SOURCE DU MALAISE DANS LA CHANCELLERIE : Des affectations de proches de Karim Wade

Tenus par le devoir de réserve, les diplomates ont pourtant communiqué, non pas pour se plaindre mais pour alerter l’opinion par rapport à ce qui se prépare dans la chancellerie sénégalaise. Ils soupçonnent un déploiement de Karim Wade dans ce secteur. 

On en sait un peu plus sur les origines du malaise qui sévit dans la chancellerie sénégalaise. La lettre de l’Union des conseillers des affaires étrangères du Sénégal (Ucaes) n’est en fait que la partie visible de l’iceberg. De sources bien au fait de ce qui se passe au ministère des Affaires étrangères, il se prépare un vaste mouvement dans les représentations diplomatiques du Sénégal à l’étranger. Et même s’ils ne veulent pas le dire ouvertement, les agents du ministère des Affaires étrangères soupçonnent un déploiement de Karim Wade dans certaines ambassades du Sénégal. Ce, au détriment de certains ambassadeurs soupçonnés d’être des éléments de Cheikh Tidiane Gadio, ex-ministre des Affaires étrangères du Sénégal, resté neuf ans à ce poste.
Ce qui a poussé ces diplomates à penser de la sorte ce sont les décisions prises dernièrement concernant ce secteur et les dernières nominations au titre d’ambassadeur. C’est le cas du rappel des ambassadeurs de l’Inde, du Brésil…, alors qu’ils ne sont pas sur le point d’aller à la retraite. Mieux, ils sont en train de faire du bon travail, toujours selon nos sources. Ce sont des personnes identifiées comme étant des proches de Karim Wade qui ont été placées à ces postes, et ce ne sont pas toujours des diplomates de formation. Et ce n’est pas tout. Après cela, c’est une bonne quinzaine d’ambassadeurs qui seront rappelés sous peu, en majorité taxés d’être des amis de Gadio, pour avoir été affectés à ces postes pendant que M. Gadio était ministre de tutelle.
Les noms ont été proposés au président de la République qui a déjà donné son accord, ils ont même été envoyés aux pays qui doivent les accueillir. Malheureusement, ces noms ont été découverts par des membres de l’Ucaes. Les choix sont à leurs yeux contestables. C’est pour ne pas être mis devant le fait accompli que les diplomates ont pris les devants. En dénonçant «la réduction drastique du nombre de conseillers des affaires étrangères occupant les fonctions de chef de missions diplomatiques et consulaires, soit une vingtaine sur les soixante-trois ; des locaux exigus et une dégradation des conditions de travail ; un envahissement de (leur) département par des personnes ignorant la diplomatie ; l’affectation d’agents aux compétences douteuses dans des postes diplomatiques et consulaires ainsi que l’élévation de certains d’entre eux au rang de conseiller d’ambassade ; et enfin un manque de considération de Me Madické Niang».

Le directeur de cabinet répond point par point
«C’est faire un procès d’intention à Karim Wade que de vouloir lier les changements intervenus dans certaines ambassades à lui», déclare M. Mamadou Ndiaye, directeur de cabinet du ministre des Affaires étrangères. Pour lui, la question que les gens doivent poser c’est de savoir si ces personnes affectées à ces postes ont le bon profil. Il ajoute que c’est le président de la République qui nomme. Et qui, à ce jour, a mis 58 milliards pour acheter de nouvelles résidences à la chancellerie et donner une bonne image du Sénégal à l’extérieur. Mais chacun peut apprécier en fonction de ce qu’il sait. Personnellement, dit-il, il n’a pas de commentaire à faire sur ces personnes. Pour ce qui est du vaste mouvement qui se prépare, il ne veut pas trop en parler ; tout ce qu’il peut dire c’est qu’il y a effectivement un vaste mouvement en préparation.
Concernant les griefs soulevés par l’Ucaes, il signale que seules 11 représentations ne sont pas pourvues à ce jour et qu’il est difficile de parler de réduction du nombre de conseillers. Sur les conditions de travail, il signale que le ministre est à la recherche d’immeuble pouvant abriter des démembrements de ses services parce qu’ils sont effectivement à l’étroit. Mieux, il est en train de démarcher un programme auprès de la Chine pour la construction au même endroit où se trouve son ministère d’un immeuble de 12 étages qui coûte 15 milliards. À propos de l’envahissement, il signale que dès qu’il a pris fonction, M. Niang a proposé qu’aucun agent d’un autre ministère ne soit affecté à son département. Ce qui a été fait. Pour finir, il laisse entendre que M. Niang est ouvert au dialogue, mais c’est un problème de disponibilité qui se pose pour le moment. Dès que ce sera possible, il va discuter avec tous ses collaborateurs.