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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

MOUSSA TINE DIAGNOSTIQUE BENNO : « Il est victime du leadership collectif»

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MOUSSA TINE DIAGNOSTIQUE BENNO : « Il est victime du leadership collectif»
Conseiller spécial du maire de Dakar, leader de parti et spécialiste en Droit public, Moussa Tine décortique, avec ces trois « casquettes », les manœuvres politiques en cours, à Benno, mais aussi au sein du pouvoir. Il revient dans cet entretien sur le débat sur le mandat présidentiel, les dernières nominations de Me Ousmane Ngom (Intérieur) et Cheikh Tidiane Diakhaté (Conseil constitutionnel) et évoque les négociations en cours à Benno Siggil Sénégal. Moussa Tine campe les enjeux tout en exprimant ses inquiétudes et espoirs…

On vous a vu engager une campagne contre un troisième mandat du Président Wade en 2012, le sujet n’accroche visiblement plus. Vous voilà dans le tourbillon des terrains que la Mairie de Dakar, où vous êtes conseiller spécial.

Oui. Il faut bien noter qu’il s’agit d’une stratégie connue de Wade. A chaque fois qu’il se trouve dans une mauvaise posture, il allume des contre-feux. La question concernant sa candidature se trouve au cœur des préoccupations citoyennes, étant aussi au carrefour du Droit. C’est la raison pour laquelle, il est nécessaire d’en parler. Ainsi, je voudrais revenir sur le principe. Ce n’est pas parce que nous ne voulons pas que Wade soit candidat, c’est qu’en réalité, la Constitution lui interdit d’être candidat. Les dispositions de la Constitution sont très claires à ce propos. Ceux qui s’opposent à cela, évoquent le principe de la non-rétroactivité des lois, et nous en convenons entièrement. Mais alors, on n’avait pas besoin de faire figurer dans la Constitution l’article 104. Un article qui rappelle que le candidat Wade, élu en 2000, a la possibilité de conduire son mandat jusqu’à terme. S’il n’y avait pas le principe de la non-rétroactivité des lois, on n’aurait pas besoin de le dire. Cela coule de source… Ainsi, lorsque le constitutionaliste l’écrit, c’est parce qu’il avait une préoccupation particulière, spécifique : celle de réglementer la transition. C’est pourquoi cet article se trouve dans les dispositions transitoires de la Constitution… Et lorsque le Président lui-même donne une interprétation pour dire qu’il ne va pas se représenter en 2012, parce qu’il n y a pas droit, le débat se clôt de lui-même. Et je précise que je me suis prononcé sur cette question en tant que technicien du droit et non en tant que politique.

Mais après le diagnostic du spécialiste du Droit que vous êtes, on peut vous reprocher de n’avoir pas pris en charge la question sous l’angle politique. Non ?

Oui parfaitement. Au fait, nous avons un problème qu’il nous faut régler au sein de l’opposition. Nous perdons trop souvent l’initiative ; c’est-à-dire nous ne menons pas le jeu. Nous laissons Wade faire exactement ce qu’il a envie de faire, de décider du calendrier politique. Alors, je trouve qu’il est temps de parler aux sénégalais, d’aller vers eux, les écouter et agir. Ce que lui, Me Wade, réussissait, il faut le dire, à faire pendant qu’il était opposant. Il ne s’agit pas de faire des marches. Il convoquait les gens, organisait des meetings et il était en contact direct avec les populations. Donc, il faut reprendre l’initiative, car il faut noter que, dans aucun pays au monde, un gouvernement avec autant de scandales, ne parviendrait pas à exercer le pouvoir avec autant de paix sociale et politique. Ça n’existe nulle part au monde. Il faut y aller et je pense que le peuple sénégalais est prêt, il reste juste un certain nombre de choses qu’il faut lui insuffler.

Vous dites que le peuple sénégalais est prêt, mais est-ce que Benno est prêt ? Vous êtes en proie à des problèmes de leadership…

Au fond, Benno est victime du leadership collectif qu’il veut mettre en avant. Ce n’est pas possible, surtout lorsqu’on va à une élection présidentielle. Une présidentielle constitue, à mon avis, un rendez-vous d’un homme avec son peuple. Par conséquent, il faut évacuer de manière définitive ce problème de leadership interne, individualisé et incarné par quelqu’un au sein de Benno. Et je précise qu’on ne le réussirait pas par des négociations, mais il faut que quelqu’un s’organise pour prendre le leadership. Car, il ne s’agit pas d’un décret encore moins de l’aboutissement de négociations ; à mon avis, cela s’opère naturellement. Et c’est ainsi que les choses se passent dans les autres pays et dans les organisations sociales. Autrement, nous allons perdre de notre efficacité. Donc, il faut que Benno finisse de s’organiser. Heureusement que nous allons vers un séminaire, au mois d’octobre, qui nous permettra de régler la question des candidatures au niveau interne.

