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Politique

ENTRETIEN AVEC… BOCAR BA, initiateur de la manifestation contre Wade aux Etats-Unis : « Nous ne reculons pas devant les intimidations »

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ENTRETIEN AVEC… BOCAR BA, initiateur de la manifestation contre Wade aux Etats-Unis : « Nous ne reculons pas devant les intimidations »

Les ennuis commencent. Pour avoir osé huer le président de la République, il y a quelques semaines aux Etats-Unis, en compagnie de Barthélémy Dias, Bocar Bâ se sent menacé. Au pays de l’oncle Sam où il se trouve encore, ses voitures ont été sabotées... en attendant peut-être d’autres ennuis. Mais, cet ingénieur en Télécommunication, à travers la structure Nouvelle vision africaine refuse de se laisser intimider. Il compte aller jusqu’au bout, avec une nouvelle marche de protestation qui sera organisée le 14 novembre prochain, toujours chez Georges Bush. Avec en bandoulière, la lutte contre la corruption, la pauvreté ou encore la mal-gouvernance au Sénégal et en Afrique. Entretien…

Pouvez-vous revenir sur la manifestation que vous aviez organisée, il y a quelques semaines, contre le Président Wade. Quelles ont été les motivations ? Comment l’avez-vous préparée ?

Avec la globalisation, tout ce qui se passe aujourd’hui au Sénégal, dans la minute qui suit, on le sait partout dans le monde. Donc, il est important de savoir ce qui se passe au Sénégal, parce que ça nous concerne. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés. C’est pourquoi, nous avons d’abord essayé d’attirer l’attention des pouvoirs publics pour leur dire que nous, en tant qu’immigrés, qui habitons aux Etats-Unis, nous ne pouvons rester à l’écart, par rapport à ce qui se passe. Nous avons notre mot à dire.

Donc, vous vous sentez frustrés par la marche du pays, c’est pourquoi vous avez organisé cette manifestation. Il faut dire que cette manifestation vient à son heure. Nous avons tenu des conférences, des dîners-débats, attiré l’attention sur la situation que nous vivons, pas seulement au Sénégal, mais dans toute l’Afrique, parce que nous avons une vision africaine des choses, une vision globale. Donc, l’Afrique ne peut pas rester en retrait. Le Sénégal tout seul ne peut rien faire ; donc, nous avons une vision globale des choses. C’est la raison pour laquelle nous avons constitué un groupe, et ce groupe s’appelle Nouvelle vision africaine. Un groupe composé de jeunes, d’experts, de gens qui sont venus de partout. J’ai été l’initiateur, mais c’est un groupe de gens qui sont venus de partout, de la diaspora.

Vous, vous êtes l’initiateur de la marche et pourtant les Sénégalais attribuent la paternité et le succès à Barthélémy Dias…

Non ! Barthélémy Dias a participé à cette manifestation ; je ne reviens pas sur les détails. Nous tous, nous militons dans le sens d’un Sénégal meilleur. Et ce n’est pas important qu’on essaie de se prendre du crédit par rapport à cela. Ce qui est important, c’est que le message que nous voudrions faire passer passe au niveau national : que nous ne sommes pas du tout d’accord avec cette manière de gérer les affaires de l’Etat. C’est plus important que de rester à dire : «C’est telle personne qui a initié le mouvement.» Je ne suis pas le seul dans le groupe, comme je l’ai dit, il y a des jeunes et des experts dans tous les domaines, qui agissent à tous les niveaux, qui étudient tous les dossiers, tout ce qui se passe au niveau du Sénégal et de l’Afrique.

Mais qui a fait la marche ? C’est le Sénégalais qui est au Etats-Unis, qui est mécontent de ce qui se passe au Sénégal, c’est l’ami de Idrissa Seck, ou bien c’est le politique ?

(Rire). En fait, c’est la société civile. J’ai dit que je ne suis pas un politicien classique. Je suis un expert en télécommunications par satellite ; je ne connais que ça. Quand je passe quelque part dans de grandes entreprises de télécommunication par satellite, on me pose toujours la question, parce que, dans ce milieu, on ne trouve que des Sénégalais, des Africains et des Turcs. Nous, nous nous posons une question : qu’est-ce qui ne va pas en Afrique ? Parce que l’Afrique a des gens compétents, mais qui, d’une certaine manière, ont démissionné. Les systèmes que nous avons eus depuis l’indépendance jusqu’à maintenant ont réussi à les mettre de côté. Il s’agit de conscientiser cette part d’intellectuels pour que, quoiqu’il arrive, il soit possible d’instaurer un changement. C’est le changement que nous voulons pour le Sénégal et pour l’Afrique, au niveau des familles, des institutions…

Mais êtes-vous un proche du leader de Rewmi ?

