Djibril Samba (Cap 21) : « Le Pds doit respecter les autres partis de la mouvance présidentielle »

Wal Fadjri : Pourquoi êtes-vous allé sous votre propre bannière aux élections locales alors que vous êtes membre de la mouvance présidentielle ?

Djibril Samba : Effectivement, nous sommes allés aux élections locales sous notre propre bannière, le Parti de la nouvelle solidarité (Pns). Parce que, tout d’abord, notre parti trouve sa première base à Yoff. Ce parti a été créé par les populations de Yoff, donc il était important pour nous, après quelques années d’existence, de peser notre poids électoral et compter par la même occasion les militants de notre parti. Il est important pour un parti politique de saisir certaines occasions pour se compter.

Ensuite, il y a eu le choix opéré au niveau des investitures qui nous a poussé à aller seul aux élections locales. Vous n’êtes pas sans savoir que les investitures ont fait l’objet de beaucoup de critiques et de contestations au niveau de la coalition Sopi dont nous faisons partie. Nous voulions, en quelque sorte, éviter d’aller nous bousculer aux portillons du Pds pour nous faire investir aux élections locales. Sentant que nous pouvions solliciter les suffrages à Yoff, le fief de notre parti, nous avons préféré aller sous notre propre bannière.

Wal Fadjri : Si on vous comprend bien, vous ne voulez pas vous arrimer à la coalition Sopi 2009 tout en courant le risque de ne pas vous faire investir ?

Djibril Samba : Il y a quelque chose de vrai dans ce que vous dites. Notre candidature a surtout été motivée par les choix à Yoff. Les Libéraux nous avaient laissé en rade. Et si nous les avions suivis, nous aurions peut-être eu un ou deux conseillers. Ce qui ne nous convenait pas. Alors, comme je vous l’ai dit plus haut, nous avons saisi l’occasion pour aller seul et mesurer, pour une première fois, nos forces. C’est pour vous dire donc que nous n’étions pas du tout satisfaits par les investitures de la Coalition Sopi qui ont été dirigées de main de maître par le Pds.

Wal Fadjri : Votre parti est allé seul, mais vous n’êtes pas sorti victorieux dans la commune d’arrondissement de Yoff…

Djibril Samba : C’est vrai, mais il faut surtout noter que nous avons enregistré un score honorable parce que notre parti vient en troisième position après la coalition Sopi et Benno Siggil Senegaal. Au sortir de cette élection, nous avons pu obtenir sept conseillers sur la liste proportionnelle derrière la coalition Benno Siggil Senegaal qui en a eu huit.

Wal Fadjri : Ces candidatures en marge de la coalition Sopi 2009 ne risquent-elles pas de fragiliser davantage l’unité de la mouvance présidentielle ?

Djibril Samba : Je ne pense pas. Au fait, au Pds, certains responsables sont jaloux des autres partis gravitant autour du chef de l’Etat et qui constituent la Cap 21. Ces responsables libéraux ne veulent rien céder aux partis de la mouvance présidentielle alors que nous sommes des hommes politiques responsables de partis. Notre vocation, ce n’est pas de nous arrimer éternellement à la locomotive du Pds. Chaque parti doit avoir ses ambitions.

Cette jalousie se manifeste chaque fois à l’issue des scrutins. On entend rarement les responsables du Pds parler des autres partis quand il s’agit d’une victoire acquise grâce à la coalition Sopi. On ne parle que du Pds. C’est comme si l’apport des autres partis de la mouvance présidentielle était négligeable. Ce qui n’est pas exact. Et c’est regrettable pour nous autres membres de la Cap 21. Voilà donc ce qui a poussé certains partis comme le nôtre à aller seul aux élections locales pour montrer que nous avons un électorat et que nous existons sans la coalition. C’est important ! Aujourd’hui, nous sommes allés aux élections et nous avons obtenu sept conseillers à Yoff.

Wal Fadjri : Apparemment, vous refusez d’être phagocytés à long terme par le Pds à force de rester sous sa tutelle.