De votre point de vue, quel est le profil le mieux indiqué pour assumer ce leadership ?

(…) Il faut noter que chaque peuple a fini de tailler des habits pour son Président de la République. Pour vous dire que, dans d’autres cieux, on réglerait la question en faisant des sondages afin de mesurer l’état de l’opinion. Il est possible de le faire au niveau de Benno. Ce qui serait interdit, c’est la publication des résultats de ce sondage mais pas le fait d’en commanditer.

Et pourquoi ne pas vous fonder sur les résultats de la dernière présidentielle pour évacuer la question du leadership ?

De mon point de vue, la réalité a fondamentalement changé par rapport à la dernière présidentielle car nous avons des candidats qui ont rejoint le camp présidentiel. Il faut donc décider et statuer sur la nouvelle configuration politique et l’affection de leurs voix. Pour savoir par exemple à qui profitent les voix de Idrissa Seck dans l’opposition s’il s’avérait que celles-ci ne lui profitent plus. Toutefois, je voudrais m’arrêter sur le fait que, sur cette question, la démarche de Benno est bonne. Il s’est agi de partir de ce qui a été dit dans le cadre des Assises nationales, de faire des négociations institutionnelles internes et de se projeter sur cette base strictement scientifique, sur la bonne démarche en vue de l’élection présidentielle 2012. Pour vous dire que toutes les actions ne sont pas mauvaises car effectivement pour que nous nous entendions sur le leader, il faut d’abord définir ce que nous voulons faire. Au fait, nous devons cerner le message qui nous est lancé par les Sénégalais. Les choses deviennent différentes selon qu’on dise que nous allons vers un régime présidentiel ou un régime parlementaire. En tous les cas, nous sommes dans une situation qui fait que nous sommes obligés de passer par une transition. C’est pourquoi, à mon avis, la question de la candidature n’est pas déterminante. Si ce que nous avons décidé, ce que nous avons dit lors des Assisses nationales reste une conviction, l’enjeu ne se situe pas sur le choix de la personne qui sera Président mais celui de la personne qui sera le prochain Premier ministre...

Justement est-ce que le fait de se focaliser sur le poste de Président de la République n’est pas l’indice d’un hold-up programmé de celui qui serait élu en 2012 ?

Justement pour sortir de cette situation, il faut passer par une transition. Je dois dire que, contrairement à ce que l’opinion pense, le Ps n’est pas contre une période de transition. La différence avec les autres, c’est le contenu qu’il veut donner à la transition. Maintenant, à ce niveau, il faut faire très attention car beaucoup ignorent la complexité. D’une part, il était convenu pendant les Assises de mettre en place un régime qui renforcerait le Parlement ainsi que le Gouvernement au détriment de la Présidence de la République. Toutefois, il faut surtout rappeler que le candidat qui sera élu en 2012, le sera sur la base de la Constitution de 2001. Il aura, ainsi, tous les pouvoirs de l’actuel Président de la République. Il aura le pouvoir décrétal, de nomination de l’ensemble des membres du gouvernement, des autorités civiles, militaires etc. D’autre part, il sera certainement installé en Avril 2012 et ainsi, il aura juste deux mois pour organiser des élections législatives. Or, dans un régime comme le nôtre, celui qui a la majorité à l’Assemblée nationale détient le pouvoir. Surtout dans le cas où on a un régime politique avec droit de dissolution... Donc, la grande difficulté, ce n’est pas celui qui va être élu mais plutôt celui qui aura la majorité à l’Assemblée nationale. Même si par ailleurs, le fait d’être Président de la République confère des avantages au niveau de l’Assemblée nationale. Alors, ce sont toutes ces questions qui rendent difficiles les négociations dans Benno. Je pense, que la solution dépendra de l’engagement et de la volonté des uns et des autres.

Pensez-vous sérieusement arriver à un consensus ?

En tous les cas, je souhaite qu’on y arrive. C’est ma conviction et à mon avis, ce qui nous offre plus de garantie, je ne dis pas que c’est la vérité absolue, c’est une candidature unique. Ainsi, on aurait les moyens d’être plus efficaces, plus fédérateurs…

On voit que n’intégrez pas le schéma Macky Sall dans vos analyses. Ne craignez-vous pas qu’il vous double ?

Il faut savoir que Macky Sall est dans les négociations au niveau de Benno. Et celles-là ne sont pas faciles, car il s’agit de faire renoncer à une candidature probable, pour quelqu’un qui vient de créer un parti et qui a des ambitions. Mais ce qui nous rassure, c’est que tout le monde est encore là pour participer aux négociations. C’est juste que, sur des questions de fond, il y a un débat ; les uns et les autres, à mon avis, attendent d’être convaincu. Jusque-là, nous avons tenu deux séminaires qui se sont bien passés. Il reste de continuer les négociations dans ce sens et ainsi garder en ligne de mire l’essentiel qui est de trouver les moyens et les mécanismes de remettre le Sénégal sur les rails de la République. Car il faut souligner que nous ne sommes plus dans un Etat normal s’il faut voir tout ce qui se passe dans notre pays.