Non ! (avec insistance). Je suis totalement indépendant vis-à-vis de qui que ce soit. Je ne peux pas parler au nom d’une personne, parce que, dans notre groupe, il y a la société civile. Notre groupe est constitué de gens qui viennent de différents partis, de l’Afp, du Ps, de toute la base politique sénégalaise. Il y a également des gens qui ne sont même pas des Sénégalais : des Centrafricains, des Guinéens. Le secrétaire général, par exemple de cette organisation, est un Guinéen. Donc, je ne peux pas parler au nom de Idrissa Seck. Le groupe que je gère aujourd’hui dépasse les intérêts personnels. Je ne roule pour personne. Aujourd’hui, notre groupe roule pour l’intérêt de la nation et de l’Afrique.

Et maintenant pour votre marche du 14 novembre prochain, maintenez-vous toujours la date ?

Oui, bien sûr ! La marche du 14 novembre prochain est maintenue. Ce qui s’est passé, quand on a hué le Président, ce n’est pas pour manquer de respect au président de la République. Non ! Nous l’avons fait parce que nous sommes contre le système. Et ce système-là, c’est le président de la République qui en est le principal responsable. Nous parlons avec l’ensemble de la classe politique sénégalaise, qui était là depuis 1960 jusque-là. Voilà, ça suffit maintenant. Il n’est plus question de distraire le peuple sénégalais. Nous, en tout cas, la société civile, les gens qui sont patriotes sont décidés à porter à la connaissance des pouvoirs publics, que nous avons notre mot à dire quant à la gestion des affaires de l’Etat. A partir d’aujourd’hui, chaque somme qui va être dépensée par qui que ce soit, que ce soit le président de la République, bien que ce soit l’administrateur, où qu’il soit, devra être justifiée au centime près. Voilà notre message. Nous avons saisi cette occasion pour dire au Président que la société civile a son mot à dire, et qu’à partir d’aujourd’hui nous serons très vigilants par rapport aux dépenses qui sont orchestrées au niveau de l’Etat.

Donc la marche du 14 novembre prochain s’inscrit dans cette démarche.

Exactement. Et nous la tiendrons dans le respect : nous n’insulterons, nous n’agresserons personne. Nous avons un message : une lettre à délivrer au président de la République du Sénégal, parce que c’est lui, quand même qui est là, qui dirige le pays avec son équipe, pour qu’il sache ce que le peuple est en train de vivre. Donc, nous sommes décidés à tenir cette marche dans le respect, dans la tolérance, sans excès. Nous la ferons sans problème.

Vous sentez-vous persécuté à cause des actions que vous entreprenez ?

Nous sommes aux Etats-Unis. Dans la Constitution américaine, la manifestation est un droit élémentaire de la personne humaine ; c’est ce que nous avons appliqué. Maintenant, j’avoue que notre groupe fait l’objet d’intimidations. Je voudrais dire à ceux qui font ce genre d’actions que ce n’est pas de telles pratiques qui vont nous faire reculer.

Donc, il y a des actions qui sont menées contre vous.

Oui, mais ce n’est pas important.

Si, c‘est important.

Non ! Dans tous les cas, même pendant les élections, on a vu ce genre d’actions. Mais, ce qui est important, c’est aujourd’hui notre courage, et jusqu’à quel point nous sommes prêts à aller, pour porter le message au président de la République. Nous, ce que nous disons, c’est ce que nous avons entendu dans les familles, la misère, la corruption, la mauvaise gouvernance qui sont là. Il faut que ces maux s’arrêtent !

Pour revenir sur les persécutions dont vous seriez l’objet, on a appris, de source sûre que, il y a quelques jours, les roues de votre voiture ont été endommagées.

Mais, je n’ai pas voulu en parler parce que…

Mais, il faut en parler !

On y reviendra un autre jour.

M. Bâ, on a eu cette information, et je voudrais que vous la confirmiez.

Oui, je la confirme. La police est en train de faire son travail, j’ai donné tous les éléments à la police et effectivement on a vandalisé deux de mes voitures. La police est en train de faire son travail et on saura… Mais, ce n’est pas ces actions-là qui vont nous empêcher de faire passer le message du groupe au président de la République.

Même avec ces intimidations, vous n’avez pas peur pour votre sécurité.

Quand vous faites ce genre d’activisme ou ce genre d’action, vous êtes amené à recevoir des menaces sur votre vie. Bon, c’est sûr qu’il y a des problèmes de sécurité. Enfin, j’ai dépassé ça aujourd’hui. Aujourd’hui, tout ce qui nous importe, tout ce qui nous pose problème, c’est comment faire pour que la population africaine sache que la dignité des Sénégalais doit être restaurée, qu’ils puissent sentir une amélioration au niveau de leur vie, manger, aller à l’école. Nous, c’est ça notre problème. Tant que ça ne se réalise pas, nous ne serons pas tranquilles. Et ce n’est pas seulement en direction du chef de l’Etat sénégalais, mais aussi de tous les autres chefs d’Etats.

Mais, vous ne vous attendiez pas à subir des représailles après avoir hué le chef de l’Etat du Sénégal ?