Djibril Samba : Justement. Vous savez, il y a beaucoup d’observateurs qui affirment - à tort - que la Cap 21 est composée de partis ‘cabine téléphonique’. Parce que, tout simplement, la plupart de ces partis ne sont jamais allés seuls à une élection. Le Pns refuse cette étiquette. Et pour le prouver, nous n’avions pas meilleure occasion que d’aller seuls à ces élections locales. Et notre option nous a donné raison, car notre parti siègera au conseil régional de Dakar et à la mairie de Yoff. Une situation que nous ne devons à aucune alliance, mais à notre poids électoral intrinsèque. Et il faut noter que nous n’avions même pas pris toutes les dispositions pour être présents dans toutes les collectivités locales du pays. Ici à Dakar, nous n’étions présents qu’à Yoff et à Cambérène et nous avons pu obtenir partout de très bons scores même si nous n’avons pas gagné. Je signale que notre parti a dépassé celui de Mamadou Diop, le maire sortant. Au niveau de Dakar nous avons devancé le Bcg de Jean-Paul Dias, les Surs de Abdoulaye Makhtar Diop et la coalition Suxxali Ndakaru. Pourtant, ce sont des partis dirigés par d’anciens ministres et autres. Ce qui n’est pas notre cas. En tant que secrétaire général du Pns et membre de la Cap 21, je n’ai pas encore eu de responsabilités gouvernementales ou étatiques. C’est pour dire que si j’étais à certaines stations, j’aurais fait mieux. Malgré tout, je crois au poids électoral de mon parti et je refuse d’être confiné à la position d’éternel souteneur sans ambitions.

Wal Fadjri : En tant que membre de la mouvance présidentielle, comment analysez-vous la percée de l’opposition, Benno Siggil Senegaal notamment, à l’issue de ce scrutin ?

Djibril Samba : Sincèrement, je ne m’y attendais pas. Seulement, ces résultats de l’opposition peuvent se comprendre au vu du contexte national et international qui a prévalu avant ces élections locales. Je veux juste vous citer la conjoncture économique qui sévit au niveau international et qui a été durement ressentie au Sénégal à travers les hausses des prix des denrées de première nécessité, les coupures d’électricité, la raréfaction des produits comme le gaz butane et autres denrées comme le riz, etc. Cela a porté un coup dur à la coalition du parti au pouvoir. Parce qu’en réalité, l’électeur ne cherche pas très loin. Il met automatiquement tout sur le dos du parti au pouvoir. Et l’opposition en a profité pour en faire son cheval de bataille. Nous comprenons tout cela et nous devons chercher à rectifier le tir si nous voulons gagner les prochaines joutes électorales qui se profilent à l’horizon.

Wal Fadjri : A quoi sert réellement la Cap 21 si l’on sait que, parfois, des partis la composant décident de faire cavaliers seuls en période d’élections ?

Djibril Samba : Comme son nom l’indique, cette structure a pour mission d’appuyer et d’accompagner le chef de l’Etat. La Cap 21 est un laboratoire d’idées que nous mettons au service du président Wade. Nous faisons des propositions et des suggestions au chef de l’Etat qui en prend parfois compte.

Wal Fadjri : Peut-on s’attendre à ce que le Parti de la nouvelle solidarité qui se réclame de la Cap 21 réédite le coup en allant seul aux prochaines élections législatives ?

Djibril Samba : Pourquoi pas ? Nous sommes en politique. Et dans ce domaine, rien n’est acquis d’avance. Il ne faut jurer de rien. Cela dépendra de la situation. Si le Pds continue de minimiser les alliés, tout peut arriver. Il faut que le Pds reconnaisse la valeur, le poids électoral de notre parti, le Pns, dans la mouvance présidentielle. Au cas contraire, si on continue à nous ignorer ou à nous minimiser, nous allons montrer que nous représentons quelque chose et que nous apportons un plus au niveau de la mouvance présidentielle. Et notre parti n’est pas le seul dans cette posture. Beaucoup d’autres partis de la Cap 21 dénoncent l’ostracisme dont ils sont victimes au sein de la mouvance. Et pourtant, ce sont des partis qui peuvent faire mal s’ils décident d’aller seuls aux élections.

Il faut que le Pds reconnaisse la valeur de ses alliés. C’est tout à son intérêt. Je vous donne un exemple. Le Fsd/Bj de Cheikh Bamba Dièye était membre de la Cap 21. Mais c’est parce qu’il n’a pas senti assez de considération de la part du Pds que Cheikh Bamba Dièye a quitté. Et quand il est parti, des voix s’étaient élevées pour minimiser son départ en affirmant que son parti ne pesait pas lourd. Ce qui est faux car il est député et il est sur le point de devenir le prochain maire de Saint-Louis. Il n’est pas le seul. Il y a aussi le cas de Moustapha Diop Jamil d’Adn. Il était membre de la Cap 21, mais à cause des frustrations, il est allé voir ailleurs. Aujourd’hui, il est député à l’Assemblée nationale. C’est dire que si le Pds continue à toiser ses alliés, à les négliger, la mouvance présidentielle risque de voler en éclats. Et ce serait dommage.

Mais je sais parfaitement que Me Wade n’a pas parfois la bonne information sur les partis de la Cap 21. Certains lui disent que c’est un ensemble de petits partis sans aucune base politique. Ce qui est archi-faux.