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DOSSIER : GAMOU OU COMMÉMORATION DE LA NAISSANCE DU PROPHÈTE - Du paganisme à la ferveur religieuse

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DOSSIER : GAMOU OU COMMÉMORATION DE LA NAISSANCE DU PROPHÈTE - Du paganisme à la ferveur religieuse
Le terme «wolof» Gamou, marque la commémoration de l’anniversaire de la naissance du Prophète Mohamed (Psl). Désigné également sous le vocable arabe de «Maouloud», qui signifie naissance, il est célébré en majorité par la confrérie Tijaniyya, dans la nuit du 11ème au 12ème jour du mois de «Rabihoul Awwal» (troisième mois du calendrier hégirien) appelé Gamou en «Wolof». Toutefois, cette cérémonie religieuse n’a pas toujours été ce qu’elle est devenue aujourd’hui. À l’origine, elle était plutôt un rassemblement profane, empreint d’ambiance festive et libertine. L’édition 2008, qui correspond à l’an 1429 de l’Hégire, sera célébrée dans la nuit du 19 au 20 mars.

Le Gamou ou commémoration de l’anniversaire de la naissance du Prophète Mohamed (Psl) est aussi appelé Maouloud. Il est célébré chaque année par des milliers de fidèles musulmans à travers le monde, notamment au Sénégal. Où le point de convergence reste sans aucun doute, la ville Sainte de Tivaoune. On nous apprend également que «le jour de la Naissance du Prophète, les anges sont sortis du ciel et ont jeté des cailloux aux djinns qui espionnaient à travers la coupole bleue du ciel, afin d’apprendre ce qui allait se passer. Les pierres jetées par les anges remplissaient les airs de comètes et d’étoiles filantes qui tombaient sur l’Arabie. La plupart d’entre elles tombaient sur la ville de Taïf. Les gens sortaient dans les rues et regardaient, épouvantés, le ciel illuminé».

À l’origine étaient les ripailles et les beuveries

Toutefois, cette commémoration de la naissance du Prophète n’a pas toujours été un moment de recueillement et de grande piété. Selon le célèbre islamologue Abdoul Aziz Kébé, «le Gamou était à l’origine un rassemblement profane pour célébrer la fin des moissons, une fête carnavalesque, qui existait dans la société sénégalaise où les moments de loisir étaient privilégiés. Les populations s’y rencontraient pour s’adonner à la ripaille, à la beuverie et à la bombance. On mangeait beaucoup de viande, on buvait du vin et les relations entre les hommes et les femmes étaient très libérales. Ce n’est que plus tard, poursuit-il, que Seydi El Hadj Malick Sy s’approprie cette manifestation pour en faire un moyen de partage des enseignements du Prophète. Le guide religieux a donc compris qu’il ne fallait pas tout rejeter dans les sociétés et que la fête fait partie de la nature de l’homme. Ainsi, El Hadj Malick Sy l’a récupéré pour lui donner un sens spirituel et religieux. En remplaçant les actes festifs par des communications sur la vie du prophète. Puisque la structure mentale du Sénégalais est adapté à tout ce qui est rythme et cadence, il a élaboré un livre qui retrace la vie du prophète de sa naissance à sa mort, en forme de poèmes. Ce qui a facilité l’adhésion au message. Ce qui fait que le Gamou est devenu, aujourd’hui, un signe distinctif de la carte d’identité du Sénégal partagé par l’ensemble des communautés religieuses. Cependant, Abdoul Aziz Kébé précise que ce n’est pas El Hadj Malick Sy qui a créé le Gamou.

Un précurseur nommé Abou Sahid

D’ailleurs, des sources renseignent que le Gamou a été célébré, pour la première fois, par un soufi du nom d’Abou Sahid. Par ailleurs, ce qui est important avec le premier Khalife, c’est qu’il a su implanter aux populations analphabètes d’antan, de la religion musulmane. Ce qui est important dans la religion c’est la pratique, hors en donnant en modèle le prophète, dans sa pratique familiale, avec ses amis, avec ses adversaires, avec les membres de sa communauté qui n’avaient pas la même religion que lui, en donnant le modèle de manière pratique, on installait dans le même temps, des compétences au niveau des populations. C’est-à-dire que la connaissance livresque est intéressante, mais l’est encore plus si elle est traduite en compétence de vie. El Hadj Malick Sy a fait une sorte de raccourci en ce sens. C’est ainsi qu’il a choisi le rassemblement profane qui existait déjà et l’a transformé en enseignements sur la vie du prophète. D’où la portée du Gamou qui est devenu un rituel honoré chaque samedi un peu partout au Sénégal. On peut donc retenir, qu’El Hadj Malick Sy a eu une démarche novatrice par rapport à l’enseignement de la religion, en observant sa société et en s’adaptant à ses réalités. En quelque sorte, il a su joindre l’utile à l’agréable, en conservant l’armature, pour y mettre un nouveau contenu.