On insiste sur la question, quelles seraient les conséquences de sa candidature isolée face à Benno ?

Je reconnais à Macky des avantages sur la scène politique sénégalaise. D’abord c’est un hal-pular qui a son fief en milieu Sérère. Il a mis un pied dans chaque côté du Sénégal. C’est une réalité non négligeable. D’autre part, il a gardé une constance dans le discours politique et il faut le lui reconnaître. Par ailleurs, il faut savoir que, si l’un d’entre nous gagne les élections, il aurait du mal à gouverner ce pays, seul. Ce qui peut remettre le Sénégal sur les rails, c’est un gouvernement fort, un grand conglomérat de partis qui viennent avec une vision forte et partagée pour tirer le pays vers les voies de l’émergence.

Comment analysez-vous l’arrivée de Ousmane Ngom au ministère de l’intérieur et celle de Cheikh Tidiane Diakhaté à la tête du Conseil Constitutionnel ?

Je pense que Wade est en train de mettre en place ce qu’on pourrait appeler le dispositif gagnant. Il a nommé des personnes qui lui sont totalement redevables qui ont tous, une certaine gêne, vis-à-vis de lui. J’ai souvent dit à Ousmane Ngom qu’il a toujours fait de l’excès de zèle. Le contentieux qu’il a eu avec Wade, à la fois politique, moral et social, fait qu’il veut en retour tout faire pour le contenter. Et le plus souvent, cette attitude peut aller au-delà des demandes du Président de la République. Par conséquent, il nous faut prendre cet aspect en considération. Personnellement, je ne vais pas discuter avec Ousmane Ngom en ce qui concerne les élections. Étant dans le camp présidentiel, il ne peut pas me convaincre du contraire. Cheikh Tidiane Diakhaté, pour sa part, a conduit une cour et a décidé de valider des listes pour des candidats qui, eux-mêmes, reconnaissent qu’ils étaient forts clos au moment du dépôt de leur liste. Comment voudrez-vous qu’on puisse construire une démocratie apaisée avec des résultats acceptés de tous autour de deux acteurs qui se rappellent à nos souvenirs de cette manière ?

Vous êtes conseiller à la mairie de Dakar, à suivre le débat sur la question des terrains que vous voulez acquérir, on a l’impression que la Mairie est devenue une Agence immobilière ?

Je propose qu’on soit sérieux quand même concernant cette affaire. Je ne trouve pas les arguments qui justifient l’ouverture d’une information judiciaire. D’abord cela suppose un délit et s’il faut poursuivre quelqu’un, ce sera plutôt le conseil municipal de Dakar qu’il faut poursuivre. Et ce dernier aspect me paraît impossible. Par conséquent, je considère que c’est une aberration. Ce n’est pas possible en droit ; il n’y a pas un seul juriste qui peut cautionner l’ouverture d’une procédure judiciaire. Du point de vue constitutionnel également, il n’y a pas non plus pour l’Etat la possibilité de s’immiscer, comme il entend le faire, dans les délibérations du conseil municipal. Je pense que, sur ce débat, les experts se sont d’ailleurs prononcés pour tomber d’accord sur le fait le Président et ses conseillers sont totalement passés à côté … Donc, il faut qu’on cesse de faire de la Politique à travers nos institutions.

Mais est-ce qu’il n’est pas légitime pour le pouvoir de soupçonner Khalifa Sall, un membre influent de Benno, de vouloir amasser un trésor de guerre en vue de la présidentielle ?

C’est mal connaître Khalifa Sall…

Finalement, vous voulez nous le présenter comme un saint alors qu’il demeure, après tout, un homme politique, avec peut-être les mêmes tares…

Parfaitement, c’est un homme politique qui a toutes ces subtilités que vous soupçonnez, je le confirme, qui est d’une finesse d’esprit et d’une intelligence pointue. Donc, s’il avait besoin de le faire, il y parviendrait d’une autre manière. Toutefois, il faut souligner que ce n’est pas lui qui a décidé de cela ; c’est une délibération du conseil municipal. Et puis, nous n’avons pas de rapport informel. Il faut se référer à une législation de 1996 qui a organisé, sur le plan légal, les rapports entre l’état central et les différents conseils. Pour vous dire que, si le représentant de l’Etat en particulier n’était pas d’accord, il aurait la possibilité de s’y opposer même si cela ne lui confère pas le droit d’annuler la décision. Dans ce cas, il saisit juste le conseil d’Etat. Alors, on ne peut pas, sur la base de suspicion et de calculs politiciens, vouloir freiner la marche d’une institution ; ce n’est pas possible. Soit on est dans le champ de l’Etat et de la République, soit dans celui de la politique.

Mamoudou WANE et Diouma SOW (Stagaire)



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