoqué Sonko qui dit porter plainte,-au juste contre qui ? le Premier ministre, le plaisantin qui l’a invité au banquet, les journalistes qui ont relayé l’information ? ,-l’espace gouvernemental sans dire ouf et sans pouvoir s’en référer. Tout cela manque assurément de cohérence, sent les vacances et n’honore pas la République.

Il y a comme qui dirait chez le chef de l’Etat une forme d’entêtement, d’obstination à penser qu’il a toujours raison, seul contre tout le monde, mais surtout une grande incohérence aussi bien dans les prises de décision, dans les actions et les dits où le coq-à-l’âne fait loi. Le président est toujours aussi sûr de lui, des bons choix qui sont et ont été les siens. Il ne se trompe jamais, on le trompe trop souvent. Au sortir du scrutin du 22 mars où l’électorat notamment dans les grands centres urbains du pays s’est voulu sans ambages quant à sa volonté non équivoque de rejet de toute tentative de monarchianisme de l’Etat, on était en droit de s’attendre à un changement de cap dans la gouvernance libérale. On n’a qu’un entêtement présidentiel de dérouler son agenda… personnel de dévolution du pouvoir.

Effrayant en outre, la propension présidentielle à ramener tout à ses seuls intérêts « politiciens » du moment. l’Etat, les institutions et les besoins populaires devant se plier à cette volonté. Les rapports de force qui ne lui sont pas favorables pour l’heure le conduisent à devoir pactiser à nouveau avec son fils d’emprunt, Idrissa Seck qui annonce son retour au bercail et …vers le futur, non sans préciser pour que nul n’en ignore qu’il ne s’aligne que derrière le maître à tous, après avoir rappelé qu’il était l’aîné de la famille.

Droit d’aînesse quand tu nous tiens !Veulent-ils nous sortir de la République pour nous confiner dans le spectacle d’un cercle camériste ? Pour protéger le fils biologique contre celui-là qui n’entend nullement se ranger, Maître doit donc lui trouver bouclier. Qui mieux que les « ennemis » déclarés et assumés d’hier d’Idy pour servir de paravent à Karim ? On peut dès lors penser que le maintien au gouvernement de Cheikh Tidiane Sy, le retour de Me Ousmane Ngom quelques heures seulement après son éviction ainsi que la propulsion au premier rang de Souleymane Ndéné Ndiaye, tout comme l’octroi d’un super ministère au fils procéderaient d’une telle logique. Tant pis si la République en est affectée, les populations déroutées.