QUAND SEYDI ELH MALICK SY EXPLIQUAIT L’AFFLUENCE VERS TIVAOUANE : «C’est un choix de Dieu»

Pourquoi Tivaouane et pas une autre ville ? Cette question s’impose. Pourtant, autant cette localité mérite d’abriter la commémoration de la naissance du Prophète, autant les autres villes du Sénégal ont cet avantage. Toutefois, c’est bien Tivaouane qui constitue le point d’attraction de la Tijaniyya. Un choix qui n’est pas fortuit, dans la mesure où l’initiateur de l’événement, El Hadj Malick Sy, disait que «c’est Dieu qui l’a choisi pour lui».

Le «Maouloud Nabi» ou anniversaire de la naissance de Seydina Mohamad (Psl) sera célébré cette année dans la nuit du 19 au 20 mars 2008. Au Sénégal, c’est la ville de Tivaouane qui constitue l’une des principales attractions. Pleine de symboles et d’enseignements, cette manifestation de haute portée religieuse, est inscrite dans le calendrier musulman sénégalais depuis 1902. Une occasion qu’a choisie le grand Cheikh, El Hadji Malick Sy, pour magnifier et chanter la venue sur terre du Prophète de l’Islam. Depuis lors, chaque année, des milliers de pèlerins, assoiffés d’enseignements religieux et du message prophétique, affluent vers cette ville sainte.. Aussi, nombreux sont ceux qui se posent la question de savoir ce qui a motivé le choix porté sur la ville de Tivaoune. Et l’explication est toute simple. Selon l’islamologue Abdoul Aziz Kébé, El Hadj Malick Sy disait que «c’est Dieu qui a choisi Tivaouane pour lui». Autrement dit, «si cela ne dépendait que de lui, il irait habiter et célébrer l’événement là où il est né». D’après M. Kébé, les habitants de Tivaouane avaient invité Seydi El Hadji Malick Sy à leur faire une traduction du Livre. Satisfaits, ils lui ont alors demandé de bien vouloir rester leur enseigner le Saint Coran. Après l’avoir accepté, il a développé toute une stratégie d’occupation spirituelle et intellectuelle de la mentalité de ces Sénégalais vivant en plein «pays ceddo» : l’ex-royaume du Cayor. «Mais les premières manifestations étaient purement individuelles et cultuelles. C’était juste quelqu’un qui cherchait à avoir une ascension spirituelle. Par la suite, El Hadji Malick Sy a eu la volonté de partager les bienfaits avec les populations, en leur proposant le modèle prophétique, comme exemple à suivre pour le bon musulman», explique l’islamologue.

ZOOM SUR EL HADJ MALICK SY MAODO : Le messager de la foi !

Né en 1855 à Gaya, El Hadj Malick Sy apprit le Coran à partir de 6 ans. Fils unique de son père, Seydi Ousmane Sy, Maodo entra dans la «tarikha tidiane», qui signifie étymologiquement «Voie de la perfection», à l’âge de 18 ans grâce à son oncle, Alpha Mayoro Wélé, frère de sa mère Sokhna Fatoumata Wade Wélé. Ce dernier, en phase avec la prédiction de Cheikhou Oumar Foutiyou Tall, lui transmit le «wird».

Après un séjour en Mauritanie, il se rend en 1884 à Saint-Louis. De Louga où il resta quelque temps, il se rendit à l’intérieur du pays, en passant par Ndiarndé où il séjourna sept ans, Diacksao et Pire, avant de s’établir à Tivaouane en 1902 à la suite d’une demande, dit-on, du grand notable Djibril Guèye, qui l’invita à y rester. Il construisit sa première «zawiya» (mosquée) à Dakar. Celle de Tivaouane suivra. Comme tous les érudits de l’Islam, il a écrit beaucoup d’ouvrages, dont les plus célèbres sont “Khilaazaab”, “Nouniya”, etc. Diplomate, homme de son temps, pétri d’urbanité, Maodo a su éviter, avec maestria, les nombreux pièges tendus par les colons, qui virent très tôt en lui, à l’instar de tous les chefs religieux de l’époque, un ennemi, voire un obstacle à leur entreprise «civilisatrice». C’est ainsi qu’il fut, de 1893 à juillet 1895, convoqué plusieurs fois à Saint-Louis. Mais, ne possédant aucune preuve contre lui, le pouvoir colonial blanc se résolut à l’évidence : El Hadji Malick ne préparait pas une armée pour engager une guerre sainte. Ainsi, face aux multiples récriminations des colons, il insista sur le fait que son objectif était de «conquérir les coeurs et la foi des hommes et des femmes pour en faire de fervents musulmans».