Vous savez, quand je suis monté dans la première voiture et que j’ai constaté le problème, je me suis dit : «Non, ce n’est pas possible ; peut-être que c’est un hasard.» J’ai laissé tomber cette voiture pour retourner dans la deuxième voiture, mais celle-ci avait également le même problème.

Donc deux de vos voitures ont été sabotées ?

Voilà.

Et vous avez porté plainte à la police ?

Oui, j’ai déclaré ça et la police est en train de faire son travail.

Est-ce que vous vous en êtes ouvert aussi à la représentation sénégalaise aux Etats-Unis ?

Pas encore. Mais le groupe Nouvelle vision africaine qui a en charge le dossier est en train de faire son travail et le moment venu, elle portera à la connaissance des Sénégalais et des Etats-Unis, tout ce qui est arrivé.

Mais, au fait qui est Bocar Bâ, pour ceux qui ne vous connaissent pas ?

Je suis un ingénieur en télécommunications. Je suis spécialisé sur les questions de satellites. J’ai été formé en Afrique. Après, j’ai fait la Nasa en tant qu’ingénieur en télémétrie. J’ai travaillé aussi à la Sonatel, après j’ai fait Intelsat, qui est le leader mondial de la communication. Maintenant, j’ai créé cette Ong et également je fais de la consultation en matière de télécommunications. D’ailleurs, je profite de votre question pour vous dire que je prépare un Mba (Master in business administration) et je prépare un diplôme de Théologie en Islam.

Maintenant, pour revenir à l’actualité politique du Sénégal, il se murmure qu’on aura prochainement un gouvernement d’union nationale au sein duquel on va retrouver l’ensemble de la classe politique sénégalaise. Vous, au niveau de votre groupe, comment appréciez-vous ça ?

Nous ne sommes pas des opposants. Notre groupe est ouvert même au Président, à Idrissa Seck ou à Bathily. Toute personne qui veut faire avancer le Sénégal et l’Afrique est la bienvenue. La preuve, j’ai rencontré des membres du Pds, hier (dimanche dernier, l’entretien a eu lieu lundi : Ndlr), j’ai discuté avec eux et je leur ai dit : «Si vous voulez conseiller le président de la République sur ce que nous avons mis sur nos pancartes, lors de notre marche, les problèmes de gouvernance, des ambassades, des gens qu’on y nomme, il faudrait prendre ces informations et les poser jusqu’au niveau du président de la République.»

Qu’est-ce qui se passe donc au niveau des ambassades ?

Les électeurs n’arrivent pas à avoir des passeports. Aujourd’hui, c’est les immigrés qui soutiennent le Sénégal. Or, s’ils ne sont même pas capables d’avoir un passeport, il y a un problème. Même si le président de la République désirait être membre de notre groupe, ou alors toute personne qui voudrait que le Sénégal avance et règle ses problèmes comme la corruption, tout le monde est invité.

A vous entendre parler, on voit que vous êtes un panafricaniste convaincu….

Absolument. Parce que, le Sénégal ne peut rien faire sans les autres pays.

Donc Nouvelle vision africaine milite pour une intégration africaine.

Absolument. Une intégration au vrai sens du terme. Aujourd’hui, quand vous analysez les choses, vous vous rendez compte que l’Afrique n’est pas pauvre. Mais, il y a un problème avec les personnes qui la dirigent. Je vous donne un exemple : la Sonatel est privatisée, la troisième licence est accordée, est vendue aux étrangers, la deuxième licence cellulaire également. C’est pourquoi, j’en appelle aux intellectuels. Il faut que les gens reviennent à la réalité. L’Afrique n’est pas pauvre, mais elle est mal gérée. Nous, notre groupe, qui est composé d’experts dans tous les domaines, veut proposer des solutions pour ramener ces richesses-là au niveau de l’Afrique.

Vous lancez vraiment un cri du cœur, mais ne pensez-vous pas qu’il y a d’autres formes de lutte pour obtenir gain de cause ?

Nous avons choisi cette forme de protestation, parce que c’est la seule manière que nous avons. On ne peut pas porter de brassards rouges, parce que nous ne sommes pas au Sénégal. Tout ce que nous pouvons, c’est, quand il y a des occasions, rappeler au président de la République notre vision de l’Afrique et du Sénégal. Et je rappelle qu’il y a des gens mobilisés de partout, du Japon, de la Chine, de l’Allemagne, de la France, de l’Espagne, de l’Italie ; bref de l’Afrique jusqu’à l’Occident, en passant par la Chine, tous les gens sont mobilisés, pour désormais, nous faire entendre. Ce message-là, c’est le message de tout un peuple, surtout des femmes. Alors, nous n’avons fait que manifester la frustration du peuple sénégalais, que ce soit au niveau du village, des entreprises, de la rue. C’est ce message-là que nous avons délivré lors du passage du président de la République.  



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