Pourvoyeur d’exquises nourritures spirituelles

Un travail de titan, spirituellement parlant, qui devait, selon Maodo, passer par le chapelet. Ces équivoques levées, il lui était dès lors loisible de continuer la mise en place de ses “wazifa” et la construction de ses mosquées. La seule bataille qui à ses yeux, méritait d’être engagée. Pouvait-il en être autrement pour un homme qui éleva au rang de sacerdoce son attachement indéfectible au Prophète Mohamed (Psl). Ce pacte qu’il signa avec l’Envoyé de Dieu fut consigné dans un ouvrage à jamais sublime. «II n’existe aucune action que je puisse faire pour toi si ce n’est t’aimer, te célébrer et te suivre», s’était-il exclamé dans “Mimiyah». S’étant mis exclusivement au service de Dieu, en vulgarisant l’Islam et la «tarikha», modèle achevé de l’idéal prôné par Aboul Abass Cheikh Ahmadou Tidiane, Maodo reçut, par la grâce de Dieu, les insignes de “Grand Maître de l’Ordre Tidiane”, grade suprême dont la valeur se mesure aux exquises nourritures spirituelles qui font courir des milliers de musulmans, par ailleurs fervents talibés, vers Tivaouane. Auparavant, il se rendit à la Mecque en 1889. Sa mission accomplie, il fut rappelé à Dieu le 27 juin 1922 à Tivaouane.

ABDOUL AZIZ KÉBÉ, ISLAMOLOGUE : «Aller à Tivaouane pour commettre des péchés, c’est s’exposer à la malédiction divine»

Islamologue de renom, intellectuel soufi, Abdoul Aziz Kébé revient, dans cet entretien, sur l’aspect profane de la célébration du Gamou. Selon lui, ceux qui vont à Tivaouane pour des motivations autres que religieuses s’attirent les foudres de Dieu.

On remarque, de plus en plus, que l’aspect festif prend le dessus sur la solennité lors du Gamou. Qu’en pensez-vous ?

C’est le Gamou africain, mais pas le Gamou de El Hadj Malick Sy Maodo. D’ailleurs, il a même lancé un appel dans ce sens, en disant : «Venez célébrer la naissance du Prophète, si cela ne vous entraîne pas vers le péché». Donc, son appel est une invitation à s’approprier les compétences qui permettent justement de s’éloigner de cette tendance à la passion, à la luxure et au péché. Alors, ceux qui viennent à Tivaouane avec un autre esprit que celui pour lequel Maodo les a appelés, ont la responsabilité de ce qu’ils y font. Mais une chose est sûre : El Hadj Malick Sy a, lui, bien encadré son appel. En disant que le péché, sous toutes ses formes, doit y être banni. Maintenant, vous n’êtes pas sans savoir que tous les rassemblements humains sont ce qu’ils sont. En ce qui concerne le Gamou, qui en est un, chacun y va selon son propre gré, suivant ses motivations. Certains y vont pour rencontrer des membres de leur famille, d’autres des amis. Parce que nous sommes dans un monde de vitesse et de dispersion. Mais il y a en qui y vont pour combler un besoin de spiritualité. Par ailleurs, il arrive que des gens se rendent à Tivaouane uniquement pour proposer leurs services, en termes de restauration, de commerce etc. Donc, c’est tout bénéfice, parce que c’est le Prophète qui a cette dimension de miséricorde.

Est-ce que la recherche du profit, inhérente au commerce, ne va pas, lors du Gamou, d’une certaine manière, dans un sens loin d’être recommandé ?

Ce n’est pas du tout un péché. Tout au plus, cela dépend des services proposés. Le service doit être licite et légal. Si c’est pour acheter du vin, évidemment c’est un péché. Car le vin est interdit dans la religion musulmane. Maintenant, il faut déplorer cette spéculation au-delà de la marge bénéficière. Car acheter à 300F pour vendre à 18.000F, c’est vraiment navrant.

Qu’en est-il maintenant des acoquinements entre garçons et filles?

Mais ce qui est interdit à Dakar l’est à Tivaouane, tout comme à La Mecque. Même de son vivant, le Prophète disait que ceux qui viennent à Médine parce qu’ils veulent la face de Dieu, c’est-à- dire pour Son agrément, ils l’auront. Mais ceux qui y viennent pour des besoins terrestres, trouveront aussi ce qu’ils cherchent. Idem, pour ceux qui viennent chercher une femme, ils ne verront pas la face de Dieu. C’est ainsi que cela passe à Tivaouane. Les motivations certes sont différentes, mais il faut réaffirmer que la célébration du Gamou est purement spirituelle. Ceux qui pratiquent autre chose devront assumer leurs responsabilités. En langage plus clair, aller à Tivaouane uniquement pour commettre des péchés, c’est s’exposer irrémédiablement à la malédiction divine.

MARIA DOMINICA THIAM DIÉDHOU ET FATOU BINETOU KONTÉ



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